Compétitivité: la France possède de nombreux défauts... et quelques qualités
C'est ce qu'il ressort du rapport Gallois, rendu public lundi 5 novembre. L'ancien dirigeant d'EADS pointe du doigt les dysfonctionnements pouvant expliquer la perte de vitesse de la France au niveau international. Revue de détail.
Je m'abonneUne chute lente et inflexible depuis 10 ans. C'est le constat que dresse Louis Gallois dans son rapport remis au Premier ministre lundi 5 novembre. La part de l’industrie (hors construction) dans la valeur ajoutée totale, en France, est passée de 18%, en 2000, à un peu plus de 12,5%, en 2011. Cela situe notre pays à la 15e place parmi les 17 pays de la zone euro, bien loin de l’Italie (18,6%), de la Suède (21,2%) ou de l’Allemagne (26,2%).
Cette chute se traduit par des pertes de parts de marché à l’exportation. Ainsi, le rapport précise qu'en Europe, premier débouché commercial de la France (58,4% des exportations en 2011): “la part de marché des exportations françaises est passée de 12,7%, en 2000, à 9,3%, en 2011”. À titre de comparaison, sur la même période, les exportations intracommunautaires de l’Allemagne ont progressé de 21,4% à 22,4%.
Toujours selon les calculs présentés dans le document, le solde de la balance commerciale est passé d’un excédent de 3,5 milliards d’euros en 2002 à un déficit de 71,2 milliards d’euros (soit 3,5 points de PIB), en 2011.
De nombreux freins...
Pour Louis Gallois, ce décrochage est dû à de nombreuses raisons. Tout d'abord, un positionnement industriel situé dans le ventre mou, c'est-à-dire sur le milieu de gamme en matière de qualité et d’innovation, contrairement à l'Allemagne. Ainsi, la France est très exposée à la concurrence par les prix (ainsi qu'à la hausse de l'euro), alors même que ses coûts sont relativement élevés. Elle est également fortement challengée par les entreprises d'Outre-Rhin, positionnées sur un segment de gamme supérieur.
Conséquence directe: les industries françaises ont été contraintes de rogner leurs marges, qui ont baissé de 30% à 21% sur la période 2000-2011, alors qu’elles progressaient de sept points en Allemagne.
Autre point noir: les dépenses en R & D et la formation des jeunes. En 2010, les dépenses de R & D en France ont représenté 2,24% du PIB. La France demeure parmi les pays les plus actifs de l’OCDE en matière de R & D publique. En revanche, la dépense de R & D des entreprises françaises a représenté seulement 1,4% du PIB. La raison? “Les crédits publics de soutien à la R & D sont proportionnellement moins orientés vers le développement économique que chez nos principaux compétiteurs”, explique le rapport.
Concernant les jeunes, Louis Gallois estime qu'il existe une inadéquation entre l’offre de formation et les besoins de l’industrie, “tant au niveau de la formation initiale que de la formation continue”. De plus, “l’image de l’industrie – associée à des conditions de travail souvent caricaturées, à la pollution et au risque sur l’emploi – se dégrade”.
En outre, le document pointe du doigt les problèmes de financement et d'accès au crédit rencontrés par les entreprises. Des outils ont été mis en place par les pouvoirs publics, notamment les dispositifs de garantie et de quasi-fonds propres proposés par Oséo. “Comme le Fonds stratégique d’investissement (FSI), ces mécanismes utiles ne compensent que partiellement le recul des financements privés”, précise l'ancien dirigeant d'EADS.
À noter que le rapport insiste également sur le marché du travail qui “fonctionne globalement mal”. Le contrat à durée indéterminée (CDI) est jugé “trop rigide par les entreprises et il est contourné par le développement de contrats qui n’offrent pratiquement aucune protection (CDD, intérim, contractuels in situ, sous-traitances diverses) et qui ne créent qu’un lien très précaire entre l’entreprise et le salarié”.
... mais aussi quelques atouts
Heureusement, le tableau n'est pas totalement noir. La France possède également des points forts. Ainsi, l'Hexagone possède des pôles d’excellence mondiaux: l’industrie culturelle, le luxe, la pharmacie, l’industrie aéronautique et aérospatiale, l’industrie nucléaire, le tourisme.
L’industrie française a encore de solides positions. Ce sont également de grands groupes puissants plus nombreux qu’ailleurs. Ils constituent un avantage décisif dans la compétition internationale. De fait, les 200 premières entreprises françaises emploient 28% des salariés des secteurs marchands. Elles réalisent 62% de la recherche industrielle et 50% des exportations.
Par ailleurs, la France est une terre d’émergence de PME innovantes, souvent révélées par le programme des Investissements d’Avenir et par les projets collaboratifs des pôles de compétitivité.
“La création d’entreprises est plus active en France que chez la plupart de nos voisins. Le problème des PME est de grandir sans se faire racheter, soit par les grands groupes français (moindre mal), soit, de plus en plus souvent, par des groupes ou des fonds étrangers parfois prédateurs”, insiste le rapporteur.
La recherche française est également reconnue mondialement. Sa présence à très haut niveau, sur un large spectre, en fait un pilier de l’économie de la connaissance. Nos ingénieurs et nos personnels techniques sont bien formés et sont appréciés à l’étranger.
La productivité horaire du travail en France est encore l'une des plus fortes d’Europe. Cet avantage est par ailleurs compensé de manière négative par la faiblesse du couple durée du travail-taux d’emploi qui coûte cher et limite la croissance potentielle de l’économie
Enfin, les derniers points forts sont le prix de l’énergie électrique pour l’industrie (relativement bas), les infrastructures et les services publics de qualité, ainsi que la qualité de vie en France (un atout pour la localisation des activités industrielles).