Ces petites entreprises qui résistent à la crise
Taux d'intérêt en hausse, flambée des ressources énergétiques, frilosité des banques, parité euro/dollar pénalisante pour les exportations, croissance française en berne... Notre économie donne de nombreux signes d'essouffement. Comment les PME traversent-elles ces turbulences?
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Panique à Wall Street: l'indice Dow Jones plonge, des mastodontes de la finance mondiale font faillite, l'économie américaine vacille malgré un plan de sauvetage gigantesque de 700 milliards de dollars injectés par le gouvernement fédéral... Dans cette tourmente financière, Olivier Johanet, pourtant à la tête d'une société de gestion de valeurs mobilières cotées, demeure serein. «Pendant la crise, nous n'avons à aucun moment connu de baisse de fonds», affirme ainsi le président de la Française des Placements Investissements, PME de 85 salariés qui gère les actifs de clients institutionnels (compagnies d'assurance, banques, caisses de retraite...). Son secret? L'application d'une règle de modestie: ne maîtrisant pas le fonctionnement des produits liés aux «subprimes» américains, il n'en a pas proposé à ses clients. Moins exposée à la crise, l'entreprise a aussi résisté grâce à la diversification de ses actifs. Les plus performants ont compensé les grandes chutes de marché. Cerise sur le gâteau, la Française des Placements Investissements a su rapidement adapter son offre au contexte de crise. «A l'été 2007, nous avons lancé de nouveaux produits à échéance très courte, garantissant au client de retrouver au moins sa mise», explique Olivier Johanet. Baptisés Oasis, ces fonds ont bénéficié de souscriptions importantes: 650 millions d'euros en quinze jours. «Nous essayons sans cesse d'anticiper, d'être en avance sur le marché, poursuit le dirigeant. Nous sommes réactifs car nous décidons nous-mêmes, contrairement aux grandes entreprises dans lesquelles de longues procédures ont été mises en place.» Alors que les obligations connaissent aujourd'hui leur heure de gloire, le chef d'entreprise parie sur le retour des actions en 2009 et propose déjà des produits en conséquence. Toutefois prudent, il a arrêté les embauches nettes depuis septembre 2007, en attendant que la tempête passe.
OLIVIER JOHANET, président de la Française des Placements Investissements
Nous essayons sans cesse d'anticiper, d'être en avance sur le marché.
Frilosité des banques.
Premières victimes de la crise, les sociétés financières «contaminent» les autres secteurs. De plus en plus vigilantes, les banques durcissent les conditions d'accès au crédit. Dans un sondage mené par l'Ifop pour KPMG et réalisé du 18 au 27 mars dernier auprès de 400 dirigeants de PME, près des trois quarts des sondés estiment que la crise des «subprimes» a ou aura un impact négatif important sur l'accès au crédit. Ils sont 41% à penser qu'il leur faudra présenter davantage d'éléments financiers pour obtenir un emprunt. Surtout, le renchérissement du crédit risque de freiner le dynamisme des PME: celles qui tirent la croissance sont aussi les plus endettées. En effet, les petites entreprises qui sur-performent présentent un taux d'endettement d'environ 61% en moyenne, un niveau proche de celui des sociétés du Cac 40. C'est ce qui ressort d'une récente étude du cabinet d'audit et de conseil KPMG sur les 10% de PME françaises affichant une croissance quatre fois supérieure à la moyenne dans leur secteur d'activité sur cinq ans (lire encadré ci-contre). «Ces entreprises ont besoin de financements bancaires: si les banques se montrent frileuses dans l'octroi du crédit, la croissance des champions sera limitée, ce qui aura un effet négatif sur la moyenne», commente Christophe Bernard, directeur du développement de KPMG Entreprise. Mais il reste optimiste: «La clé, c'est de communiquer avec plus de transparence avec vos banquiers, de les considérer comme de vrais partenaires financiers et de leur expliquer de façon récurrente vos projets, vos résultats, sans oublier vos échecs.» Un dialogue permanent ouvrirait donc la porte des crédits.
De l'argent frais pour les PME.
