A l'inverse, les entreprises qui innovent "à tous les étages", cherchent des idées, alignent les tests, les PoC, occupent les équipes, sans parfois réellement sortir de nouvelles offres, sans se transformer, ni elle ni sa gamme au contact des innovations des start-up et d'autres acteurs.
Aller de l'idée au PoC...
C'est une volonté récurrente : "on veut passer plus vite de l'idée au PoC"... Qui oeuvrant près de l'innovation n'a jamais entendu cette proposition ?
La plupart du temps, l'accélération du process d'innovation se fait au détriment du "cconcept". Pourtant, il faut prendre le temps pour poser ce concept, le créer : en fait, donner une définition, le catégoriser.
Les idées sont brutes, émanent d'un besoin, d'une sensation, d'un rêve... Éventuellement, elles portent les prémices d'un concept, mais sont-ce de bonnes idées ? Quelle existence tangible doit-on leur donner ? Par exemple, à l'idée d'un objet pour s'asseoir, on a le concept le plus simple d'une sellette à 3 pieds, le tabouret. Mais lui fait écho celui du fauteuil Louis XVI (quatre pieds, un dossier, des repose-bras, le tout sculpté et tapissé, etc.).
Cet exemple simpliste est transposable aux idées qui arrivent dans les portefeuilles des responsables innovation.
Sans ce raffinement intellectuel, comment concevoir, comment mener une preuve de concept tant technique que de marché ? L'utilisation, par exemple, de la méthode C-K, permet de faire émerger des concepts du plus farfelu au plus clair.
D'un autre côté, les méthodes de prototypage rapide type design sprint, dont les premières étapes sont d'ailleurs de comprendre et de dessiner, aident à raffiner ces intuitions.
Sans prise en compte des facteurs clés de succès, d'adoption, inhérents à un concept, et appairés aux idées, on arrive à faire avancer dans les process projets des absurdités qui ne respectent ni la culture de l'entreprise, ni la faisabilité, ni les usages et besoins clients. Surtout, on se permet de commettre des innovations qui ne sont pas dans l'esprit de la structure porteuse !
Ces idées doivent être affinées et précisées, devenir des concepts qui seront testés à de plus en plus grande échelle. Sans définition claire, ni choix entre plusieurs concepts, aux facteurs clés de succès ou d'adoption connus, respectant un cadrage contextuel, la preuve de concept reposera souvent sur un concept, creux...
On doit se focaliser sur l'innovation de rupture.
Principe à abandonner d'urgence ! Ceci pour 3 raisons :
La première est simple : que ferais-je d'une innovation de rupture dans mon organisation actuelle ? Le cas du spécialiste du photocopieur inventant l'impression jets d'encre est proverbial : sa structure de vente orientée " grands comptes " s'est retrouvée comme " une poule devant un couteau ".
Comment se transformer, que "pitcher" à mes salariés, à mes actionnaires ? Comment leur vendre un risque pris alors que l'entreprise est rentable ? Vont-ils accepter ? Pas sûr... Il y a de forte chance que l'innovation de rupture soit morte-née.
Une seconde raison est une question de définition... Tout le monde ne met pas la même définition à innovation de rupture : pour certains, c'est un nouveau produit proposant un saut générationnel, pour d'autres, c'est un produit qui remplace tous les autres, sorte de "juge de paix" du segment. Les plus savants adoptent la définition de Clayton Christen de la disruptive innovation. De quoi parle-ton ?
La troisième est une raison tactique, de communication : annoncer la rupture est une des meilleures manières de supprimer l'effet de surprise et de se défaire de l'avantage compétitif de sortir du bois le premier... Se couper du "One more thing", où là, on attendait (souvent) de véritables ruptures !
Alors, ne parlons pas d'innovation de rupture tant que nous n'en tenons pas une dans nos lignes... Prête à être déployée de façon fine avec une structure annexe à celle de votre entreprise, pour d'autres clients, avec d'autres équipes, mais bien comprise par vos actionnaires !
Pour en savoir plus
Sylvain Poisson, dirige le département stratégie et management de l'innovation d'Ayming en accompagnant les grands groupes et les entreprises soucieuses d'améliorer la performance de leur innovation, de l'idée et de la R&D au marché, de la stratégie à l'opérationnel.
Tribune rédigée " à 10 mains " par une partie du département stratégie et management de l'innovation d'Ayming : Gwénaëlle Gilbert, ingénieure-docteur, manager ; Cécilia Tatu, ingénieur et diplômée de l'EM Lyon, consultante ; Laëtitia Prioux, diplômée de Skema, consultante ; Guillaume Lamarque, PhD., Senior Manager ; et dirigée Sylvain Poisson, Essec, directeur du département.
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