Alain Afflelou : "La réussite n'a pas perturbé mon comportement"
La direction du groupe Afflelou a changé en 2012. A-t-il été difficile de trouver un successeur ?
Nous nous sommes mis à chercher un successeur potentiel il y a 20 ans déjà. Au-delà de l'incarnation de la marque, il y avait, pour moi, le risque d'accident et de maladie. Et nous n'avions pas de numéro deux. Les actionnaires voulaient à tout prix que nous recrutions des profils très diplômés, sortis de grandes écoles de commerce. Mais ça n'a pas fonctionné.
J'ai alors décidé de mettre en avant une personne excellente, qui a commencé comme stagiaire au service comptable dans le groupe et qui est passée par toutes les étapes. Il connaît très bien l'entreprise et ma confiance est totale. Nous l'avons donc choisi et, depuis, tout se passe très bien.
Pourquoi ça n'a pas fonctionné avec des personnes sorties des grandes écoles de commerce ?
Je pense qu'elles sont arrivées dans notre groupe avec un côté un peu prétentieux. Elles n'ont pas cherché à se fondre dans le moule. Aux yeux des personnes qui étaient là depuis quinze ou vingt ans, qui ont construit l'entreprise, ça ne passait pas bien. Il n'y a que le talent, le travail et l'humilité qui sachent se faire respecter.
Lorsque vous voyez une personne qui arrive trente minutes avant tout le monde et qui part trente minutes après tout le monde, elle inspire forcément du respect. Nous sommes une entreprise humaine, dans le sens où il y a énormément d'affect entre nous.
Vous dirigez toujours la communication du groupe, pour quelle raison ?
C'est une partie que j'aime un peu plus que le reste. Et je pense que je suis encore utile. Ce n'est pas par obsession du pouvoir, je ne l'ai jamais eue, encore moins aujourd'hui.
Le groupe Afflelou s'attaque désormais au marché de l'audioprothèse. Quelle est votre stratégie ?
Nous avons des centres totalement dédiés à l'audition et aux aides auditives, mais nous utilisons aussi les corners de nos centres d'optique. La raison est simple, il s'agit d'une clientèle commune. Passé 60 ans, nous portons tous des lunettes et nous commençons tous à moins bien entendre.
Vous gardez une communication décalée sur le sujet...
Comme pour l'optique, mon objectif consiste à dédramatiser l'utilisation d'aides auditive. Il y a 40 ans, devoir porter des lunettes était vécu comme un traumatisme. Ma première publicité à la télévision, en 1986, c'était l'"Opticien de grand-papa". Et je voulais déjà détendre l'atmosphère autour du port de lunettes.
Aujourd'hui, c'est la perte d'audition qui est très mal vécue par nos clients. Nous ne disons pas des personnes qui portent des lunettes qu'elles sont aveugles, mais nous disons des personnes avec des aides auditives qu'elles sont sourdes ! C'est une image vieillotte qu'il faut totalement dépoussiérer. Car mal entendre après 60 ans, c'est la norme. Comme avoir des cheveux blancs.
Quels sont vos objectifs à court terme concernant l'audioprothèse ?
Développer notre entreprise avec de nouvelles idées, de nouveaux concepts et beaucoup d'innovation. Nous venons de lancer une ligne nommée Incognito. Le principe : des appareils quasiment invisibles à des prix compétitifs, afin que les personnes regardent les aides auditives de façon différente.
Par ailleurs, je commence à chercher un bras droit qui pourra me succéder dans l'audio comme nous l'avons fait dans l'optique car, bien qu'on m'affirme le contraire, je ne suis pas immortel (rires).
Vous souhaitez aussi développer votre marque audio à l'international ?
Nous avons énormément de travail en France car il n'y a pas assez de diplômés audioprothésistes. Il y a donc de nombreux verrous, mais ils vont sauter. Il faut créer plus d'écoles de formation. Nous pourrions avoir au moins 500 centres d'audioprothèse s'il y avait plus de diplômés. C'est aussi une population un peu gâtée, qui ne veut pas travailler le samedi. Or, dans le commerce de détail, c'est une posture compliquée. Le chiffre d'affaires du samedi correspond à deux jours en semaine. C'est le reflet du négatif de la société. Certaines personnes préfèrent travailler moins par peur d'être fatiguées.
Comment l'expliquez-vous ?
C'est une question d'éducation. Mon père était boulanger et travaillait sept jours sur sept, de 5 heures du matin à 22 heures le soir. Il n'a jamais eu de vacances et je ne l'ai jamais entendu dire que c'était fatigant. Quand nous sommes partis d'Algérie pour nous installer à Bordeaux, c'était uniquement parce qu'il pouvait gagner sa vie dans cette ville. Personnellement, je n'avais que le dimanche comme jour de repos.
Dates clés
1948 : Naissance à Mascara, en Algérie
1972 : Ouverture du premier magasin d'optique au Bouscat.
1978 : Invention de Tchin Tchin et démarrage de la franchise.
1997 : Lancement du coffret la Forty.
2011 : Ouverture de l'enseigne Alain Afflelou Acousticien.
2017 : Création du 200e magasin d'audio en seulement six ans !
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