Financez votre développement grâce aux investisseurs privés
Du prêt bancaire à la cotation en Bourse en passant par le recours aux business angels et aux fonds d'investissement, les leviers de financement sont variés. Pour séduire les investisseurs, préparez un bon business plan et soyez prêt, le cas échéant, à les inviter à la gouvernance de votre société.
Je m'abonneLes crédits accordés aux TPE-PME ont progressé de 3,4 % en un an, pour un total de 189,2 milliards d’euros, selon la Banque de France, qui arrêtait ses données à juillet 2012. Par ailleurs, une enquête de la Banque centrale européenne (BCE) révèle que quatre PME françaises sur cinq ont obtenu les crédits demandés, au second semestre 2011. De quoi conforter les dirigeants de petites sociétés qui ont pour premier réflexe de se tourner vers leur banquier, lorsqu’ils ont besoin d’argent frais.
Voici les différentes possibilités évoquées dans cet article : les banques, les business angels, les fonds d'investissement, la cotation en Bourse et le crowdfunding. Et retrouvez le témoignage de Bertrand Milletre, directeur général d’Elixirs & Co, société introduite en Bourse en 2011.
Créer des liens avec son banquier
Mais avant toute chose, Pierre Bocquet, directeur du département banque de détail et banque à distance de la Fédération bancaire française (FBF), souligne qu’« il est important d’avoir un échange régulier avec son banquier sur la situation et les projets de l’entreprise, ses besoins, voire ses difficultés, afin d’instaurer une relation de confiance ». Autrement dit, n’attendez pas de creuser votre trésorerie et de vous retrouver en déficit pour frapper à la porte de votre banquier.
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Sur un projet nécessitant un emprunt, les banquiers aiment connaître le moindre détail afin d’évaluer le risque : « Le dirigeant d’une PME doit pouvoir expliquer le contexte de son marché, son environnement concurrentiel, ce qu’il compte faire des fonds, avec quelle organisation, quelles ressources humaines et techniques. Il doit aussi préciser quels sont les résultats escomptés et à quelle échéance », détaille Pierre Bocquet (FBF).
Mieux vaut ne rien laisser au hasard et prévoir l’état de la trésorerie au mois le mois. La FBF conseille de constituer un plan de financement : déterminer le coût total de l’investissement et le calendrier des dépenses, sans oublier l’incidence de la TVA et le coût de l’emprunt. Le compte de résultat prévisionnel va, quant à lui, donner une projection du résultat annuel de l’entreprise sur trois à cinq ans. Il permettra de calculer le montant à consacrer au remboursement du futur crédit et la durée du prêt. « Le chef d’entreprise doit fournir les éléments concernant son chiffre d’affaires, ses charges d’exploitation et l’évolution de son entreprise », insiste Pierre Bocquet (FBF).
N’hésitez pas à vous faire aider par votre expert-comptable pour constituer votre dossier. Par ailleurs, les courtiers (souvent d’anciens banquiers) se positionnent comme intermédiaires dans la négociation d’un prêt et se rémunèrent au pourcentage des sommes glanées. « Nous sommes là pour négocier le taux d’intérêt et les garanties réclamées par la banque », précise Benjamin Ribano, directeur de la société de courtage Le Crédit de l’entrepreneur.
Car il faut bien sûr montrer patte blanche et la banque peut réclamer, notamment, un nantissement (équivalent d’une hypothèque) sur un bien, par exemple un bâtiment. Elle peut aussi demander au dirigeant des garanties sur ses biens propres, comme son patrimoine.
Des “anges” au bras long
Autre possibilité : les business angels. Ces “bienfaiteurs du business” ne sont autres que des personnes physiques que vous pouvez solliciter afin de financer votre entreprise, généralement à la création d’une nouvelle activité (par exemple si vous constituez une filiale), lorsque le niveau de risque est encore élevé et le besoin de conseil fort. « Le business angel s’engage non seulement à financer la PME, mais aussi à accompagner le dirigeant par du conseil et un suivi de la vie de l’entreprise », résume Philippe Gluntz, président de France Angels, fédération qui regroupe 85 réseaux de business angels à travers la France.
Les business angels peuvent vous ouvrir leur carnet d’adresses et vous faire profiter de leur expérience afin d’optimiser votre activité. En contrepartie, ils s’invitent dans votre capital et prennent une participation minoritaire, généralement autour de 10 à 15 %. Si les investisseurs privés peuvent intervenir individuellement, ils sont le plus souvent organisés en réseaux, lesquels permettent de lever des fonds d’un montant moyen de 300 000 à 500 000 euros lors du premier tour de table. Lors d’une seconde levée, le financement peut dépasser le million d’euros. Par ailleurs, les business angels sont de plus en plus regroupés par thématique au sein de réseaux. Il en existe ainsi des dédiés au développement économique des banlieues, d’autres au secteur du développement durable ou des nouvelles technologies… sans compter ceux issus d’associations d’anciens élèves, à l’instar d’Arts et Métiers Business Angels.
