L'accès aux marchés publics pour les PME doit encore être assoupli
Les procédures permettant aux PME de soumissionner ont été allégées. Mais les acheteurs publics et les entreprises doivent encore apprendre à s'en servir, et aussi à se parler. Une double révolution culturelle qui commence à peine.
Je m'abonneObligation d'allotir, procédure du "marché public simplifié", moindre exigence en matière d'assise financière, relèvement à 25000€ du seuil imposant une procédure à formalités, possibilité de soumissionner à plusieurs en créant un groupement... Le gouvernement a fait feu de tout bois, ces deux dernières années, pour faciliter l'accès des PME à la commande publique. Une batterie de réformes qui n'a rien de cosmétique et dont la CGPME estime qu'elle va "clairement dans le bon sens".
Mais il faut préciser qu'on part de très loin. Sur les 400 milliards qu'engage l'État chaque année, la part des marchés décrochés par des PME ne représente aujourd'hui que 5 milliards... Rétablir un minimum d'équilibre prendra du temps. D'autant que changer les règles du jeu était certes nécessaire mais pas suffisant. "Les conditions pour soumissionner ont été largement simplifiées mais il est toujours difficile pour une PME d'avoir accès à l'essentiel, c'est-à-dire l'information, estime Henri d'Agrain, président de Small Business France, une société qui accompagne les PME technologiques vers les grands comptes publics ou privés. Je trouve désolant que les sources soient à ce point dispersées. Chaque collectivité locale, par exemple, a sa propre plateforme. Assurer une veille efficace sur les marchés publics reste un parcours du combattant. Sauf à payer très cher un prestataire privé... Pourtant, construire une plateforme nationale centralisant l'ensemble des marchés publics, ça peut se faire très simplement aujourd'hui." L'idée est dans l'air depuis longtemps. Mais elle ne s'est pas encore concrétisée, faute de volonté politique.
Former les acheteurs publics
Trop d'acheteurs publics restent par ailleurs calfeutrés dans leur tour d'ivoire. Ce qui n'aide évidemment pas les PME à connaître leurs besoins précis. Certaines initiatives ont pourtant produit d'excellents résultats. Le service des achats de l'État (SAE) a ainsi organisé un "salon inversé", à destination des PME innovantes. Le principe est simple : ce sont les acheteurs qui tiennent un stand et présentent les marchés publics qu'ils lanceront à court et moyen terme. Une façon pour les entreprises de connaître l'évolution de la commande publique et d'anticiper si nécessaire. Certaines collectivités s'y mettent, comme la Ville de Paris.
"Ces salons inversés sont d'excellentes formules et, de manière générale, il faut encourager le dialogue entre acheteurs et PME, avance Pierre Pelouzet, médiateur des marchés publics. Il y a encore trop d'acheteurs qui pensent que parler à un fournisseur, c'est interdit ! C'est évidemment le cas pendant la procédure d'appel d'offres mais, le reste du temps, c'est non seulement recommandé mais impératif." À ses yeux, les acheteurs ont aujourd'hui besoin d'être formés. Pour adopter le "marché public simplifié", qui reste marginal. Ou encore se familiariser avec la notion de "groupement momentané d'entreprises", la formule qui permet désormais à plusieurs PME de se positionner efficacement face aux grands groupes. "Trop d'acheteurs trouvent ça encore trop compliqué et trop dangereux, ajoute le médiateur des marchés publics. Il faudra une révolution culturelle sur ce point. Mais c'est aussi valable du côté des entreprises elles-mêmes..."
Groupements contre grands groupes
Frédéric Grivot, vice-président de la CGPME, estime lui aussi que "le groupement momentané d'entreprises est une véritable voie d'accès aux marchés publics". À condition que les petites et moyennes entreprises s'en saisissent véritablement.
L'union fait la force, c'est bien connu. Et ce sera sans doute encore plus vrai à partir d'octobre 2018, lorsque l'ensemble des procédures d'appels d'offres seront dématérialisées. Car ce qui peut apparaître comme un progrès a de fortes chances de constituer en réalité un handicap pour les PME ne disposant pas, en interne, des compétences nécessaires. Il faudra maîtriser non seulement les arcanes des marchés publics mais aussi les outils informatiques ad hoc et la pratique de la signature numérique. Pour faire face, les dirigeants auront donc besoin, dans les prochaines années, d'être accompagnés par leur syndicat professionnel ou leur fédération. En clair, les acheteurs publics ne sont pas les seuls à devoir fournir des efforts...