Bernard Stalter, président de l'APCMA : "Simplifions la vie des petits patrons"
Que pensez-vous du CICE ?
Le CICE est une très bonne mesure et elle est très intéressante pour les entreprises artisanales. Mais pourquoi ne pas avoir simplement baissé les charges ? En effet, la mise en place du crédit d'impôt pour la compétitivité l'emploi est facturée par les experts-comptables car le dispositif est trop complexe. Je vous le rappelle, un artisan n'a pas de directeur des ressources humaines ni de directeur financier.
Une stabilité fiscale est indispensable aux chefs d'entreprise afin d'accompagner le développement de leurs activités. Les pouvoirs publics ne doivent pas oublier, dans les dispositions fiscales qu'ils prennent, qu'une grande majorité des entreprises artisanales ne sont pas sous forme de société, et sont donc soumises à l'impôt sur le revenu : par conséquent, toutes les mesures d'allégement fiscal ne doivent pas uniquement cibler l'impôt sur les sociétés.
Je n'ai donc qu'une chose à dire : simplifions la vie des petits patrons.
Le président Hollande souhaitait la création de 500 000 postes d'apprentis et nous serons loin du compte. Comment l'expliquez-vous ?
En mai 2014, les propos du président de la République sur le développement de l'apprentissage ont fait plaisir à tous les artisans. Car, vous le savez, nous avons une vraie culture de l'apprentissage. Mais seulement trois mois plus tard, d'un coup de gomme, Bercy a décidé d'enlever les 550 millions d'euros dédiés à l'indemnité compensatrice de formation en plein mois d'août et en plein recrutement. Pendant deux ans, l'apprentissage a souffert de cette décision.
Il fallait créer une nouvelle dynamique et réflexion, ce qui, au final, a été fait avec le zéro charge sur la première année d'embauche d'un apprenti ou d'un jeune de moins de 18 ans dans les entreprises de moins de 10 salariés. Mais cela a seulement compensé la perte des indemnités compensatrices.
"Nos décideurs politiques ne sont pas passés par la case apprentissage"
Je tiens par ailleurs à signaler que nous avons de plus en plus d'apprentis plus âgés. Il est donc important d'étendre cette mesure a minima aux jeunes de moins de 20 ans si nous ne voulons pas créer une sorte de ségrégation.
Pour finir, il vaut mieux parier sur l'apprentissage que payer des contrats d'avenir parce que nous n'avons pas réussi à former nos jeunes. Le problème, dans le fond, c'est que nos décideurs politiques ne sont pas passés par la case apprentissage. Ils parlent d'un sujet qu'ils ne connaissent pas. Je cherche encore au parlement, et dans les conseils régionaux, combien de personnes ont formé des apprentis. Ce n'est pas un drame. Mais avant d'écrire des textes, il faut venir consulter ceux qui connaissent le terrain.
Pensez-vous qu'il y a deux poids deux mesures entre le soutien à l'artisanat et le soutien à l'industrie ?
J'ai été un peu fâché, je dois l'avouer, au moment de l'affaire Alstom. Les politiques et la France entière se sont mobilisés pour sauver 400 emplois. J'éprouve naturellement un énorme respect pour cela. Nous avons au final commandé quinze TGV dont l'utilité immédiate n'est pas prouvée. Mais en 2014, le bâtiment perdait 400 emplois par jour ! Où était la mobilisation ? Les salariés du bâtiment méritent moins de respect ? Le problème, c'est que l'artisanat a du mal à être médiatisé et il faut que ça change !
Quel conseil donnez-vous aux artisans pour 2017 ?
Avec les présidentielles, j'appelle tous les artisans à entrer en contact avec leur parlementaire. Je vous assure que les hommes politiques vont chez leur boucher, leur boulanger, leur coiffeur... Nous devons utiliser ce lien de proximité pour remonter nos problématiques. Certes, le secteur de l'artisanat reprend progressivement des couleurs, mais il faut être vigilant aux mesures qui vont être prises lors du prochain quinquennat. La reprise est fragile et elle peut facilement retomber comme un soufflé.
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