Vos vêtements sont estampillés " made in France " . C'est un impératif pour vous ?
70 % de mes produits sont fabriqués en France. Au fil des années, j'ai construit un vrai réseau de partenaires. Cela n'a pas toujours été facile et nous nous sommes serrés les coudes : il faut faire face aux charges, aux difficultés de l'entrepreneuriat, mais nous avons trouvé une manière de travailler ensemble. Il est important de soigner l'écoute, le partage, la communication : que cela aille, ou non, il faut le dire.
Pourquoi ne pas atteindre 100 % de fabrication française ?
C'est une question de métier. Par exemple, il n'y a plus de tricoteurs en France : je fais donc appel à des compétences en Italie. Il y a 10 ans, il y avait encore un tricoteur à Roanne, mais il a fermé. Le manque de soutien envers les plus petits fabricants est un vrai problème dans notre pays. Si l'Italie est capable de le faire, pourquoi pas nous ? Il faut arrêter de dévaloriser les travaux manuels.
En 24 ans, votre regard sur l'entrepreneuriat a-t-il changé ?
Il y a des bases d'entrepreneuriat qui, malgré les générations, demeurent : la volonté, le désir, l'envie de créer, la singularité, la persévérance. D'autres choses ont changé et elles concernent notamment la perte de savoir-faire. Où est la transmission ? Si les anciens n'enseignent pas aux jeunes, tout s'arrêtera complètement. Or, c'est le rôle de grandes maisons, de celles issues de groupes qui ont les moyens, de montrer l'exemple, de continuer à faire vivre le savoir-faire français, de faire perdurer nos traditions.
Vous vous êtes aussi engagée dans le respect de l'environnement. De quelle manière ?
Paul & Joe fait partie des signataires du " fashion pact ", qui réunit 32 marques prêtes à des efforts en faveur de l'environnement. En interne, nous avons banni le plastique et nous veillons à ce que nos fabricants soient vigilants en termes de bilan carbone ou de gestion des déchets.
Et concernant la lutte contre le gaspillage textile ?
Nous utilisons du cachemire recyclé dans nos collections, ou des fibres de plastique pour certaines pièces. Malheureusement, notre secteur souffre d'une grave incohérence : les tissus recyclés coûtent plus cher que les autres tissus. Ce n'est pas normal ! Il devrait y avoir une aide gouvernementale destinée aux fabricants pour les aider à proposer du recyclé sans surcharge pour les clients. Les produits eco-friendly doivent être plus accessibles et plus attractifs, et pour que la menace s'arrête, il faut freiner cette surproduction, née de la surconsommation. L'entrepreneur a un rôle à jouer dans cette bataille...
Portrait en questions de Sophie Mechaly
Votre principale source d'inspiration ?
Les rues de Paris.
Si vous deviez explorer un autre métier ?
Chanteuse.
Votre meilleur souvenir professionnel ?
Un tournage de Woody Allen, pour le film Match Point , dans notre boutique de Londres.
Ce que vous recherchez le plus chez vos collaborateurs ?
La passion.
Le manager que vous êtes ?
Ferme et chaleureuse.
L'entreprise que vous auriez voulu inventer ?
Apple.
Une citation que vous aimez vous répéter ?
" Qui ne tente rien n'a rien ", que me répétait souvent ma mère, Nicole Haggiag.
Un entrepreneur que vous admirez ?
Ilham Khadri, à la tête de Solvay, le géant belge de la chimie.
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