Outre la qualité de vos relations avec les banquiers, vous pouvez compter sur un gros coup de pouce de la Banque européenne d'investissement (BEI). Celle-ci va débloquer 30 milliards d'euros de prêts pour le financement des PME sur quatre ans, dont la moitié pour 2008 et 2009. Cette somme représente, en moyenne, une hausse de 50% du montant des prêts accordés en 2007. De quoi soulager quelque peu les dirigeants inquiets. Les entreprises innovantes peuvent aussi frapper à la porte du «pompier» Oséo. Cet établissement public a pour mission de les financer et les accompagner, en partenariat avec les banques et organismes de capital-Investissement. «Oséo complète les défaillances du marché, estime son pdg, François Drouin. Nous pouvons aider les PME car nous garantissons les financements bancaires.» Pour lui, comme pour de nombreux experts, les mieux dotées pour résister à la crise sont celles qui innovent et qui exportent. Porteuse de projets labellisés Oséo, Trimaran cumule ces deux critères. La société de production d'animations 3D et d'effets visuels est membre du pôle de compétitivité à vocation mondiale Cap Digital, en Ile-de-France. La PME de 12 personnes a remporté l'appel à projet européen Eurostars, pour mettre au point un système de tracking des événements sportifs. «Nous avons gagné grâce à notre travail de recherche depuis quatre ans, mais aussi à l'ambiance du pôle propice à l'innovation, estime Olivier Emery, p-dg de Trimaran. Les rencontres avec les autres membres, les partages d'expérience sont stimulants.» Ainsi, le modèle économique du produit, auparavant destiné uniquement à la télévision, a évolué: pour pouvoir le rentabiliser, l'équipe a élargi le nombre d'événements qu'il pourra gérer. «Heureusement, notre participation au projet Eurostars renforce fortement le financement d'investissements enR&D, lance Olivier Emery. Nous espérons aboutir à de nouveaux produits et services qui vont nous permettre de nous diversifier, au vu de la baisse de nos activités traditionnelles.» Touchées par le recul des revenus publicitaires, les chaînes France Télévisions et TF1 dépensent moins et retardent d'importants projets de séries françaises, sur lesquels travaille Trimaran. Et ce ne sont pas les prévisions de croissance en France, «aux alentours del%» en 2008 et «également molle» en 2009, selon le ministre de l'Economie Christine Lagarde, qui rendent optimistes sur le développement de l'activité traditionnelle de l'entreprise...
Christophe Bernard, directeur du développement de KPMG Entreprise
Communiquez avec plus de transparence avec vos banquiers. Considérez-les comme de vrais partenaires financiers.
prendre un risque.
En période difficile, certaines entreprises n'hésitent pas à investir pour contrer la crise. C'est le pari de SkyRecon, un éditeur de solutions de sécurité intelligente du poste de travail. Concurrente de multinationales sur le marché des logiciels, la PME innovante de 40 salariés a levé 5 millions d'euros en 2007 pour chercher la croissance sur les marchés anglais et américain. Habituellement, une entreprise attend d'avoir une forte position sur son marché domestique avant d'aller à l'export, le ticket d'entrée étant élevé. «Contrairement aux entreprises françaises réticentes devant l'innovation, les sociétés anglo-saxonnes sont adeptes de nouveautés et le cycle de vente est beaucoup plus court, explique Ravy Truchot, président du directoire. Cette prise de risque s'avère gagnante aujourd'hui.» Face à la crise des «subprimes» et à la coupe des budgets informatiques des banques, leurs principales cibles au départ, SkyRecon s'est rapidement réorientée vers des produits dédiés à d'autres secteurs. «Même si les entreprises font face à des difficultés, la sécurité des systèmes d'information reste prioritaire pour elles», assure le dirigeant. En avance d'un an par rapport à ses grands concurrents, SkyRecon est récompensée de ses efforts en recherche et développement. «La faiblesse du dollar est une vraie difficulté: c'est l'innovation qui permet aux PME exportatrices de limiter la casse, ajoute Dominique Valette, responsable de l'activité audit du cabinet Deloitte en Rhône-Alpes. Celles qui ne se différencient ni par l'innovation ni par l'export sont en crise depuis longtemps car elles ont des difficultés à se développer dans un marché français morose. Le contexte économique actuel n'arrange rien.» Ces entreprises semblent toutefois moins touchées par la frilosité des banques, leurs marges opérationnelles permettant d'absorber la hausse des frais financiers. «Ces six dernières années, elles ont amélioré leur rentabilité et autofinancent souvent leurs projets, estime l'associé du cabinet Deloitte. Celles qui résistent à la crise sont celles qui ont la meilleure trésorerie.» D'ailleurs, Dominique Valette n'a pas remarqué de dégradation sensible des comptes de ses clients au premier semestre 2008.
