La Tournée gagne du terrain !

Un milkman anglais déposant dans les années 60 des bouteilles de lait sur un palier de porte de la banlieue de Londres, ou encore des habitants, bouteilles en verre sous le bras, qui se précipitent dans le commerce de proximité afin de déposer leurs contenants. Des images que Juliette Poiret a souhaité remettre au goût du jour.

Cette parisienne de 31 ans, diplômée de Sciences Po, a quitté son emploi de consultante en 2020 pour se lancer dans l'entrepreneuriat. « Lors de mes études, j'ai beaucoup été sensibilisée à la cause écologique. Mais dans mon métier, je conseillais des entreprises dans tous les secteurs sans aucune prise en compte de leur impact, je prenais l'avion chaque semaine pour me rendre chez les clients, cela devenait de plus en plus éloigné de mes valeurs », explique Juliette Poiret, fondatrice de La Tournée en novembre 2021. Avec son associé Camille Perbost, rencontré à Station F et quelques économies en poche, elle loue un garde meuble et un camion électrique, achète des bouteilles consignées chez Métro, et commence par livrer ses premiers clients dans les Yvelines la semaine.

Un million de contenants sauvés

Six mois après, au printemps 2022, l'essai se révèle concluant. La Tournée prend de l'ampleur. La société compte aujourd'hui 60 salariés, 7000 clients et livre plus de 600 produits du quotidien, des boissons, de l'épicerie sucrée, salée, de la crèmerie, des produits d'hygiène, des fruits et légumes dans 250 villes et arrondissements d'Ile-de-France. « Nous avons sauvé 1 million de contenants qui auraient dû partir à la poubelle en deux ans. Cela va de plus en plus vite. Nous enregistrons une forte croissance et triplons notre chiffre d'affaires chaque année », rapporte Juliette Poiret, qui dispose de deux entrepôts en Ile de France et d'une flotte de 15 camionnettes électriques.

Concrètement, les utilisateurs de la plateforme La Tournée peuvent passer commande en ligne et se faire livrer des produits du quotidien. Chaque contenant étant consigné, les consommateurs restituent, à la livraison suivante, les bouteilles en verre ou les emballages qu'ils ont conservés pour récupérer la consigne sur leur tirelire. Les contenants sont transmis, lavés et réutilisés par les fournisseurs et les producteurs partenaires de la société. « Les contenants peuvent être utilisés plus de 50 fois. Ramener des bouteilles vides en supermarché reste complexe. Nous prouvons ainsi aux consommateurs que ça n'est désormais pas plus compliqué que de sortir leurs poubelles », rapporte Juliette Poiret.

Embarquer les industriels

La démarche de la start-up, qui a réalisé deux levées de fonds de 2 et 5 millions d'euros en 2022 et 2023, s'inscrit pleinement dans la loi Agec (anti-gaspillage pour une économie circulaire) de 2020, qui prévoit notamment la fin des emballages en plastique à usage unique d'ici 2040. « Cette loi, qui fixe des paliers à atteindre tous les trois ans, a créé une dynamique. Les industriels restent en retard par rapport à leurs objectifs, doivent revoir leur ligne de production, le format de leur emballage. Quand ils ne savent pas faire du réemploi, nous achetons des produits en vrac, et on les fait consigner avec un partenaire », rapporte la trentenaire. La PME ambitionne d'ici à trois ans d'étendre son concept dans les grandes métropoles, et de continuer à proposer des produits quotidiens, le plus possible issus de producteurs locaux.