Bruno Le Maire : "Dirigeants, révoltez-vous !"
Que pensez-vous des réductions d'impôts aux entreprises de 33 milliards d'euros prévues pour 2016 via le CICE et le Pacte de responsabilité et de solidarité ?
Je reconnais volontiers que le CICE a amélioré la condition de nombre d'entrepreneurs. Mais ce dispositif reste trop complexe pour les plus petites structures et pose souvent des problèmes de trésorerie. Je lui préfère donc des baisses de charges immédiates sur les salaires.
Pour l'heure, les incitations fiscales sont très centrées sur l'innovation. Est-ce, selon vous, une erreur ?
Non. Il ne faut surtout pas toucher au CIR, dispositif très efficace qui est un élément clef de la compétitivité de nos entreprises. En revanche, la profitabilité de ces dernières reste trop faible. Pourquoi ? Car malgré le CICE et les baisses de charges patronales sur les bas salaires, le salaire net représente encore en moyenne moins de 60 % du coût d'un salarié pour l'entreprise et à peine un peu plus de la moitié pour les cadres. Cet écart est beaucoup trop élevé. C'est l'un des plus hauts des pays de l'OCDE. Surtout que, j'insiste bien, dans cette équation, il n'y a que des perdants : le dirigeant pour qui le coût du travail est trop élevé et son collaborateur car son salaire net, est trop faible. Comme il est absolument impossible d'augmenter les rémunérations sans détériorer la compétitivité, la seule solution est de réduire massivement les charges et donc de réduire la dépense publique que ces charges financent.
La seconde chose, c'est que l'ensemble des taxes touchant les entrepreneurs sont un maquis dans lequel plus personne ne s'y retrouve. Et qui pèsent de manière dramatique sur la production, qu'il s'agisse de la TVA, de la taxe sur la formation ou de la C3S. Je plaide pour une fiscalité plus stable, plus lisible, recentrée autour de l'impôt sur les sociétés.
"Je plaide pour une fiscalité recentrée autour de l'impôt sur les sociétés"
Troisième point : les délais de paiement restent beaucoup trop longs. Ils doivent absolument être harmonisés, au niveau européen, à 30 jours.
Et enfin, inventons des dispositifs de transmission du patrimoine industriel qui permettent de préserver nos PME familiales. Les dispositifs existants, tels Dutreil, sont insuffisants. Il faut supprimer l'ISF qui impose aux familles d'entrepreneurs de vendre leurs parts ou d'exiger des dividendes quand elles ne sont plus directement dans la gestion pour pouvoir payer cet impôt. J'ai visité les sirops Monin, à Bourges, une structure fantastique, très innovante et dotée d'une capacité d'exportation exceptionnelle. Ces entreprises doivent disposer d'une fiscalité qui leur permette de transmettre plus facilement le patrimoine familial.
Que pensez-vous des mesures prises par la loi Macron, notamment en ce qui concerne les accords de maintien dans l'emploi et l'accélération des procédures prud'homales ?
Ce que prévoit la loi Macron est épsilonesque par rapport à ce qui devrait être fait. Nous ne devons pas opérer de petites modifications, mais conduire un véritable changement culturel.
Quand on voit les blocages que la loi Macron a provoqués, ne doutez-vous pas de la capacité de réforme de la France ?
Quand on fait de petites mesures, on suscite de gros blocages. Et contrairement à ce que l'on croit, quand on conduit de grandes mesures, on ne provoque que de petits blocages. Plutôt que d'opérer des réformes ici et là qui ne donneront aucun résultat, ouvrons la voie à des changements profonds qui auront un impact sur la croissance et donc sur l'emploi. Depuis 40 ans en France, on pense à redistribuer de la richesse avant d'en créer. C'est tout l'inverse que nous devons faire. On est désormais au pied du mur. Soit on donne aux entrepreneurs les moyens de se développer, d'être profitable, de transformer leur enthousiasme pour créer des centaines de milliers d'emplois. Soit on conserve le même modèle économique et social qu'on ajuste de temps à autre et rien ne s'améliorera. J'opte pour cette première option, plus radicale.
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