[Epargne] Les Français sont-ils des cigales ou des fourmis ?
Selon certaines études, les français sont des fourmis qui épargnent massivement. Mais, lorsqu'on a regardé en détail, le bilan est mitigé. Il semble que la personnalité de la cigale dans la fameuse fable de La Fontaine, a beaucoup séduit les petits/grands français.
Je m'abonneSituation de l’épargne des français
Selon la Banque de France, le patrimoine des ménages avait augmenté de 3,2% en 2016 (après une hausse de 2,2% en 2015) pour s’établir à 11,145 milliards d’euros ce qui représentait 8,3 fois le revenu disponible. De fait, les Français ont pu profiter de la hausse des marchés, et notamment du prix des logements. Pour rappel le patrimoine brut des ménages est composé à 61% d’actifs immobiliers selon l’INSEE (85% de ces actifs immobiliers étant constitué par la résidence principale).
À noter que cette hausse du patrimoine a été moins forte que la hausse des dépôts bancaires, et des produits sans risque tel que les PEL. Même constat pour l’assurance-vie avec des produits en unités de compte ou l'investissement dans le non coté qui restent toujours très minoritaires. Finalement, outre l’immobilier : livret A, PEL, liquidité et assurance-vie arrivent en tête chez les Français.
Globalement les Français se placent au 15ème rang en matière d’actifs financiers nets selon le dernier rapport Allianz Global Wealth Report 2017 :
Hasard ou réalité, l’analyse des déclarations de patrimoine des membres du gouvernement d’Édouard Philippe, issues de la Haute Autorité pour la Transparence de la Vie Publique en décembre 2017, montrait qu’en la matière les ministres - pourtant a priori volontaristes sur le sujet « Rome ne s’est pas construit en un jour » - ne se différenciaient pas vraiment du reste de la population avec une épargne financière très minoritaire.
Comparaisons internationales
Le comportement au plan international montre pourtant une assez forte propension des Français à épargner avec des taux d’épargne au plus haut des classements européens, ainsi que le rapportent régulièrement l’INSEE ou l’Observatoire Européen de l’épargne. Cela suffit-il à nous définir comme des champions de l’épargne ? Sans doute pas complètement lorsque l’on s’intéresse également au détail des flux, et au fait qu’ils sont en grande partie constitués par le remboursement mécanique d’emprunts immobiliers.
Malheureusement, les Français restent encore assez pessimistes et fondamentalement des « cigales trop prudentes» privilégiant majoritairement le risque minimum sur la recherche du rendement. Selon la dernière édition de l'enquête annuelle de BlackRock sur les comportements d'épargne et d'investissement, le « Global Investor Pulse », la confiance des investisseurs français reste très faible, et enregistre même le niveau le plus bas d’Europe. Les Français continuent d’épargner fortement et à privilégier la " sécurité " des liquidités, dans un climat de pessimisme et de défiance vis-à-vis de l'économie et des institutions…
Ce point est corroboré par l’évolution des patrimoines issue du Global Investor Survey qui amenait cette conclusion : «Dans de nombreux pays, c'est l'argent qui travaille pour les épargnants, alors qu'en France, les épargnants travaillent dur pour protéger leurs actifs contre les faibles taux d'intérêt. Ce sont en effet les seuls qui économisent une partie des revenus du travail pour enrichir leur patrimoine alors que dans tous les autres pays, les actifs financiers augmentent exclusivement en raison de la valeur des portefeuilles, lequel est également utilisé en complément des revenus du travail ».
Un peu plus de risque est plus que souhaitable
Alors que l’économie repart, est-il possible de changer la tendance et de réorienter durablement l’épargne des Français vers l’économie réelle (le crowdfunding et le crowdlending qui permettent d'investir directement dans les PME, sont une illustration des nombreuses initiatives actuelles dans cette direction) ?
Il convient avant tout de s’attarder sur une spécificité française : au-delà de la propension à épargner, la France est championne du monde de taux de prélèvements obligatoires ce qui réduit la base disponible pour l’investissement et n’est pas très incitatif pour la prise de risque. Par ailleurs, la population profite de nombreux régimes sociaux par répartition qui n’incitent pas à se préoccuper de la valorisation de son patrimoine et de ses investissements à long terme pour assurer ses vieux jours, et favorise un minimum de prise de risque. Par ailleurs l’environnement fiscal a également longtemps pu inciter à privilégier les produits sans risque et présentant une économie d’impôt ou exonérés (résidence principale par exemple).
Si l’on s’intéresse à nouveau aux résultats du Global Investor Pulse et aux principaux freins à l'investissement des Français : au-delà des contraintes liées au coût de la vie pour 53% viennent ensuite la pression fiscale (42%), la crainte de manquer de ressources financières pour la retraite (42%), puis l'inflation (39%), l'état de l'économie française (38%), les coûts liés à la santé (36%) et enfin l'instabilité politique (nouvel indicateur qui a fait son apparition en 2017).
Ces données datent cependant de quelques mois et l’on peut supposer que le retour à une croissance plus dynamique et à une certaine stabilité politique (France, Europe) couplée aux mesures en cours (reforme fiscales avec la flat tax et la fin de l’ISF, réflexion sur les régimes de répartition…) seront favorables à l’émergence d’un rééquilibrage en faveur de l’investissement dans les PME et à une allocation mieux répartie vers l’économie réelle. C’est du moins ce que l’on peut souhaiter !
Retrouvez cet article sur le blog de WeShareBonds : Les Français sont-ils des cigales ou des fourmis ?
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