Des business pour le business : le marché B to B en plein boom
Elles s'appellent Alan, Ankorstore, Wecasa, Finom, Qonto... Pour ne citer qu'elles. Leur point commun ? Proposer des services aux indépendants et patrons de petites entreprises, soit un marché boosté par l'engouement de l'entrepreneuriat. Chaque créateur d'entreprise est un client potentiel. Les perspectives de croissance, aussi portées par le développement du numérique, sont plutôt radieuses.
Je m'abonne" Lors du deuxième confinement à l'automne 2020, le salon qui m'employait a dû, de nouveau, fermer. Je ne pouvais pas envisager de rester à ne rien faire. J'ai donc monté mon statut d'autoentrepreneur, puis j'ai commencé à démarcher des clients autour de moi pour des prestations à domicile. Depuis, j'ai repris mon poste, mais je continue ces extras. Je me demande même si je n'en ferai pas une activité à part entière, car j'aime la liberté et l'autonomie qu'elle procure. " Ce témoignage est celui de Delphine, 35 ans, coiffeuse dans le Loir-et-Cher. De la crise de la Covid, elle a saisi l'opportunité de devenir sa propre patronne. Et pour faciliter ce petit business, elle a choisi de s'inscrire sur la plateforme Wecasa.
Wecasa est une start-up créée en 2016, qui propose à des professionnels comme Delphine, mais aussi à des esthéticiennes, des coaches, des garde-d'enfants ou à des aide-ménagères de trouver une nouvelle clientèle sur le web. " Quant aux clientes, elle se laissent séduire par un service personnalisé, voire VIP : il n'est plus question de traitement à la chaîne. Elles ont un professionnel qui leur est dédié, qui prend le temps de les écouter ", souligne Antoine Chatelain, cofondateur de Wecasa.
Aujourd'hui, Wecasa référence 5 000 professionnels indépendants en France et en Angleterre, un répertoire " qui double d'année en année " selon les mots du CEO. " La majorité des professionnels vient par bouche à oreille. Au départ, il y a peut-être un questionnement sur le numérique et l'utilisation d'une plateforme, mais lorsque la confiance est créée, les professionnels se rendent compte que c'est un formidable accélérateur pour leur business ", ajoute-t-il. Et c'est pour cela que les start-up plébiscitent ce secteur du service aux professionnels, elles sont de plus en plus nombreuses à vouloir s'adresser aux indépendants et autres patrons de petites structures. Pourquoi ? Parce que le besoin est grand ! Le business comme source de business, en somme.
Europe
C'est le cas par exemple de la banque en ligne Qonto. Plutôt que de s'adresser à un marché particulier (ce qui est relativement classique pour une banque), ses fondateurs Alexandre Prot et Steve Anavi ont dédié leur solution aux professionnels uniquement. Une démarche justifiée par leur propre expérience. " Ce choix est parti d'une frustration : lorsqu'Alexandre et Steve ont monté leur première entreprise (Smok.io, rachetée en 2015), ils ont été déçus par leur expérience bancaire : chronophage, peu transparente, pas réactive... ", relate Germain Michou-Tonning, directeur des partenariats Qonto. Il rappelle également qu'il existe près de 25 millions de TPE/PME en Europe, dont 3 millions en France et près de 300 000 entreprises qui se créent chaque année.
" Ce qu'il se passe, c'est que tout le monde veut devenir entrepreneur, confirme également Olivier Binet, directeur général France de la fintech paneuropéenne Finom. De nouveaux se lancent chaque année, parfois même juste en activité secondaire. Cela devient un phénomène massif, où de plus en plus de plateformes vous aident à vous créer votre projet. " Olivier Binet est en charge du marché français. Arrivée début 2021 dans l'Hexagone, l'entreprise espère séduire 20 000 clients d'ici la fin de l'année. Comme la plupart de ses homologues, elle compte sur une double prévision pour atteindre son objectif : d'une part répondre à une offre internationale, où les besoins s'expriment identiquement d'un pays à l'autre. De l'autre, il faut continuer d'enrichir le panel de services pour apporter une réponse toujours plus précise, un confort de travail encore meilleur. " Les indépendants forment un peu plus de 50 % du PIB en Europe, estime Olivier Binet. Et ils ont une chose en commun dans toute l'Europe : ils sont mal servis. " Selon lui, tout s'avère plus compliqué pour cette population : signer ses emprunts, trouver ses premiers clients, se faire payer... Pour essayer de rétablir la balance, il faut des outils qui leur soient dédiés, c'est-à-dire faciles d'accès puis qui peuvent, au fur et à mesure, proposer des fonctionnalités plus poussées.