OLIVIER EMERY, p-dg de Trimaran
Nous avons misé sur la recherche et sur l'innovation. Nous concevons de nouveaux produits qui vont nous permettre de nous diversifier.
RAVY TRUCHOT, président du directoire de SkyRecon
Nous visons les entreprises anglo-saxonnes, qui sont adeptes de nouveautés et dont le cycle de vente est plus court.
Gérer sa trésorerie avec rigueur.
S'autofinancer, avec une bonne gestion de son besoin en fonds de roulement, c'est le credo de Sandra Le Grand, p-dg de CanalCE, prestataire de services auprès des comités d'entreprise sur Internet. «Depuis que la banque a réduit de moitié notre autorisation de découvert, j'essaie de faire payer les clients plus rapidement et de régler plus tard les fournisseurs», explique-t-elle. Sa société ne connaît pas la crise, avec 40% d'abonnements supplémentaires en 2007. Il est donc possible de s'adresser aux entreprises, aux consommateurs nationaux et de réussir... CanalCE repère les tendances de société et propose des produits adéquats. A titre d'exemple, les voyages sur les longs courriers n'ont pas fait recette, hausse du prix des carburants et donc des tarifs oblige. Partant moins loin en vacances, les salariés ont en revanche reporté leurs dépenses sur les parcs de loisirs. «Lorsque nous nous sommes aperçus de ce phénomène, nous avons poussé les ventes sur ce segment grâce à des promotions et à des opérations spéciales», analyse la dirigeante. Les bons d'achat fonctionnant également très bien, dans un contexte de baisse du pouvoir d'achat, e-mails et newsletters ont été adaptés à l'air du temps. «Nous pouvons changer nos plans de promotion et la répartition des budgets très rapidement, poursuit Sandra Le Grand. L'intérêt d'une PME, c'est d'être très réactive.»
Surfer sur les tendances
Surfer sur les tendances. Autre thème au goût du jour: l'écologie. Une PME de transport s'en est emparée pour se diversifier dans le recyclage du polystyrène. Face à la hausse des cours du pétrole, Transmat-Berg avait d'abord fait la chasse aux gaspillages pour survivre: obligation pour les chauffeurs de respecter strictement les limitations de vitesse, utilisation d'additifs dans le carburant, suppression des retours à vide et de certains trafics locaux moins rentables, diminution du parc de camions, remplacement des plus anciens par de nouveaux modèles moins gourmands... Ces solutions se révélant insuffisantes sur le long terme, son gérant, Michel Berg, a monté Lorraine Polystyrène avec une société de traitement de déchets, Barisien. Les deux entreprises sont actionnaires à 50%. Complémentaire de l'activité de Transmat-Berg, cette structure récupère le bois, le carton, le plastique et surtout le polystyrène des clients de l'entreprise de transport, essentiellement de grandes chaînes de magasin. Des clients qui y trouvent leur compte, puisqu'ils ne paient plus pour se débarrasser de leurs déchets. Le polystyrène notamment est réduit, à l'aide d'une machine, en pains à haute densité. Des industriels, surtout espagnols et chinois, achètent à prix fort ce produit dérivé du pétrole pour le transformer en coques de téléphone portable, intérieurs de voiture, etc. Lorraine Polystyrène traite actuellement 25 tonnes par mois, contre 18 tonnes en juin 2007, six mois après sa création.
DOMINIQUE VALETTE, responsable de l'activité audit du cabinet Deloitte Rhône-Alpes
Les PME exportatrices qui résistent à la crise sont celles qui ont la meilleure trésorerie.
Réorganiser son entreprise.
