Antoine Bello, entrepreneur et écrivain à succès
Il a toujours vu l'entreprise comme un terrain de jeu et les rouages de l'économie comme un formidable sujet de roman. Fondateur de la société Ubiqus, business angel et écrivain à succès, Antoine Bello n'a qu'un credo : être le héros de sa propre histoire.
Je m'abonneIl y a une tête qui dépasse dans le milieu littéraire français. Celle d'Antoine Bello, deux mètres au garrot et un CV qui n'est pas franchement raccord avec les us et coutumes de Saint-Germain-des-Prés. Diplômé d'HEC à 21 ans, millionnaire à 25, cet entrepreneur comblé avoue sans complexe voter pour Nicolas Sarkozy et s'est installé à New York avec femme et enfants. Mais depuis toujours, il jongle entre les chiffres et les lettres et a gagné, avec ses romans, à la fois un large lectorat et le respect de la critique.
Le dernier en date, Les Producteurs, ajoute un nouveau volume à une saga commencée en 2007 avec Les Falsificateurs. On y suit la trajectoire ascendante d'un jeune Islandais au sein du Consortium de falsification du réel, une organisation aussi mystérieuse que tentaculaire qui s'emploie à influencer l'opinion publique en réécrivant l'Histoire, quitte à trafiquer les sources et à fabriquer de fausses preuves... On l'aura compris, Antoine Bello aime jouer. À tel point qu'à l'heure de rédiger la charte de la société Ubiqus, qui propose une large gamme de services aux organisateurs de réunions, il avait choisi comme premier commandement "We want to have fun".
L'obsession d'apprendre
"C'est la première chose qui nous est venue à l'esprit parce que tout le monde, depuis le patron jusqu'au dernier employé, doit avoir envie de venir travailler le matin, explique-t-il. Et s'amuser, ça veut dire faire des choses intéressantes et apprendre... Avec mon associé, François Lamotte, nous sommes obsédés par cette question. Et pour apprendre, il faut faire des choses nouvelles et donc avoir de la croissance... Ça a été notre moteur."
Et puis un jour, frustré de ne plus arriver à glisser assez de plages d'écriture dans un agenda de ministre, Antoine Bello a décidé de consacrer l'essentiel de son temps à la littérature. "On était passé de zéro à 300 employés, entré en bourse, sorti de bourse. Je savais qu'on pouvait monter jusqu'à 3 000 salariés, mais bon, c'était 'more of the same', confie-t-il. Pour le dire vite, j'en avais fait le tour..."
"Mieux vaut un bon jockey qu'un bon cheval"
Après avoir aidé des collaborateurs à monter un LBO en 2007, Antoine Bello reste au conseil de surveillance quelques années. Puis vend le reste de ses participations l'an dernier. Depuis, il enchaîne les romans mais conserve une intense activité de business angel, des deux côtés de l'Atlantique. "Outre le fait que c'est une bonne classe d'actifs, j'adore ça, parce qu'on y rencontre des gens plus enthousiastes et plus intéressants que la moyenne, explique-t-il. Et puis je crois que j'ai un certain talent pour repérer des projets prometteurs. Ou plus exactement des gens prometteurs car les idées, souvent, on doit les abandonner en cours de route. Mieux vaut un bon jockey qu'un bon cheval..."
Businessman-écrivain
Pourquoi choisir, l'un nourrissant l'autre ? "Indubitablement, je n'écrirais pas les mêmes livres si je n'étais pas entrepreneur, reconnaît-il. Prenez "Roman américain", qui est une enquête sur le marché de la revente des assurances-vie aux USA. Sans fausse modestie, très peu d'écrivains français en seraient capables, parce qu'ils n'en comprennent pas la logique. Et ceux qui croient connaître l'entreprise la dénoncent systématiquement comme lieu d'aliénation et d'oppression. On écrit sur les suicides à France Telecom ou le cynisme des sociétés de prêt à la consommation, jamais sur la création de richesse, sur la manière dont une entreprise qui réussit irrigue tout autour d'elle. Et, en bout de chaîne, finance le RMI".
Penser clair, parler cash, écrire ludique. On pourrait appeler ça la méthode Bello.