Quel chef d'entreprise est véritablement Donald Trump?
La mythologie de l'entrepreneur modèle
Si Donald Trump est bien souvent qualifié de non-conventionnel par les médias, c'est qu'il ose à peu près tout et n'hésite pas à enjoliver son image. Il a notamment gagné en popularité en animant de 2004 à 2015, l'émission de télé-réalité The Apprentice, où il faisait passer des entretiens d'embauche à des candidats désireux d'obtenir une place de choix dans son entreprise et sanctionnait les autres d'un péremptoire "You're fired !" (Vous êtes viré !). Son livre, "The Art of the Deal" (l'art de la négociation) a contribué à élaborer son image de chef d'entreprise modèle. Vendu à plus d'un million d'exemplaires, preuve que le personnage inspire, si ce n'est de la curiosité, une certaine crédibilité, il n'a pourtant pas été rédigé par lui. Ce livre est l'oeuvre de Tony Schwartz, un journaliste et écrivain américain. En juillet dernier, The New Yorker lui a consacré un très long article, expliquant le processus rédactionnel de ce livre à la gloire de l'audace entrepreneuriale du candidat.
En 1985, Tony Schwartz passe 18 huit mois aux côtés de Donald Trump, allant jusqu'à camper dans son bureau pour observer son personnage agir. En rédigeant des conseils comme étant distillés par Donald Trump en personne, tels que "Cela paye de se fier à son instinct" lorsqu'il indique avoir acheté plusieurs centaines de millions de dollars un hôtel qu'il n'a pourtant jamais visité, l'auteur a élaboré l'image d'un entrepreneur casse-cou mais brillant. Et cette image a perduré dans l'inconscient du public jusqu'à aujourd'hui. Dans l'article, un des confrères journalistes de l'auteur, Edward Kosner, va jusqu'à dire : "Tony a créé Trump. Il est son Docteur Frankenstein". En désaccord avec les positions de Donald Trump, Tony Schwartz a finalement désavoué le candidat lorsque ce dernier s'est approprié la paternité du livre. Donald Trump a en effet fait son propre éloge devant son public : "Nous avons besoin du leader qui a écrit The Art of The Deal". Ce à quoi Tony Schwartz a répondu sur Twitter : "Merci beaucoup de m'avoir suggéré que je pourrais être président des États-Unis puisque c'est moi qui ait écrit le livre".
D'après les témoignages autour de Donald Trump, qu'il s'agisse de ses détracteurs ou des investisseurs qui ont eu confiance en lui et ont été trahis par la suite, l'image de l'entrepreneur brillant qui lui colle à la peau serait alors un leurre. Le nom Trump aurait, à force de briller sur les façades de buildings, distillé dans l'imaginaire américain cet idéal de richesse et de stabilité financière qui lui a permis de se hisser dans les sondages. En y regardant de plus près, l'homme est tout de même à la tête d'une fortune estimée à plus de dix milliards de dollars, bien qu'il pourrait avoir gonflé sa déclaration de patrimoine. Certains de ses investissements sont pérennes, soit les revenus liés à l'exploitation de ses hôtels, terrains de golf et propriétés diverses ou ses parts dans le concours Miss USA et Miss Univers. Mais ses propos virulents lui ont souvent fait perdre en crédibilité et rater des signatures de contrats. Décoré honoris causa par l'Université Robert Gordon de Aberdeen en Écosse pour son parcours de chef d'entreprise, son titre lui a été retiré suite à ses positions sur la restriction d'accès au territoire américain pour les musulmans.
L'espoir du renouveau
Pour Joel Dreyfuss, les Américains se préparent à l'idée d'avoir Donald Trump comme président en se disant qu'il va s'entourer d'experts, incapable d'imposer une hyper-présidence à l'échelle d'un pays comme les États-Unis. Seul véritable point fort du candidat pour le journaliste, sa capacité à "secouer l'etablishment", soit "tout déchirer pour recommencer à zéro". C'est l'un des critères qui séduirait les Américains, en quête de renouveau dans un contexte d'incertitude économique. C'est cette même incertitude qui fait que, paradoxalement, Donald Trump est autant loué pour son image de richesse et de stabilité financière que pour sa spontanéité et sa propension à tout bousculer autour de lui. Le 8 novembre, l'issue du vote, favorable ou défavorable à Trump sera riche d'enseignements et lumière sera faite sur la vision de chef d'entreprise de Trump étendue à la gestion d'un pays... Et, en cas de défaite, on en saura plus de sa gestion de l'échec.
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