Réorganiser son entreprise. Parfois, un remaniement des méthodes de travail de ses équipes suffit. Fabricante d'espadrilles, la société Tauzin Père et Fils illustre cette capacité d'adaptation des PME dans un contexte de crise. Pour survivre à la concurrence asiatique, elle a mis en place un système d'échange de données informatisées avec ses clients. «Ainsi, nous pouvons travailler en flux tendus, indique son gérant, Francis Tauzin. Lorsqu'il leur manque quelques paires, un message codé nous est envoyé et nous assurons le réassort sous huit jours. Les produits fabriqués au Bangladesh ou en Chine ne peuvent pas être livrés dans un délai aussi court.» Cette réactivité lui permet de continuer à fournir des grandes surfaces, alors que ses espadrilles françaises, de qualité supérieure, sont vendues au double du prix des fabricants asiatiques. «Je n'ai jamais délocalisé, mais j'y ai songé», avoue le dirigeant, attaché à son Pays basque et surtout à Mauléon, la capitale de l'espadrille. Il reste seulement quatre manufacturiers en France. Afin de ne pas perdre de chiffre d'affaires, Francis Tauzin s'est également recentré sur un produit basique, sans fantaisie. «C'est trop risqué de suivre la mode, surtout s'il reste beaucoup de stock. La météo, aléatoire, influence fortement les ventes.» Aujourd'hui, il travaille sur l'évolution du produit et reprend confiance dans la hausse du marché.
Monter en gamme.
Pour survivre à la concurrence asiatique dans le secteur du textile, Les Ateliers Gauthier, fabricant de chemises et façonnier, ont opté pour une solution différente. La société s'est positionnée sur le haut de gamme puis, il y a cinq ans, sur le luxe. Son dirigeant, Michel de Saint-Jean, a vu les entreprises de textile disparaître les unes après les autres. Grâce à sa montée en gamme, il a résisté, en diminuant tout de même de moitié ses effectifs depuis dix ans.
«Nous avons la capacité de produire des petites séries et des chemises sur mesure», souligne le dirigeant. Les Ateliers Gauthier ont récemment investi près de 250 000 euros dans de nouvelles machines, notamment un outil performant pour la découpe. Depuis deux ans, la société dispose également d'une unité de production au Portugal, dédiée aux exportations sur des marchés aux prix plus serrés, qui représentent 15% du chiffre d'affaires. «Nous avons délocalisé une partie de la production là-bas, car c'est un pays proche en termes de distance et de mentalité, mais où le coût de la main-d'oeuvre est inférieur au nôtre», explique Michel de Saint-Jean.
ZOOM
SONDAGE EXPRESS A la question «Ressentez-vous dans vos relations avec vos banques les effets de la crise financière?», 43% des PME ont répondu «oui». Les 57% qui ont répondu «non» sont pour la plupart des entreprises pour lesquelles le banquier est un simple gestionnaire de trésorerie et non pas un partenaire financier. L'enquête express a été menée en septembre par le Comité Richelieu auprès d'un fichier qualifié de PME innovantes.
Se regrouper.
Les PME de services qui dépendent uniquement du marché local peuvent, quant à elles, grossir pour avoir les reins plus solides. Les crises sont souvent l'occasion de restructurations. Services Network Gestion (SNG), revendeur de logiciels de gestion Sage, a décidé d'innover en gardant les avantages d'une structure plus grande sans son inconvénient, la perte de contrôle. La société a rejoint, début 2007, deux entreprises aux métiers complémentaires pour former un groupe virtuel de 21 personnes, sans lien juridique. «Nous communiquons auprès des clients avec un nom et un logo similaires; seule la couleur change, détaille le gérant de SNG, Paul Mekhelian. En échangeant nos contacts avec Services Network Administration (SNA) et Services Network Security (SNS), nous accélérons notre croissance. Un prospect l'est pour les trois sociétés.» Identité marketing unique, travail en synergie, mais aussi mutualisation des coûts: «Mon entreprise n'aurait jamais pu acheter seule un local, indique Paul Mekhelian. Nous nous le partageons, sachant que les effectifs de chaque société ne sont jamais au complet, puisque nous travaillons régulièrement chez les clients.» L'assistante administrative est également commune, de même que les outils de travail (photocopieur, etc.) et les achats divers (plaquettes publicitaires, annonces dans les journaux...). Fondée sur des relations de confiance entre les dirigeants, l'organisation génère des économies en gardant la souplesse des très petites structures. Chacun reste responsable de son bilan et décisionnaire dans son entreprise. Deux nouvelles sociétés ont déjà rejoint le groupe, Services Network Paie (SNP) et Services Network Télécommunication (SNT). Se serrer les coudes pour traverser la crise? Un système qui devrait faire de plus en plus d'émules. Car, si l'on en croit Jean-Luc Biacabe, directeur de la prospective à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP), le plus difficile reste encore à venir...
