Production industrielle : atteindre l'excellence devient vital
Parmi les leviers à actionner pour accroître l'excellence industrielle de sa PME : dresser un diagnostic objectif et précis de l'entreprise et s'emparer de bonnes pratiques marché comme la planification et le "Value Stream Mapping". Explications.
Je m'abonneEn 2022, trop de dirigeants de PME-PMI françaises encore ne se sont pas pleinement approprié le sujet de l'excellence industrielle et ce qu'il signifie pour leur entreprise. Ils ne travaillent pas non plus assez en amont, s'emparant en général du sujet seulement quand ils rencontrent des problèmes de trésorerie. Or il est souvent trop tard et la pente à remonter est raide et longue. C'est notamment le cas des PME françaises qui étaient en difficulté en 2019 et qui, grâce aux PGE et autres aides de l'État pendant la crise sanitaire, ont reporté le moment de se pencher sur le sujet de l'efficience de leur production.
Une appropriation par les chefs d'entreprise qui demande à être développée
Travailler sur l'excellence industrielle est une démarche efficace pour qui veut améliorer ses rendements et inscrire l'activité de l'entreprise dans le temps long. Elle a d'abord été traitée par les entreprises de production, au travers de projets de digitalisation et d'usine 4.0. Car fabriquer vite et bien du premier coup améliore le rendement. Cela permet de répondre plus vite à la demande client et d'accroître le ROI de ses investissements.
Face aux tensions actuelles sur les supply chains et à la montée de l'inflation, l'excellence industrielle est encore plus fondamentale pour assurer la rentabilité et la pérennité d'une entreprise. Plus que jamais, il est nécessaire que les chefs d'entreprise fassent de l'atteinte de cette excellence industrielle un objectif prioritaire de leurs plans stratégiques.
Le point de départ : changer de point de vue
La toute première étape consiste pour le chef d'entreprise à dépasser l'idée selon laquelle la situation de son entreprise est particulière, qu'elle est un cas unique qui ne peut pas être géré avec les mêmes approches que les autres PME. Il doit admettre que ce qui vaut pour les autres vaut aussi pour lui.
Ensuite, il lui faut accepter le fait que certaines choses ne fonctionnent pas de manière optimale, qu'il puisse y avoir des dysfonctionnements, y compris quand tout va bien, et qu'il faille les résoudre.
Enfin, il doit mettre son entreprise en condition de travailler en continu sur la recherche de l'excellence et de l'amélioration des rendements. Avoir une vision réaliste des forces et faiblesses de son entreprise, tout autant que des points d'amélioration, reste rare alors qu'elle est indispensable. Ses spécificités n'y changent rien.
Actionner plusieurs pistes simultanément
Plusieurs leviers sont à la portée des chefs d'entreprise pour améliorer l'excellence industrielle. Tout d'abord, il leur faut dresser un état des lieux de la situation, en listant les atouts, les faiblesses, les opportunités et les menaces qui pèsent sur l'entreprise. Là aussi, force est de constater que trop de dirigeants de PME ne disposent pas de diagnostic clair, précis et objectif. Il s'agira également d'identifier clairement les matériaux ou composants pour lesquels il existe une tension sur le marché et qui sont critiques pour la production ainsi que chez les fournisseurs. Une dernière question portera sur les compétences - celles que l'on a, celles qui manquent, celles qui sont le plus en tension.
Ensuite, les chefs d'entreprise exploreront les actions qu'ils peuvent lancer. Ceux qui sont touchés par les tensions sur les matières premières, les approvisionnements et les prix peuvent chercher à produire avec moins de matière, à revoir les procédés pour générer moins de déchets, ou encore à trouver une façon de réutiliser les déchets générés par la production. Ils peuvent aussi adapter la structure de coût « main d'oeuvre vs matière ». Ils peuvent aussi étoffer leurs équipes de compétences nouvelles, soit en recrutant, soit en reconvertissant certains collaborateurs à de nouveaux métiers.
Une autre action fondamentale consiste à travailler sur la planification (S&OP - Sales & Operations Planning). Il va s'agir de suivre et de mettre à jour de façon régulière les informations sur les approvisionnements et les coûts de ces produits ou services, ainsi que de développer la collaboration entre les équipes commerciales et celles en charge de la production.
Quatrième axe de travail : ajuster les supply chains en s'appuyant sur les concepts et approches du lean management. La démarche VSM (Value Stream Mapping) est particulièrement efficace. Les outils de VSM servent à recenser et de cartographier l'ensemble des processus et outils de production.
Ils permettent d'avoir une vision claire sur les risques de rupture de la supply chain et l'augmentation des coûts de production. Ils permettant aussi et surtout d'identifier les goulots d'étranglement et de savoir s'ils sont le reflet d'une faiblesse côté processus ou d'un problème technique gênant l'exécution (comme une machine qui tombe en panne tous les deux jours et rend impossible un déroulement fluide et efficace de la production).
Disposant d'une vision claire de sa capacité à produire, il est alors possible de prendre des décisions rapides pour améliorer l'existant, par exemple en verticalisant la fabrication via la réinternalisation d'une partie du processus amont. Ces outils aident aussi à optimiser le rythme de la production avec le parc existant de machines ou encore à trouver la bonne façon d'ajuster la capacité de production à la variation des commandes. Dans d'autres cas, ils peuvent conduire à la décision de solliciter de nouveaux fournisseurs (par exemple dans d'autres zones géographiques).
Les PME qui oseront regarder leur situation en face, établir un diagnostic objectif et qui s'empareront des bonnes pratiques marché comme la planification et le VSM, se donnent de vraies chances d'accroître leur excellence industrielle. Celles-là s'inscriront dans le moyen/long terme et auront la capacité de passer les vagues liées aux tensions économiques et industrielles observées en 2022.
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Pour en savoir plus
Jacques Schaffnit, a plus de trente ans d'expérience à la tête d'entreprises industrielles internationales (Hutchison, filiale du groupe Total, Ascometal, RFS, etc.). Il rejoint en 2021 I&S Adviser.