Grand marché transatlantique : les PME maltraitées ?
L'hypothèse de l'institut Veblen est que "l'érosion anticipée du commerce intra-européen et avec d'autres pays tiers, générée par l'afflux de produits et services bon marché en provenance des États-Unis, pourrait déstabiliser la majorité des PME européennes, dont les activités ciblent principalement les marchés domestiques et voisins". D'autant que les PME européennes seront en situation de concurrence déloyale face aux grands groupes américains, en mesure de localiser leur production dans des pays à bas coût tout en profitant d'un marché ouvert. Enfin, la possibilité pour les entreprises d'attaquer les États pour entrave à la liberté du commerce devant un tribunal d'arbitrage, toujours sur la table des négociations, profiterait d'abord aux multinationales. Dans le même temps, le traité ne boosterait la croissance du PIB au sein de l'Union européenne que de 0,05 % par an sur une décennie, perspective la plus optimiste de la Commission européenne.
Opportunité historique
Pour Elvire Fabry, chercheuse senior à l'institut Jacques Delors, le risque n'est pas de voir le marché européen inondé de produits bas de gamme ou ne respectant pas nos normes sanitaires. "L'objectif central du traité est de limiter les barrières non tarifaires, comme les normes et les réglementations, mais en travaillant sur les cas où il y a une équivalence de niveaux de protection, explique-t-elle. Et l'ADN des régulateurs est plutôt de les élever. Ce n'était pas très clair côté européen quand les négociations ont été lancées, mais ça l'est aujourd'hui. En cas d'accord, il sera plus facile d'exporter : car pour une PME, obtenir une certification sur le marché américain représente un coût fixe prohibitif, alors qu'une multinationale peut le digérer facilement. La Commission européenne souhaite aussi une meilleure information des PME pour leur ouvrir la voie du marché américain."
Quelle date de mise en place ?
Même si les deux parties souhaitent accélérer, il est peu probable qu'un accord soit conclu en 2016. Le calendrier électoral des deux côtés de l'Atlantique (États-Unis, France, Allemagne) va freiner le processus.
Pour Elvire Fabry, l'abandon ou l'enlisement des négociations ferait rater aux États-Unis et à l'UE une opportunité historique de fixer leurs règles sur un marché de plus en plus mondialisé. "Dans les prochaines années, 90 % de la demande va venir de l'extérieur de l'UE , ajoute-t-elle. Le grand enjeu, c'est qu'en établissant des équivalences entre normes européennes et américaines, on rendra ces normes très attractives pour le reste du monde. Et surtout, on le fera avant les marchés émergents, notamment la Chine." Une logique qu'on peut entendre... tout en redoutant que les PME ne soient sacrifiées sur l'autel de la compétition mondiale.
Si, en France, les critiques les plus virulentes émanent de la société civile et de partis antilibéraux, il n'en va pas de même chez nos voisins européens. Le président de l'UCM, association belge de défense des chefs d'entreprise, estime qu'en l'état, "un marché unique risque de transformer nos pays en une colonie économique des Américains". Un appel à l'abandon des négociations ayant recueilli 3700 soutiens a aussi été lancé par des entrepreneurs allemands et autrichiens. Faut-il aller jusque-là? Il est urgent, pour les PME françaises, de s'emparer de la question.
Ils l'ont dit
"Les petites entreprises ont des chances d'être parmi les plus grands gagnants de cet accord."
Cecilia Malmström, commissaire européenne au commerce
"La Commission a tardé à affirmer qu'un accord ne se conclura jamais au prix d'une réduction de la précaution."
Pascal Lamy, président de l'institut Jacques Delors
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