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L'étonnante épopée du tonnelier Catherineau

Publié par Marion Perroud le - mis à jour à
L'étonnante épopée du tonnelier Catherineau

Du petit tonnelier fondé en 1750, il ne reste que le nom. La PMI aménage désormais l'aviation d'affaires de luxe à travers le monde. Rencontre avec Anne-Sophie Catherineau, représentante de la huitième génération.

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Il a fallu des mois avant de décrocher son interview. Difficile de se glisser, ne serait-ce qu'une demi-heure, dans l'agenda d'Anne-Sophie Catherineau.

À 33 ans, la directrice générale de la société Catherineau, fabricant de meubles de luxe pour l'aviation d'affaires, arpente le monde pour satisfaire les exigences pointues de ses clients, grands donneurs d'ordres de l'aéronautique, et n'a guère de temps pour se plier au jeu des questions / réponses.

Les Catherineau font partie de cette trempe de chefs d'entreprise tournés vers l'avenir plutôt que braqués sur le passé. Les quelques faits marquants que l'on connaît de la longue et impressionnante épopée de l'entreprise familiale fondée à Bordeaux en 1750 par son lointain aïeul, témoignent d'ailleurs du flair aiguisé de cette lignée d'entrepreneurs. De tonnelier à fabricant de modèles pour fonderie en passant par aménageur de bateaux, les Catherineau n'ont cessé de réinventer leur métier pour durer. Avec un fil conducteur : le travail du bois.

Quand il ouvre son atelier de menuiserie sur les berges de la Garonne en plein centre du quartier Nord de Bordeaux Bacalan, Pierre Catherineau se spécialise principalement dans la fabrication de tonneaux et de roues de charrettes. Jusqu'au XIXe siècle, l'atelier réalise aussi des meubles pour l'habitat et aménage les gabarres, ces bateaux qui vont d'une rive à l'autre de la Garonne.

À l'aube de la Révolution industrielle, l'entreprise familiale diversifie son activité et met son savoir-faire de pointe au service des fonderies en leur fournissant des modèles en bois. Si bien qu'en 1907, face à l'afflux de commandes, Pierre-Georges Catherineau, arrière-grand-père d'Anne-Sophie, fait construire un atelier plus grand rue Achard, à Bordeaux, pour accueillir une quinzaine de salariés. L'après-guerre et l'avènement de la société de consommation présentent une nouvelle opportunité pour l'entreprise qui se positionne alors sur la fabrication de meubles frigorifiques pour les restaurants et l'hôtellerie.

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Un savoir-faire d'excellence qui perdure

Menuisiers, tapissiers, ébénistes, ingénieurs... Au total, la PMI familiale regroupe pas moins de vingt métiers différents. Des artisans qui conçoivent de A à Z les meubles de luxe de l'entreprise, à partir le plus souvent de bois précieux. De par sa renommée, elle attire plusieurs jeunes talents de la prestigieuse école Boulle d'arts appliqués. "La transmission des savoir-faire de pointe est longue, prenant souvent plusieurs années", souligne Anne-Sophie Catherineau.

Et qui s'ouvre petit à petit aux femmes

En février 2013, la PMI a reçu la visite de la ministre des Droits des femmes, Najat Vallaud-Belkacem à l'occasion de la signature d'une convention égalité hommes / femmes avec la Région Aquitaine. "Notre milieu est très masculin. Nous avons depuis quelques années oeuvrer pour favoriser l'accès des femmes à nos métiers. Aujourd'hui, nous en comptons environ 10 % dans nos effectifs", raconte Anne-Sophie Catherineau, qui a elle-même participé aux travaux de la commission du ministère sur le plan national pour l'entrepreneuriat féminin.

De réinventions en innovations

Le dernier grand virage stratégique s'opère au début des années soixante. "Dassault recherche alors un fabricant de meubles haut de gamme pour ses avions d'affaires. Un ingénieur, qui connaît le sérieux de notre travail, nous recommande. À l'époque, l'aviation d'affaires n'en est qu'à ses balbutiements mais mon grand-père décide de démarrer cette activité, allant même jusqu'à changer la raison sociale de la société", raconte la directrice générale.

Un pari audacieux que la famille ne regrette pas, plus de cinquante ans après. Tables à rotation, lits, cloisons, tables, bureaux, salles de bains, penderies... La société Catherineau a équipé plus de 2 000 avions d'affaires et hélicoptères depuis le début des années soixante. En France, elle s'impose comme l'un des fleurons de son secteur.

Parmi ses clients, outre Dassault, on trouve Airbus, Daher-Socata, Eurocopter mais aussi des chefs d'État et de hauts dignitaires internationaux... tant et si bien que la PME girondine se targue de ne pas réaliser de prospection commerciale offensive. "Nos commandes dépendent avant tout du niveau de qualité des produits livrés", précise la dirigeante.


Des meubles en peau de requin

Si Catherineau a réussi à se faire un nom dans l'ombre des plus grands, c'est bien sûr pour son savoir-faire d'excellence mais pas seulement. "Souvent, le client nous demande des pièces atypiques qui n'existent pas comme des meubles en peau de requin ou la pose de diamants sur une table, et ce, dans des temps records. Ces exigences nous obligent à faire évoluer notre métier vers d'autres expertises de pointe comme l'électronique ou l'électricité, explique Anne-Sophie Catherineau. Nous devons par ailleurs respecter des cahiers des charges stricts notamment du point de vue des normes de sécurité."

