Réforme des valeurs locatives des locaux commerciaux : ce que l'on sait
La fiscalité des commerces évolue. Les conséquences sur le montant de l'impôt des professionnels du secteur devraient bientôt se faire sentir. État des lieux.
Je m'abonne[Article mis à jour le 30 novembre 2017]
En matière d'impôt, la réforme de la taxe d'habitation, touchant les particuliers, n'est pas le seul dossier potentiellement explosif sur lequel se penche actuellement le gouvernement. La fiscalité des commerces évolue elle aussi. Entrée en vigueur cette année, après sept ans de travail et d'expérimentations, la réforme des valeurs locatives des locaux commerciaux passe mal auprès des professionnels du secteur.
Véritable serpent de mer, cette réforme - tentée en 1990, mais jamais mise en oeuvre en raison de sa complexité - vise à faire évoluer les modalités de calcul des impôts locaux, afin d'être davantage en conformité avec les montants des loyers actuels. De fait, l'impôt augmentera pour certains commerçants, baissera pour d'autres - l'écrasante majorité selon la Direction générale des Finances publiques, qui estime à 98,5 % la part des locaux professionnels pour lesquels seront observées une baisse, ou une augmentation de moins de 10 % ou 150 euros, de cotisation taxe foncière. Au total, 3,5 millions de locaux commerciaux sont concernés par la réforme.
La nouveauté ? Depuis le 1er janvier 2017, "tous les locaux professionnels entrant dans le champ de la RVLLP [révision des valeurs locatives des locaux professionnels, ndlr] disposent désormais d'une nouvelle valeur locative révisée qui est égale au produit de sa surface pondérée par un tarif au mètre carré, éventuellement ajusté d'un coefficient de la localisation", détaille la DGFiP.
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Lisser les changements
"Les valeurs locatives des locaux professionnels sont dorénavant assises sur des valeurs calculées à partir de loyers réels constatés", poursuit-elle. La surface pondérée tient compte de l'usage qui est fait du local. "Par exemple, l'arrière-boutique d'un local commercial (...) n'a pas la même valeur que la partie principale dédiée à l'accueil de la clientèle. La superficie de cette partie est alors réduite par application d'un coefficient : 0,5 pour une partie couverte ou 0,2 pour une partie non couverte", expose la Direction de l'information légale et administrative, rattachée au Premier ministre.
Les tarifs au mètre carré dépendent du secteur d'évaluation (marché locatif homogène au sein du département) et de la catégorie de locaux concernés (magasins, dépôts, hôtels...), et les coefficients de localisation affinent cette approche en tenant compte de la situation du local au sein du secteur d'évaluation. Par exemple, une différence sera faite entre un commerce installé à la sortie du métro et une boutique située dans une rue peu passante. Ces coefficients peuvent aller de + 30 % à - 30 %. Une option, depuis 2015, très peu mise en pratique par les élus locaux (l'action étant de leur ressort et non de celui de l'administration fiscale).
A cela s'ajoute que, pour ne pas pénaliser les entreprises face aux locaux d'habitation, pour lesquels la fiscalité ne bouge pas, pour l'heure -mais qui sera elle aussi modifiée par la suite-, différents dispositifs ont été prévus. Par exemple, un coefficient dit de neutralisation pourra être appliqué. Par ailleurs, les effets de la réforme (augmentation ou baisse de cotisation) seront lissés sur dix ans, jusqu'en 2026, via un montant de lissage appliqué sur la cotisation de chaque local concerné par la réforme.
Autre particularité : la réforme sera permanente. Les secteurs seront mis à jour tous les six ans. Les tarifs le seront tous les ans, pas avant le 1er janvier 2019, selon des modalités en cours de définition.
"Distorsion de concurrence"
Les représentants du secteur du commerce pointent les risques des changements à venir. "Cet alourdissement considérable des charges fiscales est particulièrement mal venu dans le contexte actuel", dénonce l'Alliance du Commerce, qui rassemble plusieurs fédérations spécialisées, dans un communiqué du 25 juin 2017.
Pour l'organisation, le principal problème est que les pure players n'ont pas à supporter autant d'impôts que les commerces physiques traditionnels. Ce qui crée, à ses yeux, une distorsion de concurrence. Elle appelle, ainsi, non seulement à une meilleure prise en compte de cette problématique, mais aussi à un report de la réforme et à un dialogue avec les pouvoirs publics pour trouver des solutions viables pour le commerce de centre-ville.
Au-delà des hausses d'impôt que ce changement de règles pourrait entraîner, elle s'inquiète, par ailleurs, des coefficients de localisation. Elle craint en effet que leur utilisation à la marge ne dure pas, que les élus locaux s'emparent progressivement de la possibilité et ce, en revoyant les impôts plutôt à la hausse. Elle souhaiterait donc une réduction de la marge du coefficient de localisation.
De façon générale, la réforme soulève d'autres questions, comme celles de l'harmonisation des règles fiscales au niveau européen, à l'heure de la digitalisation de l'économie. Amazon notamment est décrié pour ses pratiques d'optimisation fiscale qui le conduisent à ne pas payer d'impôts en local.