ETUDE
Les recettes des entreprises super-performantes
Dans une étude publiée en septembre, le cabinet d'audit et de conseil KPMG dresse le portrait des PME qui ont une croissance quatre fois plus importante que la moyenne de leur secteur, entre 2001 et 2006. Les facteurs-clés de leur réussite: l'international et l'endettement.
En effet, 55% étaient exportatrices en 2006 (contre 44% en 2001). C'est d'ailleurs cette moitié qui croît le plus. Et 75% des PME qui grandissent vont investir dans l'export pour les cinq prochaines années. En outre, elles s'endettent fortement pour se développer, et donc investir pour la production, l'expansion à l'international, les services informatiques, l'innovation, etc. Avec un niveau proche de celui des entreprises du Cac 40, leur taux de «gearing» (ratio endettement net sur fonds propres) atteint en moyenne 61%. Mis à part ces deux facteurs, ces PME n'ont pas de points communs: elles sont présentes dans tous les secteurs, partout en France, quelle que soit leur taille ou leur structure. Mais leurs dirigeants restent focalisés sur la croissance et n'hésitent pas à prendre des risques: plus de 80% d'entre eux l'ont fait dans le passé. Cette analyse des 1 831 PME qui «sur-performent» - entre 10 et 300 millions d'euros de chiffre d'affaires - s'appuie sur les données de la Banque de France, ainsi que sur 200 entretiens approfondis.
L'oeil du consultant Face à la crise, il existe trois catégories de PME JEAN-LUC BIACABE, directeur de la prospective à la CCIP
La crise financière se propage dans la sphère réelle. Nous en voyons seulement les premières conséquences, d'après Jean-Luc biacabe, directeur de la prospective à la Chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP). Celui-ci segmente les PME en trois catégories. «La première vit dans l'écosystème des grands groupes, comme sous-traitant ou fournisseur essentiellement, explique l'expert. Ces entreprises de services (dans l'informatique, le conseil, etc.) doivent continuer à accompagner l'internationalisation de ces groupes, pour surmonter la crise.» Deuxième catégorie: les PME en phase avec le marché intérieur, dans les secteurs du commerce, de la restauration... «Pour celles-ci, la crise commence seulement, poursuit Jean-Luc biacabe. Elles vont surtout souffrir de la baisse de la consommation des ménages et du retournement du marché de l'immobilier.» Il prédit notamment des mois difficiles aux entreprises du bâtiment, qui viennent de connaître cinq années exceptionnelles. Ce segment ne peut pas s'appuyer sur des marchés lointains moins affectés pour soutenir sa croissance. Enfin, la troisième catégorie des start-up et des PME liées aux nouvelles technologies est davantage concernée par la restriction des crédits. «En effet, alors qu'elles ont besoin de capitaux pour investir, les banques se montrent plus sélectives et prennent moins de risques», souligne le directeur de la prospective. N'ayant aucune prise sur le phénomène, les PME doivent profiter de leur principal atout, leur légèreté, pour se montrer réactives et se repositionner rapidement. Les conseils de Jean-Luc biacabe? Garder le cap de l'innovation et de l'internationalisation pour celles qui le peuvent, et veiller attentivement à sa trésorerie.
TEMOIGNAGE J'ai investi 200 000 euros pour surmonter la crise
ALAIN MOLINA, président de First Logistic.
