Oscar Stubler : "Ce projet, je ne l'ai pas lancé pour créer une boîte. Je l'ai lancé pour porter une vision"

Comment est née l'idée de Mauna ?
Tout est parti d'un constat simple mais alarmant : la performance sportive explose, mais avec elle, les blessures aussi. Et ces blessures ne sont pas seulement physiques ; elles impactent la santé mentale, les finances des clubs, la carrière des athlètes. Je ne voulais pas me contenter d'observer ce problème. J'ai commencé par écouter, beaucoup : médecins du sport, préparateurs physiques, athlètes eux-mêmes. C'est de cette écoute qu'est née Mauna, un projet visant à traiter la blessure non pas comme une fatalité, mais comme une problématique qu'on peut anticiper, prévenir.

Dès le début, vous avez misé sur une approche très scientifique. Pourquoi ?
Parce que la blessure est multifactorielle et profondément individuelle. Il n'existe pas une cause unique, ni un modèle générique applicable à tous. Nous avons voulu créer un outil capable d'agréger plus de 100 indicateurs différents : données biomécaniques, physiologiques, nutritionnelles, psychologiques, historiques de santé...

En quoi Mauna se démarque-t-elle face aux concurrents ?
Notre approche holistique est vraiment unique. Beaucoup de concurrents se spécialisent sur un type de données - par exemple, les statistiques de match ou l'analyse sanguine.
Nous, nous analysons l'athlète dans toute sa complexité : son sommeil, sa nutrition, ses charges d'entraînement, son état psychologique, ses blessures passées... Cette vision globale nous permet de prédire plus finement les risques de blessures et d'optimiser la performance sur mesure, et pas en fonction d'un modèle standardisé.

Comment a été appréhendé la question de la protection des données ?

Notre premier investissement, ce n'était pas le marketing, ni le design. C'était la confidentialité des données. On a structuré tout de suite des contrats solides, une conformité RGPD exemplaire, un stockage sur serveurs HDS sécurisés. Quand un athlète nous confie ses données, il nous confie une part de son intimité : sa santé, ses failles potentielles. Ce n'est pas un sujet qu'on peut traiter à la légère. On a mis en place des processus d'anonymisation très rigoureux. Dans certains cas, quand les clubs sont réticents à ce que leurs données sortent de leurs serveurs, on propose même d'entraîner nos modèles directement sur place, sans jamais récupérer leurs données en propre. C'est un pacte de confiance. Et c'est à mes yeux une des grandes forces de Mona.

Comment avez-vous pu développer une telle technologie sur fonds propres ?
Honnêtement, ça a été beaucoup d'huile de coude. On a fonctionné de manière ultra-lean : on a internalisé certaines compétences critiques, comme l'expertise scientifique et produit. On a aussi travaillé au début avec des développeurs freelances pour limiter les coûts fixes.

Vous êtes ingénieur de formation. Comment avez-vous appréhendé votre nouveau rôle d'entrepreneur ?
J'ai dû apprendre à gérer l'incertitude au quotidien. Avec le temps, j'ai compris que vendre, ce n'est pas forcer un produit ; c'est écouter, comprendre, puis montrer en quoi ton outil est une vraie solution à leur problème. Ce n'est pas non plus en restant derrière un écran qu'on comprend les vrais besoins. Convaincre, aller sur le terrain, vendre est quelque chose que j'aime beaucoup, et ce depuis assez jeune. J'aime cette partie : elle m'oblige à rester ancré dans la réalité.

Avez-vous douté parfois ? Comment avez-vous géré les moment de grande solitude ?

Monter une boîte, c'est souvent avancer dans le brouillard, avec plus de doutes que de certitudes. Au début, tout n'a pas été simple. Je me souviens que mon associé avait dû cumulé avec un travail en parallèle, le soir. C'est un rappel brutal de ce qu'est réellement l'entrepreneuriat : l'incertitude constante, les sacrifices personnels. On avance avec la conviction que ce qu'on construit vaut la peine. Il faut être capable de tenir, même quand les fondations semblent vaciller. Je crois que c'est précisément dans ces moments-là qu'on forge ce qui nous rend plus forts.

Où en est Mauna aujourd'hui ?
Nous travaillons avec des clubs professionnels dans le football, le rugby, le basket. À ce jour, nous avons récolté et traité près de 4 millions de points de données. C'est énorme pour une jeune entreprise. Nous nous concentrons principalement sur l'Europe, mais nous avons des ambitions claires comme les États-Unis qui sont pour nous une priorité stratégique, où l'investissement dans le sport et la technologie est massif. D'autre part parce ils sont souvent en avance sur la valorisation de la donnée sportive. Le Moyen-Orient aussi nous intéresse énormément, avec l'essor de leurs investissements dans le football notamment. Il y a une vraie appétence pour l'innovation.

En regardant en arrière, quelle est aujourd'hui votre plus grande fierté ?
D'avoir construit quelque chose qui a du sens. Ce n'est pas juste un outil tech. C'est un projet qui protège des vies, qui aide des sportifs à réaliser leurs rêves sans tout sacrifier. Et au-delà des résultats, je suis fier d'avoir toujours mis l'éthique et l'humain au coeur du projet.

Un mot pour ceux qui aimeraient entreprendre ?
N'attendez pas d'être prêts. Personne ne l'est vraiment. Lancez-vous, écoutez beaucoup, soyez prêts à tomber souvent. Et surtout, construisez autour de vous un réseau d'alliés sincères. Parce que personne ne réussit seul.