LePermisLibre : première auto-école introduite en Bourse

Les deux jeunes entrepreneurs lyonnais, la trentaine à peine avancée, avaient une sacrée pression sur leurs épaules en ce début février 2023. Romain Durand et Lucas Tournel réalisaient alors non seulement la première introduction en bourse de l'année sur Euronext Growth Paris, mais aussi la première introduction française en bourse d'une auto-école.

Pari réussi après dix mois de travail intense, d'envolées incontrôlées d'enthousiasme, mais aussi de sueurs froides, de doutes sur les intentions des investisseurs : LePermisLibre a finalement levé 8 millions d'euros avec une capitalisation boursière de 46 millions. Un pas de plus dans la crédibilisation de cette auto-école en ligne créée il y a dix ans et numéro 2 du secteur (derrière Ornikar et devant En Voiture Simone), affichant une hyper-croissance avec un chiffre d'affaires multiplié par sept ces trois dernières années... mais dont les cinq premières années de vie n'ont été qu'une succession de galères.

Faire bouger les lignes

« À 21 ans, Lucas était en école de commerce. Moi, un an de plus, je terminais un Bachelor de droit. Ni lui, ni moi n'avions envie de poursuivre nos études dans nos voies respectives. Nous avons cherché une idée de business pour créer notre entreprise. À cette époque, la plupart de nos copains nous disaient que leur apprentissage du permis de conduire se passait très moyennement », se souvient Romain Durand.

Les deux étudiants, baignés dans l'univers des plateformes d'intermédiation comme AirBnB ou Uber, se penchent alors sur le sujet. « Nous avons fait un constat : le modèle de l'auto-école traditionnelle était dépassé. Il n'était plus adapté aux besoins de générations digital natives. C'est pourtant un examen primordial, le plus important devant le baccalauréat avec 1,2 million de candidats chaque année. Nous avons donc réfléchi : est-ce qu'une formule auto-école + plateforme pouvait fonctionner ? ». Après leurs partiels, les deux jeunes hommes se penchent très sérieusement sur la question. Avec une ambition : comment rendre le permis de conduire moins cher, plus digital, plus pratique ?

L'entreprise voit le jour fin 2014, avec l'ouverture d'une auto-école physique traditionnelle respectant les très nombreux critères réglementaires du secteur. Traditionnelle, mais pas tout à fait quand même, puisque LePermisLibre propose dès son lancement une réservation en ligne des heures de conduite. « Ce n'était quand même pas une révolution extraordinaire, même il y a dix ans... Et pourtant, nous avons tout de suite vu arriver le début des ennuis. Dans ce secteur qui ne laissait pas de place à l'innovation en raison de l'ultra-réglementation, nous avons suscité une levée de boucliers des acteurs traditionnels et des syndicats professionnels. Cela ne s'est évidemment pas arrangé lorsque nous avons accéléré, un an plus tard, avec notre plateforme de permis 100 % digitale », se souvient le cofondateur de l'entreprise.

Le concept ? Un apprentissage en ligne du code et une mise en relation, via la plateforme, de candidats au permis de conduire avec des instructeurs diplômés indépendants.

Quatre ans de procédures

« Nous avons subi une très forte opposition des acteurs installés et comme nous sommes entrés dans une sorte de vide juridique, nous avons aussi dû faire face à une inquisition très forte des administrations. Nous avons subi des dizaines de contrôles, des demandes de fermeture administrative à répétition, des communiqués de presse à charge de la Préfecture du Rhône. Alors même qu'en parallèle, nous obtenions notre agrément d'organisme de formation et le label Pass French Tech », énumère, encore passablement agacé, Romain Durand.

Finalement, LePermisLibre a remporté toutes ses batailles juridiques et, en mars 2019, le Parquet de Lyon a classé le dossier sans suite. « Nous savions que nous étions dans notre bon droit et que nous avancions dans la bonne direction pour un permis de conduire plus accessible et plus efficace, mais nous avons été empêchés de travailler pendant plusieurs années. » La conclusion que les deux entrepreneurs en tirent : « Dans l'adversité, l'entreprise a su grandir et se structurer ! Notre entourage nous a beaucoup soutenus ».

Croissance exponentielle

Une fois clos cet épisode de fortes turbulences, la start-up est entrée, depuis 2019, dans une phase de croissance exponentielle, la menant en 2022 à un chiffre d'affaires de 14,8 millions d'euros avec 82 salariés et quelque 950 enseignants indépendants partout en France.

LePermisLibre revendique 360 000 candidats inscrits depuis sa création et une présence dans 500 villes françaises. Un an après une levée de fonds de 5 millions d'euros menée début 2022 auprès de deux fonds d'investissement, son introduction en bourse lui permet d'asseoir sa légitimité et de poursuivre son déploiement.

Trois axes principaux sont envisagés : l'accélération de sa notoriété nationale à travers une importante campagne de communication dans les moyennes et grandes villes, la densification de son maillage dans les petites villes de moins de 50 000 habitants et une diversification de son offre autour, notamment, de l'écoconduite. Une offre d'assurance devrait également être lancée à la fin de l'année. Romain Durand et Lucas Tournel visent un chiffre d'affaires de 45 à 50 millions d'euros en 2025, avec une rentabilité opérationnelle qui devrait être atteinte dès l'année prochaine.

À terme, LePermisLibre a une ambition claire : devenir le leader français des auto-écoles françaises. Devant Ornikar, donc, qui a réalisé en 2021 un chiffre d'affaires de 45 millions d'euros et avait levé 100 millions il y a deux ans.