Les Français confirment leur désamour pour le commerce physique
L'Ifop et Wincor Nixdorf livrent la deuxième édition de leur baromètre "Les Français et les points de vente connectés". Cette plongée dans leur quotidien révèle une fracture avec les magasins. Ils préfèrent Internet aux grandes surfaces. Rien ne va plus entre les enseignes et les consommateurs.
Je m'abonneLe commerce est un secteur que les Français adorent détester. Et lorsque le budget se contracte, ce sentiment est exacerbé. Près de 70 % des consommateurs affichent leur désamour pour les grandes surfaces, révèle la deuxième édition du baromètre Ifop/Wincor Nixdorf. À l'exception des magasins de loisirs culturels, l'achat sur Internet suscite davantage de plaisir chez les internautes. Ils attendent (voire exigent) le même niveau d'expérience (rapidité, disponibilité, personnalisation de l'offre) dans "la vraie vie" que sur le Net. L'émergence du commerce connecté répond en partie à ces attentes. Mais, paradoxe français, ils ne peuvent se passer de vendeurs... Thibaut de Saint-Pol, sociologue à l’Observatoire sociologique du changement de Sciences-Po qui intervenait à la présentation des résultats, a précisé certaines données de l'Insee : "Entre 1999 et 2010, les Français accordent neuf minutes de moins par jour à faire leurs courses. La crise accentue la pression sur les ressources financières mais aussi temporelles. Ainsi, près de deux tiers des ménages ont un accès à Internet à leur domicile, une proportion qui a été multipliée par six en dix ans. Ils ont appris à gagner du temps et veulent de la polysynchronisation". De plus, le désir de connexion collective, dans nos sociétés plurielles et atomisées, confère à la consommation un rôle social bien au-delà de son statut initial. "Du bien au lien", résume le sociologue "mais si le Net informe, il n'accompagne pas. C'est le rôle du commerce physique."
Les principaux enseignements
Entre les Français et leurs enseignes, rien ne va plus… Toutes catégories de population confondues, les grandes surfaces s’imposent comme les points de ventes où les Français passent le plus de temps à faire leurs courses chaque semaine : 53 % y passent plus d’une heure (38 % y consacrent entre une et deux heures, 12 % entre deux et trois heures et 3 % jusqu’à plus de trois heures). Parmi les types de magasins cités, les grandes surfaces arrivent loin devant les magasins d’habillement, où 14 % des Français passent plus d’une heure par semaine, puis les commerces de proximité, où 13 % des Français consacrent le même temps. Toutefois, le temps passé dans les grandes surfaces est en baisse, si l’on en croit l’étude Ifop-Wincor Nixdorf publiée le 9 septembre 2010, où les Français révélaient passer quasiment deux heures par semaine (1h57) dans les grandes surfaces.
Les courses ? une corvée !
Seuls 30 % des Français apprécient de faire leurs courses dans les grandes surfaces, contre 60 % que cela "n’enchante pas", mais qui le font par nécessité, et 9 % qui le font à contrecœur. 49 % rechignent également à faire leurs achats dans les magasins de proximité, 5 % y vont même à contrecœur. Résultant peut-être d’une baisse de leur pouvoir d’achat, ce rejet ou cette lassitude des Français semble même s’amplifier depuis deux ans, si l’on se réfère à l’étude Ifop-Wincor Nixdorf datée de 2010, où 41 % des Français déclaraient "bien aimer" faire leurs courses alimentaires, quelle que soit la nature du magasin fréquenté. Concernant les achats dans les magasins d’équipement électroménager et informatique, ils se font également par nécessité (47 %) ou par corvée (5 %).
Les magasins culturels recueillent la majorité des suffrages. Véritable valeur refuge en temps de crise, les achats dans les magasins de loisirs culturels (livres, DVD, musique) associés au plaisir, arrivent en tête des magasins appréciés des Français avec 76 % des suffrages.
