Défaillances d'entreprises en 2024 : un record historique, entre fragilité et résilience
En 2024, la France a enregistré 67 830 procédures de défaillances d'entreprises, marquant un record historique. Si le rythme s'est ralenti en fin d'année, les PME-ETI et certains secteurs demeurent particulièrement vulnérables. Analyse des tendances clés de l'étude Altares.
Je m'abonneL'année 2024 se clôt sur un constat saisissant : avec 67 830 défaillances d'entreprises, la France dépasse largement les chiffres des années précédentes. Ce bilan, dressé par Altares, expert en analyse économique, illustre un climat économique tendu malgré une décélération notable des procédures en fin d'année. Revenons sur les enseignements de cette étude, entre secteurs sinistrés, signes de résilience et défis à venir.
Une hausse des défaillances contenue en fin d'année
Le quatrième trimestre 2024 a enregistré 18 709 ouvertures de procédures collectives, un pic historique. Cependant, le rythme de progression ralentit : +10% au dernier trimestre contre +17% sur l'ensemble de l'année. Un signe encourageant après des hausses marquées sur les deux années précédentes (+36% en 2023).
Selon Thierry Millon, Directeur des études Altares, « ce dernier trimestre confirme que nous touchons peut-être un pic. Mais ce pic pourrait aussi devenir un plateau, synonyme de risques commerciaux persistants pour les mois à venir. »
Les PME-ETI, principales victimes de l'année
Les entreprises de plus de 50 salariés ont particulièrement souffert avec une augmentation de 30% des défaillances sur l'année. Ces entreprises, souvent structurées mais parfois surendettées ou vulnérables, représentent une part significative des 256 000 emplois menacés en 2024, soit une hausse de 4,5% par rapport à 2023.
Certains secteurs industriels, comme la manufacture (+75%) ou le transport (+59%), se révèlent particulièrement fragiles. Ces chiffres témoignent des défis structurels qui perdurent malgré un environnement économique plus stable.
Des secteurs en difficulté, d'autres en rebond
Si la morosité économique persiste, certains secteurs affichent des signaux positifs :
- Le bâtiment : Porté par le gros oeuvre (+3%), le secteur résiste malgré les tensions sur l'immobilier (+36,5%).
- L'agroalimentaire : La boulangerie affiche une croissance modérée (+3%), témoignant de la résilience de ce pilier économique.
- Commerce de détail : Une nette amélioration avec des baisses de défaillances dans des segments clés comme l'alimentaire (-11%) et l'optique (-22%).
À l'inverse, d'autres domaines continuent de plier sous la pression économique, notamment le commerce interentreprises (+76%), la promotion immobilière (+266%) ou encore l'action sociale (+113%).
Régions : des disparités marquées
La répartition régionale des défaillances reflète des réalités économiques contrastées. L'Île-de-France et la Normandie affichent les pires tendances, avec respectivement +18% et +31% de procédures supplémentaires au dernier trimestre. En revanche, des régions comme la Corse (-16%) ou Bourgogne-Franche-Comté (-5%) ont vu leurs défaillances diminuer en fin d'année, une lueur d'espoir pour ces territoires.
Les Outre-Mer montrent également des tendances encourageantes, notamment en Martinique (-5%) et en Guadeloupe (-4%), où les défaillances ont baissé. Ces dynamiques locales permettent de relativiser la sinistralité globale et démontrent que certaines régions, même fragilisées, parviennent à mieux résister.
Les jeunes entreprises résistent mieux
Un point notable de l'étude est la résilience des jeunes entreprises, celles créées depuis moins de trois ans. Avec une augmentation modérée des défaillances (+8% sur l'année et +5% au dernier trimestre), ces structures semblent mieux armées pour affronter les incertitudes économiques. Leur agilité et leur capacité à s'adapter rapidement aux défis actuels, comme les tensions sur les prix ou les problématiques de chaîne d'approvisionnement, pourraient expliquer cette performance relative.
Si la fin d'année 2024 marque un plafonnement des défaillances, elle met également en lumière un risque accru pour l'ensemble des acteurs économiques. Les défauts des entreprises consolidées en 2024 représentent plus de 30 milliards d'euros de chiffre d'affaires, une perte qui risque de se répercuter sur les fournisseurs. Pire encore, la dette vis-à-vis des partenaires commerciaux, fiscaux et sociaux atteint des niveaux inquiétants.
L'augmentation des retards de paiement, qui atteignent désormais 14 jours en moyenne, constitue un signal d'alerte. « Dans ces conditions, les entreprises devront composer avec un environnement de plus en plus incertain, où la prudence dans la gestion des créances sera essentielle », rappelle Thierry Millon.
Vers une sortie de crise ou un plateau incertain ?
Alors que la croissance économique prévue pour 2025 reste faible (+0,9%), les perspectives de réduction des défaillances apparaissent limitées. Le retour des mesures coercitives, comme les assignations URSSAF, et le poids des dettes Covid non remboursées continuent d'alimenter une fragilité latente, notamment parmi les TPE-PME. En ce début d'année, 37 milliards d'euros de Prêts Garantis par l'État (PGE) restent à rembourser par ces entreprises, avec seulement 4% des structures estimant être en grande difficulté pour honorer ces échéances.
Ces perspectives invitent les entrepreneurs à renforcer leur gestion prévisionnelle et à anticiper les potentiels risques financiers. La capacité à diversifier ses sources de revenus et à sécuriser ses liquidités pourrait faire la différence dans les mois à venir.
L'année 2024 aura été celle de tous les défis, mais aussi des opportunités de réinvention pour les plus résilients. Les entrepreneurs doivent donc s'adapter rapidement, en misant sur l'innovation et en renforçant leurs écosystèmes financiers pour sécuriser leurs activités et envisager sereinement l'avenir. Dans ce contexte, la collaboration entre entreprises et partenaires financiers sera essentielle pour maintenir la compétitivité des structures les plus vulnérables.