Rétrogradation d'un salarié : vigilance, le terrain est miné
La rétrogradation est une sanction disciplinaire qui obéit à des règles strictes et nécessite obligatoirement l'accord du salarié. Zoom sur cette procédure.
Je m'abonneVous avez récemment promu un assistant chef de produit au poste de chef de produit, qui ne parvient pas à remplir ses nouveaux objectifs ? Vous considérez que votre chef de chantier ne dispose pas des qualités managériales requises pour exercer son poste ? Autant de situations qui vous amènent à envisager la rétrogradation d'un collaborateur.
Cette sanction disciplinaire recouvre deux situations : la faute en tant que telle ou l'incompétence professionnelle. Ainsi, une rétrogradation peut être envisagée comme sanction si vous jugez, par exemple, que le salarié a un comportement inadapté, qu'il a perdu un client important ou qu'il n'assure pas un suivi optimal de ses dossiers. Ou tout simplement qu'il ne parvient pas à assumer son poste en totalité ou avec la rapidité souhaitée.
Mais attention. Le déclassement d'un salarié obéit à des règles strictes, souvent méconnues des dirigeants. Le point essentiel à retenir ? Il s'agit d'une modification du contrat de travail. Vous ne pouvez donc pas imposer unilatéralement cette décision, contrairement à une sanction disciplinaire classique (avertissement, mise à pied ou licenciement pour faute ou insuffisance).
Vous devez donc convoquer le salarié à un entretien préalable et l'en informer par l'envoi d'un courrier en recommandé avec accusé de réception ou lui remettre la lettre en main propre contre décharge. "Dans le cas d'une faute, le dirigeant doit entamer la procédure dans les deux mois suivant la connaissance du fait fautif ou dans les deux mois suivant la réalisation de la faute. A défaut, les faits fautifs sont prescrits et ne peuvent plus être sanctionnés", explique Emmanuelle Sapène, avocat en droit du travail au sein du cabinet Péchenard& Associés.
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Respectez les délais
Vous devez respecter un délai de cinq jours ouvrables francs (hors dimanches et jours fériés) entre la date à laquelle le salarié reçoit sa lettre de convocation et l'entretien préalable. Pour une convocation envoyée par courrier un jeudi (reçue sans doute le lundi), l'entretien doit se dérouler le lundi suivant au plus tôt. Lors de l'entretien, vous devez expliquer à votre salarié ce que vous lui reprochez et entendre ses explications.
Vous disposez ensuite d'un délai de réflexion pour décider de la sanction à prendre. Au cours de l'entretien, il ne faut surtout pas dire à votre salarié que votre décision de le rétrograder est déjà prise. La notification de la sanction doit être transmise après l'entretien par courrier, au minimum dans les deux jours. La sanction doit par ailleurs être impérativement notifiée dans le mois suivant l'entretien au plus tard. A défaut, elle sera déclarée automatiquement nulle et non avenue.
Informez le salarié de son droit de refuser votre décision
Autre obligation : vous devez informer le salarié de la possibilité de refuser son déclassement. Il peut donc accepter ou contester votre décision. Dans le cas d'une réponse positive de l'intéressé, il est nécessaire de recueillir de façon formelle son accord explicite, formalisé par la signature d'un avenant au contrat qui précisera les contours du nouveau poste et le salaire. Une simple signature du salarié ne suffit plus : celle-ci doit être précédée de la mention " bon pour accord ".
"Un déclassement n'entraîne pas forcément une diminution de salaire. Il peut s'agir d'une rétrogradation horizontale, auquel cas le salarié occupe un poste de même niveau mais dans un autre service de l'entreprise", explique Grégoire Bravais, avocat en droit du travail. En tout état de cause, la rétrogradation acceptée pose la question de la poursuite du contrat de travail dans de bonnes conditions, notamment s'agissant de la motivation de l'intéressé.
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Offrez à votre salarié une possibilité de se racheter
Si le collaborateur refuse son déclassement, deux solutions s'offrent à vous. Soit, vous renoncez à la sanction disciplinaire. Soit, vous envisagez un licenciement, généralement en raison des carences constatées de l'intéressé à son poste. "Dans l'hypothèse d'un licenciement pour insuffisance professionnelle, il est recommandé de pouvoir justifier, en cas de litige, que l'employeur a tenté de corriger ces manquements par une formation ou par un courrier de recadrage rappelant alors les contours de sa mission et les objectifs à atteindre", conseille Grégoire Bravais.
Si le salarié n'évolue pas au bout de quelques mois, vous pouvez entamer alors une procédure de licenciement. "Dans ce cas, le motif du licenciement ne sera pas son refus de la sanction, mais les faits fautifs qui ont motivé la rétrogradation", met en garde Emmanuelle Sapène (Péchenard & associés). Vous devrez alors convoquer à nouveau le salarié à un entretien préalable et lui notifier son licenciement. Un arrêt très récent de la cour de cassation du 15 janvier 2013 précise que vous disposez d'un délai de deux mois à compter du refus par le salarié de la sanction disciplinaire pour engager la procédure de licenciement.
La justification de la rétrogradation doit donc être solide et justifiée. "Les conseils des prud'hommes ne comprennent souvent pas pourquoi une entreprise envisage un licenciement après avoir proposé une rétrogradation, donc le maintien du salarié dans l'entreprise ", explique Grégoire Bravais, avocat en droit du travail. C'est notamment pour cette raison que cette pratique est de moins en moins utilisée par les dirigeants. Et ce, d'autant moins que l'article L 1235-1 du Code du travail prévoit que le doute doit profiter au salarié si les juges ne parviennent pas à se faire une opinion.