Nicolas Dufourcq (Bpifrance) : "Dirigeants, c'est le moment d'investir"
Vous garantissez les prêts à hauteur de 8 milliards par an. Comment financez-vous leur défection?
Ce risque, certain, est couvert par des fonds de garantie dotés par l'État à hauteur de 4 milliards d'euros. Nous consommons chaque année entre 80 et 100 millions d'euros.
Vous accordez 6 milliards d'euros de prêts de trésorerie, sans lesquels, il y aurait, selon vous, des dizaines de faillites en France. Sur quels critères les accordez-vous?
L'entreprise doit avoir plus de trois ans et, idéalement, être bénéficiaire. Pour celles qui ne le sont pas, nous préfinançons le CICE, qui est une créance de l'État. Nous pouvons alors accompagner des sociétés plus risquées que pour le crédit pur à l'investissement.
Concernant les prêts à l'investissement, Bpifrance finance sans gage sur actif. Mais, encore une fois, comment financer ce risque?
Nous le faisons pour 2 milliards sur 6. Nous le finançons de la même manière, avec des fonds de garantie. Et ceci n'a absolument rien coûté à l'État en 2015 car, pour ces fonds, Bpifrance a cotisé 36 millions et nous avons "utilisé" la même somme. En 2016, nous aurons probablement besoin de plus, mais nous ne savons pas encore à quelle hauteur.
Quand on est à la tête de Bpifrance, peut-on rester critique par rapport aux orientations fiscales et économiques du gouvernement?
Notre devoir de réserve ne nous empêche pas de relayer les perceptions des entrepreneurs. En 2012-2013, ces derniers vivaient comme prédatrices les taxations sur les plus-values de cession. Nous avons fait passer ce message au sommet de l'État, qui est revenu en arrière. Idem sur le droit du travail, la pénibilité, la réglementation des stages.
Que pensez-vous de la loi El Khomri?
Notre rôle est de faire saisir aux dirigeants les bénéfices de certaines avancées. La loi El Khomri, c'est quand même le début d'une grande décentralisation de la négociation collective. L'assouplissement de l'accès aux crédits inter-entreprises, les réformes des conditions d'accès au chômage partiel, l'inversion de la hiérarchie des normes, la réduction des délais aux prud'hommes, ainsi que les barèmes, même indicatifs, des indemnités de licenciement...
Toutes ces mesures contribuent à la simplification de la vie quotidienne des entreprises. Alors certes, la négociation sociale en France fonctionne aux compromis. D'où le compte pénibilité ou encore l'obligation d'information des salariés préalablement à la vente de l'entreprise. Il s'agit de contreparties correspondant à l'équilibre des forces françaises aujourd'hui. Et c'est ce que nous disons aux entrepreneurs.
En bref, nous sommes bilingues: nous conseillons le bon sens, la simplification et le retour à la réalité à ceux qui font la loi, les élus et les bureaux, et nous demandons aux dirigeants d'être magnanimes tant il est complexe de gérer une société moderne.
Quel est, selon vous, le plus grand défi des dirigeants de PME françaises?
Pour les TPE, il s'agit du financement du BFR et l'absorption de la complexité administrative et fiscale. Pour les PME, c'est le recrutement des hauts potentiels leur permettant de devenir des ETI, sans oublier la rupture de la solitude, le financement de l'innovation, de l'immatériel, des intangibles.
Quel conseil donneriez-vous aux chefs d'entreprise?
La croissance européenne repart, l'equity est partout et les emprunts sont presque gratuits. L'argent est là, les taux sont bas. N'hésitez plus à investir et foncez!
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