C'est la fin du transport basique d'un point A vers un point b. Face à la hausse du coût du carburant, First Logistic s'est tournée vers le transport à valeur ajoutée Fret lourd, transport express régional, acheminement de pilotes dans les aéroports... «Les clients sont prêts à payer pour un vrai transfert de responsabilité, assure son président, Alain molina. Aujourd'hui, le client peut connaître à chaque instant la position du camion et le chauffeur ne sait pas ce qu'il transporte, car il ne charge pas lui-même la marchandise.» en plus de faire évoluer son organisation pour améliorer son service, la société a investi, il y a deux ans, dans trois outils informatiques majeurs. L'optimiseur de tournées, la géolocalisation dans tous les camions et l'outil de suivi de commandes lui ont coûté 200 000 euros, répartis sur trois ans. Sans compter la formation des chauffeurs, pendant six semaines, aux spécificités des clients et aux outils, ainsi que la nécessité de leur faire passer un brevet de sécurité et le permis piste pour l'activité aéroportuaire. «C'est paradoxal: vous devez investir au moment où vous êtes le plus en crise», souligne le chef d'entreprise. mais en adaptant ses moyens à la problématique de ses clients, il s'est aussi assuré leur fidélité. Alain molina avait d'abord procédé à une chasse aux coûts, insuffisante: renégociation des contrats d'entretien des véhicules, arrêt des lignes non rentables et des retours à vide, vérification des moyennes horaires des chauffeurs, bridage des camions... Ne pouvant rivaliser avec les espagnols et les belges, bénéficiant d'une taxe intérieure sur les produits pétroliers (TIPP) plus avantageuse, il a donc totalement arrêté en 2007 son activité basique traditionnelle. Aujourd'hui, sa diversification dans le transport aéroportuaire paie. en hausse de 40% en 2007 par rapport à 2006, son chiffre d'affaires devrait encore augmenter de 7% cette année, malgré le contexte économique morose. «Bien sûr, les clients demandent à baisser les prix, mais notre croissance est plus modérée en 2008, car nous souhaitons stabiliser la société et fidéliser les salariés», précise le dirigeant.
FIRST LOGISTIC Repères
- ACTIVITE: Transport
- VILLE: Tremblay-en-France (Seine-Saint-Denis)
- FORME JURIDIQUE: SAS
- DIRIGEANT: Alain molina, 50 ans
- ANNEE DE CREATION: 1999
- EFFECTIF: 100 salariés
- CA 2007: 6 mEuros
- RESULTAT NET 2007: 280 000 Euros
TEMOIGNAGE Un euro fort facilite notre croissance externe
ERIC VARSZEGI, président et fondateur d'IP-Label
La crise financière outre-Atlantique fait grimper le cours de l'euro par rapport au dollar: IP-Label, institut de mesure de la qualité perçue par les utilisateurs, en a profité pour mener une belle opération de croissance externe. La société a acheté en septembre Auditec-Newtest, une entreprise française également convoitée par certains de ses concurrents américains. «Mais du fait de la parité euro/dollar, elle leur coûtait plus cher qu'à nous, ils n'ont pas pu suivre», se réjouit Eric varzegi, président d'IP-Label, passé de 55 à 85 salariés.
L'entreprise a récupéré 17 distributeurs à l'international et peut proposer une solution technique complémentaire à ses clients. Pour financer cette acquisition, le dirigeant a combiné augmentation de capital, en faisant appel à un investisseur, et prêt bancaire. «Malgré ce que nous entendons sur la frilosité des banques, nous n'avons eu aucun problème à emprunter, lance Eric varzegi. Elles ont parfaitement compris l'intérêt de cette acquisition et elles ont confiance dans notre stratégie globale à l'export.» en croissance de plus de 25% chaque année, IP-Label réalise 20% de son chiffre d'affaires à l'international: belgique, Pays-bas, espagne, Allemagne et Chine (depuis le quatrième trimestre 2007 pour cette dernière). Absente du marché américain, l'entreprise ne pâtit donc pas de la parité euro/dollar pour ses exportations. Pas encore touché par la crise, le dirigeant reste confiant dans l'avenir: sa société est sur un marché porteur, les services disponibles en ligne sur Internet ne cessant de croître.
IP-LABEL repères
- ACTIVITE: mesure de la qualité perçue des services numériques
- VILLE: Levallois-Perret (Hauts-de-Seine)
- FORME JURIDIQUE: SAS
- DIRIGEANT: Eric varszegi, 51 ans
- ANNEE DE CREATION: 2000
- EFFECTIF: 85 salariés
- CHIFFRE D'AFFAIRES JUIN 2007 - JUIN 2008: 10 mEuros
- RESULTAT NET JUIN 2007 - JUIN 2008: 1,2 mEuros