Evolutions
C'est aussi la démarche de Wecasa. Sa première promesse ? L'apport de nouveaux clients. Puis la start-up soumet aux professionnels des outils qui leur simplifient la vie au quotidien, comme la création d'une fiche professionnelle (sorte de vitrine pour mieux se faire connaître en ligne) ou la mise à disposition d'un agenda connecté, à utiliser aussi bien pour les rendez-vous Wecasa que pour ceux qu'ils fixent en dehors de la plateforme. " Certains professionnels continuent d'utiliser un agenda papier ! C'est pourquoi nous pensons que nous ne sommes qu'au tout début des évolutions possibles ", assure Antoine Chatelain. La start-up est également présente en Angleterre et le constat est similaire outre-Manche : " Il y a les mêmes types d'attente, à la fois pour plus d'autonomie et de flexibilité. Nous devons nous mettre à leur service ", confirme encore le CEO.
La plateforme Partoo, qui accompagne les points de vente dans leur stratégie de communication locale, est quant à elle présente dans plus de 60 pays et affiche elle aussi une croissance régulière. " En 2019, nous étions à 4,5 millions d'euros de chiffre d'affaires. Puis 8 millions en 2020 et nous espérons finir l'année avec 15 millions, précise le CEO et cofondateur Thibault Lévi-Martin. Notre croissance est essentiellement portée par l'international. " La start-up a levé en mai dernier 15 millions d'euros, une somme notamment destinée à renforcer le produit et à l'enrichir. " Outil de collecte, de réservation, de campagnes publi-citaires sur Google... Ce sont autant de fonctionnalités que nous allons ajouter sur notre interface pour que nos clients bénéficient de l'ensemble des outils qui existent. La partie produit est un élément important sur lequel nous voulons nous développer ", annonce Thibault Lévi-Martin.
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Témoignage
" Le marché auquel nous nous adressons est gigantesque ", Nicolas d'Audiffret, CEO d'Ankorstore
Sorte de centrale d'achat pour les petits commerçants indépendants, Ankorstore met en relation des marques avec des revendeurs. Créée en 2019, elle a bénéficié d'une croissance fulgurante car elle réunit aujourd'hui plus de 8 000 marques et 50 000 revendeurs. Elle emploie 200 collaborateurs et a levé en début d'année 110 millions d'euros... " Ces chiffres sont liés au fait que nous répondons à des problèmes qui sont importants ", justifie le cofondateur et CEO Nicolas d'Audiffret.
En effet, d'un côté Ankorstore permet aux marques de vendre plus facilement en B to B. De l'autre, elle facilite le repérage de nouveaux produits tendance pour les commerçants qui ont vu les salons professionnels s'annuler les uns après les autres depuis 2020. La scale-up s'est même ouverte à l'international et propose ses services à travers une vingtaine de pays. " La plupart des difficultés exprimées en France se retrouvent ailleurs, souligne Nicolas d'Audiffret. De plus, comme il s'agit de petites entreprises, elles n'ont pas le temps de connaître la fiscalité ou la comptabilité de chaque pays. C'est pourquoi nous réfléchissons à élargir encore nos services, après avoir déjà travaillé sur le paiement ou la logistique. "
L'engouement autour de l'entrepreneuriat fait qu'Ankorstore bénéficie de belles perspectives de croissance : il y aura toujours plus de nouvelles marques et de nouveaux revendeurs pour alimenter son activité. " Pourtant, nous sommes encore petits car le marché auquel nous nous adressons est gigantesque ", juge Nicolas d'Audiffret. Les chiffres lui donnent raison avec un potentiel de 800 000 boutiques indépendantes, en France et en Europe, qui peuvent générer un volume d'affaires estimé à 170 milliards d'euros...