Pour assurer ce service sur-mesure, la société consacre chaque année 10% de son chiffre d'affaires à la recherche et développement, à travers son bureau d'études composé de douze personnes.

C'est d'ailleurs en misant sur l'innovation qu'en 1984, Alain Catherineau, père d'Anne-Sophie a lui même mis au point un matériau composite breveté en nid d'abeilles rendant les meubles Catherineau en moyenne 30% plus légers que ceux de la concurrence.

Un avantage compétitif de taille dans un milieu où le moindre gramme supplémentaire compte.Et qui a connu, depuis 2007, un état de grâce dont l'entreprise familiale a su tirer profit. Tandis qu'elle est passée d'une soixantaine de salariés à une centaine aujourd'hui, son chiffre d'affaires a lui bondi de 34% entre 2007 et 2009 pour se stabiliser à 9 M€ en 2013.

"Notre activité ne cessait de croître. Nous ne pouvions pas agrandir nos locaux qui n'étaient par ailleurs plus adaptés à notre coeur de métier. Rapidement s'est posée la question d'un déménagement", explique Anne-Sophie Catherineau.

L'entreprise inaugure donc, en janvier 2012, une usine de 4 600 m2 au centre de l'Aéroparc de Saint-Médard-en-Jalles. Située à quelques kilomètres de l'aéroport de Bordeaux Mérignac, l'entreprise ne s'est pas contentée de doubler la surface des locaux, elle a intégralement modernisé le parc machines et construit un bâtiment respectueux de l'environnement.

Coût total de l'opération : 3,5 M€ avec une aide de la région et de la communauté urbaine d'environ 1 M€. "C'est également l'occasion de nous rapprocher de nos clients historiques", ajoute la dirigeante.

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Un nouveau site plus respectueux de l'environnement...

La nouvelle usine du site de l'Aéroparc Saint-Médard-en-Jalles a été construite selon les normes Haute qualité environnementale (HQE). Optimisation de l'énergie, tri des déchets, système de récupération d'eau de pluie, espaces verts, achat d'un nouveau parc machines fonctionnant en circuit fermé... Les process de fabrication ont ainsi été repensés pour optimiser au maximum les ressources utilisées.

... ultra-connecté à son écosystème

En rejoignant l'Aéroparc, la société Catherineau s'est rapprochée, outre de ses donneurs d'ordres, d'autres entreprises du secteur aux compétences complémentaires. Elle s'adosse notamment au technopôle d'innovation dans l'aéronautique et le spatial Bordeaux Technowest, rattaché à l'Aerospace Valley (pôle de compétitivité des Régions Midi-Pyrénées et Aquitaine). Ce qui lui permet notamment de participer à des opérations de prospection et de communication mutualisées, en particulier lors de divers salons du secteur.

Son grand-père a bouleversé le business model de l'entreprise. Son père l'a rendu ultra-compétitive. Quelle sera l'empreinte laissée par Anne-Sophie, huitième du nom et première femme à reprendre les rênes de l'affaire familiale?

Entrée dans l'entreprise en 2006, puis nommée directrice générale en 2011, aux côtés de son père, Alain, toujours p-dg, cette diplômée de l'École nationale supérieure des Arts et Métiers et de l'Institut d'administration des entreprises de Paris, a bien l'intention de faire perdurer la saga familiale. Et elle qui, depuis ses quinze ans, se destine à prendre le relais, réfléchit déjà à la suite.

Nouveau site et nouveaux projets

Après avoir piloté le transfert de la centaine de salariés vers le nouveau siège, la dirigeante songe désormais à la diversification de l'activité, notamment vers le nautique.

En 2012, elle a ainsi participé, avec la ville de Bordeaux, le Grand Port et 40 autres entreprises, à la création du cluster Bordeaux Super Yachts Refit, portant le projet de transformer le quartier bordelais des Bassins à flots en épicentre de maintenance de yachts de luxe, face à la saturation des autres sites français et européens. À la clé, des millions d'euros de chiffre d'affaires et la création d'emplois dans la région.

Cette fois, la ­dirigeante ne saisit pas l'opportunité en plein vol, elle la crée. L'objectif : atteindre d'ici cinq ans, 115 salariés et 11 M€ de chiffre d'affaires. Elle pourra, pour ce faire, s'appuyer sur sa soeur Marie, 30 ans, qui vient tout juste de rejoindre la société familiale. Quels que soient ses prochains chantiers, une chose est sûre : la PMI Catherineau ne semble pas avoir besoin de toucher du bois pour encore longtemps...

REPERES





Activité : fabrication de mobiliers pour l'aviation d'affaires

Ville : Saint-Médard-en-Jalles (Gironde)

Forme juridique : SAS

Dirigeants : Alain Catherineau, 69 ans et Anne-Sophie Catherineau, 33 ans

Année de création : 1750

Année de reprise : 1979

Effectif : 100 salariés

CA 2013 : 9 M€

 
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