Pour profiter de l’expérience de ces bienfaiteurs et réussir votre levée de fonds, il faut avant tout être convaincant et faire preuve de motivation. « Les business angels rêvent tous de découvrir le prochain Google, la pépite », sourit Philippe Gluntz (France Angels). Autrement dit LE projet qui va révolutionner son secteur, se différencier de l’existant, et qui sera porteur de croissance.
« La propension du porteur de projet à se projeter, à fournir un business plan détaillé, à anticiper l’évolution de son entreprise est capitale, de même que son ouverture aux conseils d’autrui », souligne Philippe Gluntz. Car le business angel va s’inviter au conseil d’administration de l’entreprise et prendre part aux décisions stratégiques. Pour border cette relation, vous serez amené à signer un pacte d’actionnaires. Lequel rappelle le projet et le business plan, définit le rôle de chacun des actionnaires dans la gouvernance de l’entreprise, et prévoit leur sortie du capital. « Le pacte d’actionnaires évolue avec le temps, s’il y a un nouveau tour de table par exemple », souligne le président de France Angels. Certains business angels restent parfois jusqu’à neuf ans au capital d’une PME, la moyenne se situant plutôt autour de cinq années. L’idéal, au final, étant que le porteur de projet rachète lui-même les actions pour voler de ses propres ailes.
Le private equity, un fonds d’investissement pour vos projets
Le capital-investissement, ou private equity, est un levier de financement des entreprises, quelle que soit leur maturité (démarrage, développement ou cession/transmission) qui se caractérise par la prise de participation au capital de la part de l’investisseur, dans une PME généralement non cotée. Traditionnellement, on parle de capital-risque pour le financement des entreprises naissantes, puis de capital-développement et de capital-transmission (ou buy-out).
Selon l’Association française des investisseurs en capital (Afic), au premier semestre 2011, plus de la moitié des investissements ont porté sur des PME de moins de 100 salariés et réalisant jusqu’à 20 millions d’euros de chiffre d’affaires. Quant aux secteurs les plus concernés, il s’agit des biens de consommation, des services, du transport ou encore de l’informatique. La fourchette de fonds débloqués démarre à 500 000 euros pour le capital-risque et peut atteindre plusieurs millions, selon les investisseurs et les “véhicules” utilisés.
Car les sociétés d’investissement se basent toutes sur des outils, qu’il s’agisse par exemple de fonds commun de placement à risque (FCPR), de fonds commun de placement dans l’innovation (FCPI) ou de fonds d’investissement de proximité (FIP). Lesquels dispositifs permettent aux investisseurs de diversifier leurs placements et de bénéficier de la défiscalisation de leurs revenus (impôt sur le revenu ou sur la fortune). Sans surprise, « les projets qui prétendent à un financement doivent être à la fois innovants et ambitieux », résume Arnaud Leclercq, responsable capital développement du fonds belge Gimv.
Ouvrir sa gouvernance
L’ambition se traduit, comme pour toute levée de fonds, par un business plan détaillé, faisant état de l’évolution de la société dans les cinq ans à venir et présentant ses chances de succès. « Nous sommes très attentifs à l’équipe dirigeante, son parcours, ses compétences, la complémentarité des membres et sa propension au succès », ajoute Arnaud Leclercq (Gimv).
Comme dans le cas des business angels, les fonds d’investissement prennent une participation au capital de la PME. « Nous demandons à avoir un poste au conseil d’administration ou au conseil de surveillance », précise Anne Caron, directrice chez Gimv. Ce qui implique d’ailleurs que la PME bénéficiaire soit une SA ou une SAS. Le pacte d’actionnaires règle, là encore, les questions de gouvernance et de sortie du capital et, classiquement, le fonds d’investissement aura son mot à dire sur toutes les décisions financières de l’entreprise mais aussi managériales, en cas de recrutement par exemple.
Enfin, le private equity permet des levées de fonds successives, auprès des mêmes investisseurs ou d’autres. Ce fut le cas de Youkado, PME nordiste conceptrice de coffrets-cadeaux créée en 2009, qui a effectué son second tour de table en 2012. « Nous avons levé 1,5 million d’euros en mars lors d’un second tour de table où nous avons notamment accueilli les fonds d’investissement Finorpa et Zarifi, explique Philippe Desprets, cofondateur de Youkado. Les investisseurs ont été très attentifs au parcours réalisé par l’entreprise en trois ans et au respect du business plan. Par ailleurs, le fait que les investisseurs de départ continuent à nous soutenir a également été un argument décisif. »
La cotation en Bourse, une démarche accessible aux PME
Vous pensiez la Bourse réservée aux grosses sociétés ? Ce n’est pas le cas, puisque les PME peuvent, elles aussi, émettre des titres échangeables sur un marché boursier. « Les investisseurs privés se tournent vers les PME cotées afin de participer au développement de l’économie de leur pays, tout en ayant l’opportunité de défiscaliser leurs revenus », explique Arnaud Filhol, conseil en capital investissement chez Arkeon Finance, entreprise d’investissement qui se charge, entre autres, de l’introduction en Bourse des PME-PMI.
