[Interview] Stéphane Bern : "Je regrette que nos fleurons disparaissent"
À la tête de la Mission du Patrimoine, Stéphane Bern veille à défendre les trésors de la France, qui sont autant d'atouts économiques. Il rappelle que le patrimoine culturel reste un pourvoyeur d'emplois majeur, qui sait s'adapter aux enjeux de son époque.
Je m'abonneVous êtes investi depuis longtemps auprès du patrimoine culturel. En quoi est-il un atout économique fort pour la France ?
Le patrimoine culturel soutient l'économie à plus d'un titre. Déjà, il faut savoir que le tourisme culturel et patrimonial représente 7 points du PIB. C'est autant que l'automobile. Ce sont aussi 500 000 emplois concernés alors que les chantiers du patrimoine réunissent 35 000 artisans ou entrepreneurs individuels.
Comment ces indépendants vivent-ils la crise sanitaire ?
Mal, forcément ! Ils ont été directement impactés par cette crise puisqu'ils ne bénéficiaient pas de mesures pour les aider, comme le chômage partiel par exemple. Double peine même ! Ils travaillent avec les collectivités territoriales, et notamment les communes. Or, les élections municipales ayant été reportées, tous les projets de restauration du patrimoine dans les communes ont été reportés d'autant...
Le soutien pour la culture a-t-il été trop faible ?
À travers le Plan de relance, le gouvernement a prévu 2 milliards pour la culture, dont 614 millions pour le patrimoine. C'est très bien ! Notamment pour le patrimoine classé, protégé, pour les musées, même si je regrette qu'il n'y ait que 40 millions pour les propriétaires privés.
Leur patrimoine fait pourtant vivre l'économie locale ...
En effet, il permet de créer de l'emploi dans les territoires : 52 % de notre patrimoine se trouve dans des communes de moins de 2 000 habitants. Là où les entreprises ont parfois déserté, c'est la seule richesse qui subsiste. Dans la Sarthe par exemple, à Montabon, les habitants ont manifesté pour défendre la dernière entreprise locale, une imprimerie. Elle a été depuis délocalisée dans les pays de l'Est. Aujourd'hui, tout ce qui reste à Montabon, c'est une rotonde ferroviaire qu'on restaure régulièrement et qui amène des touristes. La preuve que le patrimoine dynamise les territoires : il redonne vie à un village et à son économie.
Qu'en est-il des entreprises industrielles, ne font-elles pas partie d'un patrimoine industriel ?
Celles qui font vivre des métiers d'art ne sont pas assez défendues. Ce qui me fait de la peine, c'est de voir que l'un de nos fleurons comme Baccarat traverse une crise terrible. Je ne comprends pas qu'on ait laissé son capital partir à l'étranger, auprès des Chinois qui n'en font rien. Ces métiers d'art sont l'âme de la France et ce sont des filières entières qu'il faut sauver. D'autant plus que les Français sont toujours fiers de leur patrimoine : ils doivent l'être aussi de celui de leurs entreprises. Dans chaque village, il y a des artisans, des indépendants ou des PME qui font des choses formidables et on ne les met jamais en avant.
D'où l'importance de valoriser le made in France ?
Derrière le made in France, il y a des créateurs, des savoir-faire, des Meilleurs ouvriers de France. Des Mof, par exemple, il y en a 17 chez Baccarat. Les Anglais, eux, ont déjà perdu cette bataille, car ils n'ont plus de fleuron de l'industrie britannique depuis qu'ils se sont séparés de Rolls Royce. Tout a été vendu au nom du libéralisme le plus effréné. Aussi, je suis content du succès que le made in France rencontre de plus en plus. Le Palais de l'Élysée a créé une boutique en ligne avec des entreprises qui défendent chacune un secteur d'activité (Le Jacquart Français, Kusmi Tea, Le Parapluie de Cherbourg, Le Slip Français...). Ils promeuvent le label France et ça marche ! Les ventes rapportent de l'argent qui permet de réaliser des travaux ne coûtant pas un centime au contribuable.
De quoi ont alors besoin ces entreprises ?
D'un regain d'intérêt encore plus fort, d'un coup de projecteur ! C'est facile de dire que l'on va relocaliser, mais que se passe-t-il si les gens n'achètent pas les produits ? Les Français veulent des relocalisations, mais pas en payer le prix. Or, oui, il y a des taxes en France, le travail est plus cher et donc le produit fini aussi... Cela commence donc par expliquer l'économie aux Français, et notamment aux jeunes.
1963
Naissance à Lyon.
1985
Diplômé de l'École supérieure de Commerce (Lyon).
1985
Rédacteur en Chef du magazine Dynastie .
1992
Débuts à la radio (France Inter).
1994
Débuts à la télévision (TF1).
2007
Débuts de Secrets d'Histoire (France 2).
2017
Lancement de la Mission du Patrimoine.
NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles
La rédaction vous recommande