Internet est le lieu d'achat préféré
Les Français consacrent du temps à faire leurs achats sur Internet et ils aiment ça ! Dans le classement du temps moyen hebdomadaire dédié aux courses, Internet s’intercale en deuxième position, entre les grandes surfaces et les magasins d’habillement. Et c’est également le lieu d’achat préféré de 71 % des Français. "Dans notre étude de 2010, limitée aux courses alimentaires, le phénomène était nettement moins prononcé, puisque seuls 4 % des consommateurs y avaient recours au moins une fois par semaine, même si 58 % étaient déjà séduits par l’idée d’utiliser Internet pour s’épargner la recherche des produits dans les rayons, précise Laurent Houitte, directeur marketing et alliances de Wincor Nixdorf France. Aujourd’hui, le Web s’est clairement imposé comme un outil incontournable de la consommation des Français."
Rechercher sur Internet des informations sur un produit avant de l’acheter est devenu systématique pour 18 % des personnes interrogées, fréquent pour 53 % et occasionnel pour 20 %. Pourtant au cœur de la génération Internet, les 18-24 ans ne sont que 11 % à profiter de la Toile pour rechercher systématiquement des informations avant l’achat. C’est un réflexe pour 22 % des professions libérales et cadres supérieurs et 27 % des habitants de la région parisienne.
Internet champion de la qualité de service, les hypers à la traîne…
L’évaluation des efforts fournis par différents types d’enseignes pour améliorer leur qualité de service révèle des écarts importants. Aux yeux de 79 % des Français, les sites d'e-commerce ont fait des efforts très satisfaisants (20 %) ou assez satisfaisants (59 %). Viennent ensuite les magasins de loisirs culturels (77 %), de produits de beauté, les parfumeries ou bijouteries (74 %), les boutiques d’équipement électroménager ou informatique (73 %) et les magasins d’habillement (72 %). 19 % des interviewés pensent que leurs commerces de proximité, qu’ils fréquentent plus régulièrement et avec qui les relations quotidiennes sont plus marquées, ont fait des efforts très satisfaisants (ce qui les classe en deuxième position, derrière Internet) ou assez satisfaisants (52 %). Toutefois, ceux-ci semblent encore avoir des efforts à faire, puisque 22 % jugent leurs efforts peu satisfaisants ou même inexistants (7 %), soit 29 %. "L’attente de qualité de service est encore plus marquée sur la génération Y, et les moins de 35 ans qui sont 34 % à juger les efforts des commerces de proximité peu satisfaisants ou même inexistants, ce qui semble montrer que c’est une tendance durable", poursuit Laurent Houitte.
Internet, un laboratoire d’idées pour les magasins
En matière d’innovations, Internet fait souvent office de laboratoire d’idées pour les consommateurs. Ceux-ci espèrent ainsi pouvoir bénéficier en magasins de certains des avantages de la Toile. En premier lieu, soucieuse de son porte-monnaie, près d’une personne sur deux aimerait trouver en magasin des comparateurs de prix (46 %). Plus d’une personne sur trois souhaiterait trouver en magasin la même diversité de produits que sur Internet (37 %). 25 % des personnes interrogées aimeraient pouvoir bénéficier aussi facilement de la gestion de promotions. Sur un plan plus pratique, les horaires d’ouverture (21 %), la rapidité de paiement (17 %) et les options de livraison (16 %) sont des avantages relativement attendus. Disposer en magasin de l’historique de leurs achats ou de suggestions de produits complémentaires à l’achat principal ne séduit respectivement que 6 % et 4 % des interviewés.
Les Français de plus en plus connectés
23 % d’entre eux recourent au téléphone portable pour accompagner leurs achats en magasin. Dans le détail, 9 % d’entre eux photographient des produits pour les conseiller à des proches, 8 % tentent d’obtenir de l’information sur le produit et 7 % cherchent à comparer les prix via Internet. Plus marginalement, 5 % des consommateurs ont le réflexe d’obtenir l’avis de proches sur les réseaux sociaux, 4 % cherchent sur Internet un meilleur tarif dans un magasin alentour et/ou consultent leur compte en banque. Enfin, seul 1 % des personnes interrogées paye grâce à son téléphone mobile. Le recours au téléphone mobile est plus fréquent chez les jeunes âgés de moins de 35 ans (41 %), les professions libérales et cadres supérieurs (32 %) et les habitants de la région parisienne (32 %). À l’inverse, il peine à convaincre les plus de 65 ans (92 % n’y recourent jamais) et les ouvriers (80 %).