Ankorstore
Marketplace B to B
Paris (6e)
Nicolas d'Audiffret, président, 42 ans
SAS > Création en 2019 > 200 salariés
CA 2020 NC
Quant à la banque en ligne Qonto, elle ne souhaite plus se définir simplement comme telle, mais plutôt comme un véritable partenaire au service des professionnels. Elle mise sur l'innovation pour croître. " Nous travaillons notamment sur la digitalisation des notes de frais, de la gestion des dépenses d'équipe ou encore dans la sécurisation et l'authentification des accès aux comptes, énumère Germain Michou-Tonning. Il est aussi possible de créer son entreprise 100 % en ligne ou de gérer les paies avec l'intégration de Payfit. A terme, il faut qu'un entrepreneur puisse retrouver l'ensemble de la gestion financière soit via nos services propres, soit via l'intégration et l'agrégation des meilleurs outils du marché. "
La tech est le nerf de la guerre. Les innovations numériques et la puissance de la data ouvrent de nouvelles perspectives, pour répondre toujours mieux à un besoin croissant de digitalisation que les entrepreneurs, de plus en plus aguerris, attendent. Les standards ont changé. Désormais, un professionnel est avant tout un client particulier d'Uber, de Netflix, de BlaBlaCar ou encore d'Amazon. Il compte bénéficier de la même puissance du numérique pour son activité et ces start-up innovantes lui offrent ainsi le moyen de grandir. Ensemble, ces entreprises passent plus facilement à l'étape d'après et gravissent les échelons de la croissance, voire de la rentabilité. Une sorte de cercle vertueux, qui interpelle même les jeunes pousses initialement parties sur le B to C. Si ce dernier marché est souvent perçu comme volatile, long à développer et gourmand en financement, en coûts marketing, voire parfois trop soumis aux aléas de la consommation et à une forte concurrence, le secteur pro s'affiche de plus en plus comme un gage de sécurisation du chiffre d'affaires. C'est pourquoi, certaines choisissent de pivoter pour mieux réussir (voir encadré), séduites notamment par les levées de fonds des start-up du B to B, dont le montant moyen ne cesse de s'envoler (185 millions d'euros pour l'assureur Alan, 100 millions pour Spendesk ou encore Meero qui avait fait les gros titres de la presse éco il y a deux ans avec ses 205 millions d'euros récoltés). La preuve donc de la maturité du marché, qui laisse présager la création de véritables leaders made in France.
Ces start-up qui ont pivoté du B to C au B to B
Velco guide les entreprises dans leur gestion de flottes
Créée en 2016, Velco s'est fait connaître avec son produit phare, un guidon connecté. Mais le marché complexe l'incite à changer de cap en 2019. Elle développe désormais une offre et un logiciel qui permettent aux entreprises de gérer des flottes de véhicules.
Nestor veille aux bons repas des collaborateurs
Nestor s'est d'abord spécialisée dans la livraison de repas aux particuliers. En 2020, l'entreprise s'ouvre au marché B to B et bénéficie d'une activité facilitée grâce aux livraisons mutualisées. Son rachat par Elior a confirmé ce virage vers les pros, qui s'est enrichi aussi de la mise en place d'espaces de restauration ou de frigos connectés.
Flease rend l'occasion accessible aux PME
A l'origine baptisée Lepiston.fr, la start-up se positionnait comme une place de marché pour la revente de véhicules entre particuliers. Elle a pivoté vers le B to B (et changé de nom) pour proposer une offre de véhicules d'occasion dédiée aux petites entreprises.
Dreem accompagne les laboratoires de santé
L'objectif de Dreem, lors de sa création, était de commercialiser un bandeau connecté pour améliorer la qualité du sommeil. Malgré plusieurs dizaines de milliers d'unités vendues de son produit, l'entreprise choisit désormais de déployer une solution technologique à destination des essais cliniques.