Jacques Attali : "Je crains que la France ne se vide de ses entrepreneurs"
Vous proposez, régulièrement, qu'une partie des 32 milliards d'euros de la formation permanente soit allouée à la création d'entreprise. Dans un pays qui a vu naître, en 2014, 550 000 entreprises, est-ce bien nécessaire ?
La France crée en effet beaucoup d'entreprises. À ce niveau, c'est un bien meilleur pays qu'on ne le croit, même du point de vue de la fiscalité. Celle des plus-values est ainsi l'une des meilleures du monde.
Et s'il faut naturellement continuer de dédier une part importante de ces 32 milliards d'euros à la formation professionnelle, cette dernière devrait être orientée vers entrepreneuriat, notamment pour les demandeurs d'emploi. Sur les 5 millions de chômeurs, entre 500 000 et 1 million pourraient lancer leur entreprise. C'est considérable ! D'autant que ces structures seraient viables. L'expérience que mène Positive Planet, depuis 7 ans, dans trente quartiers, montre que 80 % des entreprises qu'elle a accompagnées sont pérennes pendant plus de 3 ans.
Croyez-vous au crowdfunding comme source de financements alternatifs pour les PME ?
Oui, et je dirais même qu'il ne s'agit déjà plus d'une solution alternative. Le métier bancaire va exploser du fait des nouvelles technologies, mais également des taux d'intérêt si bas. Les banques vont en effet avoir un mal fou à se rémunérer ! Le crowdfunding est une nouvelle façon d'orienter l'épargne vers les investisseurs. Avec Positive Planet, nous avons créé un organisme de crowdfunding qui sera accessible à La Réunion courant juin et en France d'ici l'année prochaine.
Vous faites la promotion de l'économie positive. Selon vous, est-ce là que se joue l'avenir du business français ?
L'économie positive est celle des entreprises qui oeuvrent dans l'intérêt non seulement de leurs clients, mais également de leurs collaborateurs, de leur environnement, de la société civile et des générations futures. Ni marginale, ni subventionnée, elle crée des emplois et dégage du profit. Ce marché de l'économie durable - qu'il s'agisse du recyclage, de la santé ou du bien-être - représente déjà entre 5 et 10 % du PIB mondial, et offre de grandes opportunités de développement.
Comment encourager cette économie positive ?
Nombreux sont ceux qui n'ont pas attendu qu'on les aide pour construire de véritables success stories. J'en cite de nombreux exemples dans mon ouvrage "Devenir soi". Car attention, il faut sortir de la logique de résignés/réclamants et ne pas prendre comme prétexte de son propre échec l'absence d'aide. Pour autant, il faudrait imaginer de nouveaux statuts d'entreprises pour attirer d'autres sources de financement.
Ses dates
1979
Il fonde Action internationale contre la faim, organisation non gouvernementale désormais appelée Action contre la Faim.
1981
Il devient le conseiller spécial du président François Mitterrand, poste qu'il occupera 10 ans.
2008
Il préside la Commission pour la libération de la croissance française, qui propose un mode d'emploi pour 316 réformes majeures et urgentes.
2012
Commandé par Français Hollande, son rapport sur l'économie positive propose 44 réformes pour mettre fin au court-termisme au profit de l'intérêt des générations futures.
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