Autre signe d’un comportement connecté : 58 % des Français souhaitent bénéficier d’une aide à l’orientation en magasin notamment sous la forme d’un GPS. Si l’on se réfère à l’étude de 2010, où 41 % des Français exprimaient ce souhait, il apparaît clairement que l’idée de faire ses courses équipé d’un GPS fait son chemin dans la société française.
De plus, lorsqu’un produit est indisponible en point de vente, près d’un Français sur quatre (22 %) a le réflexe de réaliser son achat sur Internet ! "Il est intéressant de noter qu’en cas d’indisponibilité d’un produit, 70 % des Français abandonnent leur achat dans l’enseigne concernée", explique encore Laurent Houitte.
Les Français sont exigeants sur les prix et le temps passé en magasin
Ils sont intraitables sur les prix. Pour plus d’un Français sur deux (51 %) c’est la raison principale d’abandon d’un achat, loin devant la longueur de la file d’attente en caisse (25 %). L’usage de bornes pour scanner les produits et connaître leur prix est plébiscité par 78 % des personnes sondées. Ce chiffre est confirmé par le fait que 86 % d’entre eux attendent de la part de leur magasin habituel plus d’informations sur les prix.
Interrogés sur leurs attentes à propos de leur magasin habituel, neuf Français sur dix réclament des temps d’attente moins longs en caisse. Ils sont même 67 % à déclarer que la présence de caisses rapides en libre service dans un magasin, synonyme de rapidité, peut les inciter à y faire leurs achats, tout comme l’usage de scannettes, qui permettent d’effectuer ses courses soi-même et de passer ensuite directement en caisse (53 % des personnes sondées). Enfin, pour 74 % des Français, le gain de temps est l’apport majeur des innovations dans les magasins.
Internet et les vendeurs font la paire !
C'est le retour en grâce des vendeurs : les Français veulent du conseil en magasin… Si 20 % des consommateurs ne font jamais appel à eux pour les guider dans leur achat, 80 % ont recours aux vendeurs systématiquement (2 %), souvent (23 %) ou rarement (55 %). Contre toute attente, malgré l’augmentation des courses dématérialisées, ce recours au conseil tend même à se développer, puisqu’ils n’étaient que 72 % en 2010. Plus des trois quarts des personnes recourant aux conseils d’un vendeur pour leurs achats s’en disent satisfaits (76 %), dont 5 % tout à fait satisfaits. Dans le détail, seulement 65 % des Parisiens et 71 % des CSP+ partagent ce point de vue. À l’inverse, la satisfaction à l’égard des conseils délivrés s’avère meilleure chez les femmes (78 %), les employés (84 %) et les plus de 65 ans (76 %).
En comparant les recherches effectuées sur Internet sur un produit avec les conseils délivrés par les vendeurs en magasins, les Français soulignent, à 86 %, la complémentarité des informations et 14 % jugent ces éléments parfois contradictoires. Ils sont en revanche plus divisés sur la nécessité de cette double vérification : 14 % trouvent les informations sur Internet plus utiles que les conseils des vendeurs et 18 % les considèrent au contraire moins utiles. "Les Français semblent encore peu enclins à utiliser leur mobile en magasin, mais avec la croissance du taux d’équipement en smartphones et le développement de zones wi-fi gratuites au sein des enseignes, on peut penser que ces comportements émergents vont largement s’amplifier", analyse Laurent Houitte. Les consommateurs utilisent aujourd’hui Internet, 'a priori', et comme un complément logique aux informations trouvées en magasin. La défiance à l’égard des vendeurs exprimée en 2010 semble avoir reculé. Dans un monde virtuel où foisonnent des avis en tous genres, les vendeurs deviennent, en quelque sorte, le moyen de vérifier la véracité des informations trouvées sur Internet. Le risque d’abandon d’achat en cas d’indisponibilité ou d’insuffisance montre à quel point la capacité des enseignes à recruter et à former des vendeurs aptes à renseigner et accompagner les consommateurs dans leur acte d’achat est devenue plus que jamais l’une de leurs priorités."
Téléchargez une synthèse de l'étude IFOP-Wincor
Méthodologie : 1 005 personnes représentatives de la population française. Terrain réalisé du 27 au 29 août 2012.