[Dossier] Apprendre de ses échecs : la meilleure manière de réussir ?
Loïc Le Meur, ex-dirigeant de Seesmic, fondateur des conférences LeWeb et aujourd'hui à la tête de Leade.rs, va dans le même sens: "C'est une culture qui doit toucher toute l'entreprise. Ce n'est pas seulement envisager l'échec comme une option, c'est se tromper vite pour pouvoir faire autre chose si ça ne prend pas." Une sorte de "destruction créatrice " décomplexée qui permet au dirigeant, mais aussi aux équipes, d'avancer plus sereinement, débarrassés du syndrome du bon élève.
C'est aussi la méthode employée par Guillaume Gibault. "Cette responsabilité va de pair avec l'esprit d'initiative. Je dis aux équipes du Slip Français: "Décidez. Vous connaissez les tenants et les aboutissants, si ça ne marche pas on saura pourquoi et on ne le refera pas." On améliore ainsi l'idée en analysant toujours le rapport risque/opportunité."
Une approche à nuancer tout de même, notamment parce qu'à l'inverse des États-Unis, il est en France moins aisé de sortir de terre un projet en six mois. "Il faut parfois persévérer, donner du temps au temps pour créer son marché et sa notoriété. Tout en surveillant certains indicateurs et savoir dire stop au bon moment, le pire étant de tenir son projet à bout de bras pendant des années en s'obstinant à le faire survivre", prévient Sylvain Tillon.
Écouter son entourage
L'échec, en ce qu'il constitue un apprentissage - certes forcé - n'est jamais une fin en soi. Pierre Kosciusko-Morizet l'a expérimenté avec sa première entreprise avant de connaître le succès avec PriceMinister. Aujourd'hui investisseur chez Isai et Kernel Investissement, il est d'ailleurs attentif au parcours parfois chaotique des entrepreneurs qu'il rencontre: "Leur retour d'expérience est précieux. Je préfère quelqu'un qui a connu des échecs que quelqu'un qui n'a rien fait. S'il l'a bien vécu c'est presque un plus, je me dis que la personne est capable d'apprendre." Et c'est aussi l'un des rôles de l'investisseur que d'ouvrir les yeux des dirigeants sur un projet qui peine à décoller: "C'est très compliqué pour l'investisseur, qui doit être capable de débrancher la prise. Mais le plus gros risque n'est finalement pas tant de subir l'échec que de ne pas le voir venir."
"Stigmatiser l'échec revient à tuer l'innovation, risquée par essence." Éric Carreel, Sculpteo et Invoxia
Associé chez Elaia Partners, un fonds de capital-risque dédié à l'économie numérique, Marc Rougier ne dit pas autre chose: "Elaia investit en early-stage, à un moment où les entreprises ont plus de chance de mourir que d'exister. Nous parlons ouvertement aux entrepreneurs, en leur proposant des jalons-objectifs. On est du même côté de la table, pas dans le combat. Puis on évalue ensemble si on est sur une traction correcte et si ce n'est pas le cas, on ne maintient pas sous perfusion."
Là encore, l'échec n'est pas honteux et il est inutile, voire contre-productif, de cacher ses difficultés. La transparence est conseillée, qu'on soit en recherche de financement ou qu'on vienne de baisser le rideau. "Parler de ses échecs de manière ouverte permet de créer une relation différente avec ses clients, ses fournisseurs, ses investisseurs, ses collaborateurs. Et les gens ont plus envie de vous aider si vous êtes authentique et ouvert", assure Loïc Le Meur, qui encourage à avancer à visage découvert.
À ce titre, savoir écouter son entourage est crucial. C'est en tout cas ce que défend Sylvain Tillon: "Au moment où la situation se tend, il est important d'avoir autour de soi des personnes bienveillantes, d'écouter ceux qui conseillent d'arrêter ou de dévier la trajectoire." De ces signaux annonciateurs, il a d'ailleurs coécrit un livre avec son ami Thomas Pons qui a, lui aussi, connu quelques déconvenues entrepreneuriales. Dans 100 conseils pratiques pour couler sa boîte , ils listent les erreurs à ne pas commettre (à moins de vouloir mettre la clé sous la porte). Car s'il n'y a pas de recette pour réussir, tous deux ont quelques idées sur la meilleure manière d'échouer. Pour mieux recommencer.
Pour aller plus loin : [Diaporama] Pierre Kosciusko-Morizet, Loïc Le Meur, Marc Rougier, Éric Carreel et Rafi Haladjian témoignent des vertus de l'échec;
Les 5 leçons des entrepreneurs pour rebondir après un échec
NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles