Coupe du monde : Quel est le réel impact sur le PIB ?
Les sports, et notamment le plus populaire d’entre eux, le football, constituent également des secteurs économiques à part entière pesant directement pour environ 2% du PIB. Les grands événements sportifs génèrent des pics d’activités avec des conséquences économiques dépassant sans doute le cadre direct de ces compétions.
Je m'abonneDes effets structurants à nuancer
L’organisation d’une manifestation sportive telle que le Mondial, les JO (voire dans un autre domaine tel que l’Exposition Universelle) ont un impact sur l’économie. Cependant, son analyse n’est pas à sens unique, et semble dépendre également de la situation du pays et de la qualité du projet.
Si les instances organisatrices (telles que la FIFA par exemple) ressortent toujours gagnantes grâce aux sponsors et aux droits, les régions et les états ne ressortent pas toujours gagnants. Ainsi, malgré un impact évident de l’exposition Universelle de Séville en 1992 sur les entreprises du BTP, l’endettement public et la reconversion du site avaient porté polémique avec des conséquences à long terme peut évidente et un endettement durablement accru. A l’inverse, les JO de Barcelone la même année avaient été l’occasion d’une véritable rénovation urbaine, et constitué une vitrine pour le dynamisme de la Catalogne qui a durablement impacté l’économie de la région. On s’accorde à dire qu’ils ont fait franchir un cap à la région à la fois en termes d’équipement d’infrastructure, mais également de renommée internationale.
De même, les JO d’hiver à Albertville organisés également en 1992, ont laissé un souvenir positif en permettant au-delà des installations purement sportives d’améliorer les infrastructures de cette régions touristique phare, et d’en augmenter l’aura.
Du fait des investissements importants qu’elles supposent, ces manifestations peuvent rapidement s’avérer comme un lourd fardeau si elles sont mal gérées : A l’opposé, les jeux Olympiques de Los Angeles en 1984 avaient constitué un cas d’école : la ville avait su profiter d’un contexte favorable issu des difficultés rencontrées par les précédentes éditions : Munich en 1972 avait marqué l’entrée du terrorisme sur la scène internationale, Montréal constitué une faillite financière et les jeux de Moscou en 1980 un sommet de la Guerre Froide. Sans candidat concurrent, la ville avait su mobiliser des financements entièrement privés, inaugurer l’arrivée en force du sponsoring pour en faire une opération largement positive financièrement. A l’inverse le Brésil en 2014, ou l’Afrique du Sud en 2014 ont vu des infrastructures surdimensionnées devenir rapidement des gouffres financiers et la nouvelle unité et cohésion affichées au sein du pays n’avaient guère duré au-delà de la compétition… Que dire des JO en Grèce en 2004, qui avaient contribué à gonfler l’endettement du pays ? Même si le contexte est différent, on peut légitimement s’interroger sur le bien-fondé des stades climatisés construits pour Qatar 2022…
Des effets incertains sur le PIB ?
S’il ne semble pas exister de vérité absolue sur l’impact économique, cela tient au fait que celui-ci est sans doute spécifique à chaque cas. La différence peut venir d’un décalage entre des équipements structurants et des installations purement sportives qui peuvent devenir rapidement des puits sans fonds pour les finances publiques, surtout dans les pays où la corruption peut avoir faire déraper les coûts.
Si l’effet conjoncturel sur le secteur du BTP semble une évidence de même, que sur la fréquentation touristique durant la compétition ou des dépenses spécifiques (équipement audiovisuels, sorties…) durant l’événement l’analyse n’est pas univoque en raison de nombreux effets induits et des biais méthodologiques, ainsi que tentait de le révéler dans sa méthodologie une Etude sur l’impact économique de l’Euro 2016 en France.
Premièrement, l’impact telle qu’évalué au niveau national dans le cadre de dossiers de candidature, sera différent de l’impact plus localisé sur les lieux de compétition avec des conséquences positives en termes de rééquilibrage et d’aménagement du territoire (exemple de la Seine Saint-Denis).
Il existe des effets induits qui rendent la mesure d’impact relativement complexe :
- L’effet d’éviction : à l’occasion de l’organisation des JO d’Athènes en 2004, la conduite des multiples travaux avait fait fuir les touristes et le secteur n’avait jamais vraiment profité de l’effet médiatique de la compétition. De même, les touristes « allergiques » au sport peuvent avoir tendance à fuir la destination pendant la compétition. Au mieux le tourisme lié à la compétition ne fait souvent que remplacer le flux touristique habituel sur les destinations phares ;
- L’effet de substitution : dans le domaine des dépenses d’infrastructure et d’équipement locales, les dépenses engagées peuvent également se faire au détriment d’autres programmes. Au niveau des particuliers, les dépenses ne sont de même pas infiniment extensibles : il peut ainsi exister des arbitrages entre par exemple l’achat d’un billet pour une rencontre ou une sortie au détriment d’autre dépenses. Pour les touristes on peut également assister à un phénomène de substitution temporelle.
Par exemple, les touristes venus assister à une compétition en juin ne seront pas présents en juillet / août ; - Effet d’anticipation : ce phénomène d’anticipation ou de décalage temporel peut se retrouver sur d’autre types de dépenses, par exemple, l’achat d’un téléviseur sera favorisé par les opérations spéciales des distributeurs, mais ces mêmes consommateurs auront sans doute retardé leur achat pour procéder d’un effet d’aubaine et n’auront pas vocation à renouveler cet achat ultérieurement ;
- Effet de fuite : il s’agit de tous les flux d’importation liés aux dépenses de consommation, de l’utilisation de prestataires étrangers et des flux rémunérant in fine des actionnaires étrangers (hôtellerie par exemple) dont le rapatriement imitera les effets induits à moyen terme sur la consommation.
Dernier effet ambivalent, la tenue d’une manifestation peut-elle impacter l’assiduité et la productivité des salariés ? Dans les pays en voie de développement, notamment ces événements ont tendance à attirer des personnes restées à l’écart du marché du travail qui vienne grossir ensuite d’autant les rangs des chômeurs à l’issue de la compétition.
Quid des résultats sportifs
Nous l’avons vu, les effets sur l’économie de l’organisation d’événements majeurs ne sont pas évidents. Au-delà d’un coup de « boost » temporel, les effets à long terme sont variables et peuvent même se révéler des pilules empoisonnées. Les résultats sportifs ont-ils également un impact ?
Si l’on en croit le cas de l’Espagne vainqueur de deux Euro consécutifs et d’un Mondial en 2010, cela ne l’avait pas empêché de plonger dans une des plus grandes récessions de son histoire. La banque ABN-Amro relevait d’ailleurs dans son étude « Soccernomics » que les pays périphériques avec la pire qualité de crédit (Gréce, Portugal, Italie, Espagne) s’étaient tous qualifiés pour l’Euro. Pourtant, la même banque semblait indiquer un surplus de croissance de 0,7% du PIB pour les vainqueurs d’un mondial. De même, on a beaucoup parlé d’un effet coupe du monde à la suite de la victoire des bleus en 98, la France (de plus pays organisateur) avait en effet connu une forte croissance du PIB les années suivantes. Cela s’inscrivait cependant dans un contexte de reprise mondiale.
On ne peut sans doute pas nier un effet sur le moral des ménages, voir des investisseurs ainsi que le souligne l’étude : " sans être à ce point puissants qu'ils puissent transformer une récession en boom économique, les effets macroéconomiques et boursiers d'une victoire en finale de Coupe du monde ne doivent pas être sous-estimés. »
Une participation remarquée peut faire sortir des destinations d’un relatif anonymat (citons par exemple l’exploit de l’Islande à l’Euro). Au-delà de l’impact géo-stratégique (victoire de l’Allemagne en 1954, stratégie du Qatar pour 2022), certains pays tels le Brésil ont une image fortement liée au football. Dans une moindre mesure, la défaite inédite de la Mannschaft à un stade préliminaire ne sonne-t-elle pas au pays de la « Deutsche Qualität » comme un symbole de difficultés qu’elle rencontre actuellement ? De même, selon le journal les Echos, le coût de la non qualification de l’Italie, serait évalué à 10 milliards d’euros avec des conséquences en termes d’image, ce qui impact les exportations et le moral des acteurs économiques.
Impact économique ou non cela n’empêche pas l’équipe de WeShareBonds, de souhaiter une victoire des bleus en finale en Russie le 15 juillet prochain…
Retrouvez cet article dans le blog de la plateforme de crowdlending WeShareBonds : Coupe du monde : Quel est le réel impact sur le PIB ?
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