Compte tenu de leur taille, les PME s’introduisent en Bourse via le marché libre, avec Nyse Euronext et Nyse Alternext. Sur ce dernier marché, la levée de fonds minimum est de 2,5 millions d’euros.
Créée en 2007, la bourse Alternativa, offre, pour sa part, l’intérêt de permettre la levée de sommes comprises entre 200 000 et 2,5 millions d’euros, avec les avantages procurés par la Bourse. « Contrairement à une levée de fonds via le private equity, l’introduction sur Alternativa ne nécessite pas la création d’un pacte d’actionnaires entre les investisseurs et la PME cotée », explique Pierre Lasserre, président d’Alternativa. Il est également possible de lever des fonds au fil de l’eau, en émettant des titres supplémentaires, année après année. Les levées de fonds moyennes sur Alternativa se situent d’ailleurs entre 400 000 et 500 000 euros.
Être transparent
La Bourse apprécie les entreprises de croissance, ayant toutefois atteint l’équilibre financier ou étant en passe de l’atteindre. « Une PME souhaitant s’introduire en Bourse doit être porteuse d’un vrai projet de développement et réaliser au moins 200 000 euros de chiffre d’affaires », ajoute Pierre Lasserre.
Avant et après sa cotation, la PME doit, en outre, faire preuve d’une grande transparence et fournir ses informations financières détaillées aux investisseurs réels ou potentiels. Pour une introduction sur Alternext, une PME doit ainsi réaliser un prospectus d’introduction, document pouvant atteindre plus d’une centaine de pages et qui récapitule les caractéristiques de l’entreprise, son fonctionnement, ses comptes, son patrimoine, ses risques, les modalités de souscription à son capital, etc. S’introduire en Bourse nécessite donc un certain budget : il faut, en effet, recourir à des prestataires pour la rédaction du prospectus réclamé par Alternext (mais pas par Alternativa), également pour évaluer la valeur de l’entreprise et de ses actions, puis payer quelques frais annexes. Ce qui revient à un minimum de 20 000 euros de budget pour pouvoir être coté.
ZOOM : Le crowdfunding : quand les ruisseaux créent de grands fleuves |
Petit nouveau dans l’univers du financement des entreprises, le crowdfunding, littéralement le “financement par la foule”, permet à des particuliers, qui apprécient une idée ou un projet, de mettre la main au porte-monnaie afin de le voir se concrétiser. Internet est le vecteur de ce nouveau type de financement, qui concerne surtout des entreprises naissantes et des sommes modestes atteignant rarement plus de 100 000 euros. Les investisseurs attendent un retour sur investissement auprès du porteur de projet. Des sites comme Wiseed.fr et SmartAngels.fr organisent et sécurisent la démarche et mettent en relations entreprises et investisseurs. Enfin, pensez au crowdlending, cousin éloigné du crowdfunding. Le principe ? Ce système permet de souscrire un prêt auprès de particuliers, via une plateforme web. C’est ce que propose par exemple Friendsclear.com. |
Le témoigne de Bertrand Milletre, directeur général d’Elixirs & Co : « Une introduction en Bourse nous laisse l’entière gouvernance et permet des levées de fonds successives » | |
En 2011, le fabricant et distributeur de parfums et cosmétiques Elixirs & Co souhaite s’ouvrir à l’international et muscler sa politique commerciale, en embauchant notamment six salariés. La PME familiale opte alors pour la cotation en Bourse auprès d’Alternativa et ouvre 15 % de son capital. « Nous avons choisi la Bourse parce que ce levier nous laisse l’entière gouvernance de notre société et qu’il permet des levées de fonds successives », explique Bertrand Milletre, le directeur général. La PME a dû cependant modifier ses statuts et passer de SARL à SA, afin de se conformer aux critères de la Bourse, puis faire appel à un commissaire aux comptes et à un commissaire aux apports, des formalités auxquelles elle n’était pas habituée. La cotation permet à Elixirs & Co de lever 500 000 euros en 2011, mais elle lui apporte aussi des contacts : « Nos actionnaires sont des personnes physiques et certains, pharmaciens ou scientifiques, ont pris contact avec nous. Ils ont visité nos points de vente, nous ont fait part de réflexions constructives et enrichissantes, ce qui était inattendu et motivant », s’enthousiasme le dirigeant. | |
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