Missègle : un modèle rentable de fabrication française de vêtements, c'est possible !
La PME tarnaise, spécialisée dans la fabrication de chaussettes, pulls et couvertures en laine, affiche une forte croissance. Croissance qu'elle entend mener de façon vertueuse.
Je m'abonne« Si elle dit oui, on se débrouillera pour le faire, c'est certain », lance dans un éclat de rire Olivier Billant. « Elle », c'est l'humoriste Blanche Gardin qui a refusé à grand bruit pour des raisons éthiques, il y a quelques mois, de participer à l'émission LOL diffusée sur Amazon Prime.
En réaction, Missègle lui a proposé (via les réseaux sociaux) de venir enregistrer une émission baptisée RIRE (inventée de toutes pièces, bien entendu...) et qui serait tournée au coeur de ses ateliers. Ateliers bien français eux, avec des salariés bien traités et une attention toute particulière à l'impact carbone.
Des ateliers qui devraient donc plaire à l'humoriste ! « Ce serait une immense joie qu'elle joue le jeu avec nous. Je ne sais pas du tout comment on fera cette émission, mais peu importe, nous ne manquerons certainement pas cette opportunité de passer un bon moment tous ensemble avec l'équipe et de faire parler de notre implication dans le textile vertueux. » À l'heure où nous mettons sous presse, l'artiste n'a pas donné suite. « Dont acte », commente Olivier Billant.
L'entreprise familiale fondée par Myriam Joly il y a quarante ans - et qu'elle est actuellement en train de transmettre à ses fils, Olivier et Gaëtan Billant -, a bien d'autres tours dans son sac pour mettre en avant son savoir-faire et diffuser son message en faveur du made in France. Par exemple, sa participation, les 1er et 2 juillet derniers, à la grande exposition du "fabriqué en France", au palais de l'Élysée, aux côtés de 123 autres entreprises françaises choisies parmi près de 2 500 dossiers.
La PME y a exposé ses chaussettes fabriquées dans ses ateliers du Tarn et présentées comme "les chaussettes les plus solides du monde". « Nous les avons lancées il y a quatre ans, elles sont tissées à partir d'une fibre technique. Selon les tests d'usure que nous avons réalisés, elles ont des performances dix fois meilleures que les chaussettes de grande surface (qui représentent la très grande majorité des ventes de chaussettes en France, ndlr). Évidemment, avec des chaussettes très solides, nous en vendons moins que celles qui se trouent au premier usage, mais là n'est pas l'essentiel, nous sommes persuadés qu'il y a un autre chemin à suivre que celui de la fast fashion », pointe Olivier Billant.
Quatre décennies
Ce chemin est celui emprunté par Myriam Joly, et désormais par ses fils, depuis quatre décennies. Cette ingénieure agronome, diplômée en 1983, avait souhaité prendre les rênes de sa propre exploitation agricole, mais avec une ligne rouge : pas de viande et pas de lait.
Installée dans une région où l'écosystème de la laine était omniprésent, elle s'est tournée vers la laine mohair, issue des chèvres Angora qui n'étaient alors que très peu présentes en France. Elle commence par vendre sa laine, avant de développer ses premières collections de vêtements en laine qu'elle commercialise par correspondance et dont elle sous-traite la fabrication à des façonniers locaux. « La bascule vers la fabrication a commencé en 2007. Notre transformateur a déposé le bilan, nous l'avons repris au Tribunal de commerce car nous ne voulions pas envoyer notre laine trop loin. En 2013, l'histoire s'est répétée avec notre façonnier de pulls. Nous sommes passés de producteur de laine à fabricant de vêtements », raconte Olivier Billant, notant que l'exploitation agricole a été stoppée à cette époque.
400 000 paires de chaussettes par an
Depuis, l'entreprise a tracé son chemin. Elle fabrique désormais plus de 400 000 paires de chaussettes par an, 50 000 pulls et 70 000 accessoires (écharpes, bonnets, etc.). Tous en fibre "nobles" : du lin de plus en plus français, du chanvre d'Asie, du mérinos d'Australie et de Nouvelle-Zélande, de l'alpaga de Bolivie, du mohair sud-africain, etc. « Nous allons chercher les matières premières là où elles sont de la meilleure qualité, tout en accompagnant en parallèle le développement de filières locales. » Presque 50 % des ventes sont toujours réalisées par correspondance (sur catalogue) et autant par internet.
Quelques pourcents du chiffre d'affaires sont réalisés à la boutique d'usine, où Missègle vend par exemple, pour le clin d'oeil, des chaussettes dépareillées pour tous ceux qui se fichent d'avoir deux pieds identiques ou pour tous ceux... qui ont pour fâcheuse habitude de se retrouver avec des chaussettes orphelines ! La ligne fixée par Missègle semble séduire, avec une nette accélération depuis l'épisode Covid. Son chiffre d'affaires, 10 millions d'euros sur le dernier exercice, connaît une croissance à deux chiffres depuis quatre ans. « L'épisode des masques nous a donné un coup de fouet important. Nous avions été une des premières entreprises à en proposer, en pleine pénurie. Nous étions complètement sous-dimensionnés à cette époque-là, cette période a été vraiment particulière, mais elle nous a permis de conquérir un nombre considérable de clients. »
À tel point que Missègle a dû, en 2021, réaliser la... 12e extension de son histoire : un agrandissement de 900 m² au sol et 600 m² en mezzanine, pour une surface finale totale de 3 600 m². Deux ans plus tard, il faudrait peut-être grandir encore puisque Missègle est parfois amenée à fermer son site de vente en ligne, dans l'incapacité de suivre le rythme des commandes tiré par le nouvel engouement des Français pour le "Fabriqué en France". « Nous vendons ce que nous fabriquons, très peu d'articles sont fabriqués par d'autres (mais en France) : par exemple les pantoufles et les ceintures. Nous avons aujourd'hui une entreprise à taille humaine, qui nous convient. Nous pouvons produire plus en améliorant encore nos process, mais l'objectif n'est pas de devenir une très grande entreprise », confie Olivier Billant.
Missègle se concentre actuellement sur le lancement prochain de son fonds de dotation, une structure à côté de l'entreprise qui viendra donner une nouvelle impulsion aux différents projets portés par Myriam Joly et son équipe : le développement de nouvelles fibres plus vertueuses, la transmission des compétences (avec la création en 2021 d'une école interne de formation), ou encore le bien-être animal.