Communication et IA : pacte faustien ou nouvelle ère ?

L'essor fulgurant de l'intelligence artificielle bouleverse les métiers de la communication. Entre productivité décuplée et risque d'uniformisation, comment préserver authenticité et émotion à l'ère de l'IA ? Décryptage.
Je m'abonneL'intelligence artificielle (IA) a parcouru un long chemin depuis les premières expérimentations sur les réseaux de neurones dans les années 1940. Aujourd'hui, les modèles de langage repoussent les frontières de la compréhension humaine, accélérant une transformation profonde de nos modes de communication.
L'essor de l'IA générative auprès du grand public, notamment ces dernières années, a bouleversé notre rapport au langage et à l'information. Son évolution, plus rapide que toute autre innovation technologique passée, suscite à la fois fascination et vertige existentiel. Jamais le pouvoir des mots et leur influence n'avaient autant interrogé les métiers de la communication.
Dans ce contexte, il est essentiel d'adopter un regard lucide. Sans prétendre anticiper l'imprévisible, il convient de s'attarder sur deux valeurs fondamentales du métier : l'authenticité et l'émotion.
2025 : Un paysage en pleine mutation
L'année 2025 marque un tournant décisif dans le développement de l'IA. Tandis qu'Apple s'apprête à lancer Apple Intelligence, conçu pour s'intégrer naturellement à nos usages quotidiens, l'arrivée inattendue de DeepSeek-V3 bouleverse la donne en rivalisant frontalement avec ChatGPT.
Les géants technologiques redoublent d'efforts pour imposer leurs solutions d'IA générative, redéfinissant en profondeur notre manière de travailler. Selon Gartner, d'ici 2026, plus de 100 millions de personnes collaboreront quotidiennement avec des IA. Face à cette accélération, une question se pose : comment maintenir une communication authentique dans un univers où l'IA produit, modifie et diffuse du contenu en quelques secondes ?
Mettre l'humain au coeur de la communication
L'IA sait tout faire : rédiger un texte, personnaliser un avatar, créer des vidéos... utilisée à bon escient, elle devient un allié précieux. Les générateurs de texte comme ChatGPT (OpenAI), Gemini (Google) ou Copilot (Microsoft) produisent en un instant des contenus clairs et structurés, tout en assurant correction grammaticale et syntaxique.
Pourtant, une étude de Freshworks rappelle que l'IA ne doit pas être une finalité, mais un levier pour sublimer l'expérience humaine. Elle doit servir l'innovation et la créativité sans dénaturer ce qui fait la richesse des interactions humaines : l'émotion et l'authenticité.
L'enjeu de la saturation : capter l'attention
Dans cet univers où l'IA accélère et amplifie la production de contenus, la surcharge d'informations atteint un niveau inédit, notamment sur les réseaux sociaux. Se démarquer devient un défi majeur. Il ne suffit plus d'informer, il faut émouvoir.
Qu'il s'agisse d'un article de fond ou d'une vidéo où des collaborateurs s'expriment avec spontanéité, la capacité à créer un lien émotionnel avec l'audience est plus que jamais un facteur clé d'engagement.
L'intelligence émotionnelle, rempart contre l'uniformisation
L'ambition ultime des acteurs majeurs de l'IA, tels qu'OpenAI, est la création d'une Intelligence Artificielle Générale (AGI), capable de surpasser l'intelligence humaine. Aujourd'hui, l'IA sait simuler des émotions pour améliorer ses interactions avec les humains, mais elle reste incapable de ressentir.
Préserver l'authenticité dans la communication
Prenons l'exemple des Entreprises de Services Numériques (ESN), qui évoluent dans un secteur ultra-concurrentiel où la communication est essentielle pour se différencier. Les contenus vidéo sur LinkedIn sont devenus un levier incontournable pour recruter et valoriser leur culture d'entreprise. Ils permettent non seulement de clarifier des concepts IT complexes, mais surtout de créer un lien émotionnel fort avec leur audience.
Mais l'essor des avatars IA et des vidéos générées artificiellement pose une question cruciale : à quel prix ?
Aussi performants soient-ils, ces outils peuvent uniformiser la communication et nuire à l'authenticité des messages.
Un post spontané d'un dirigeant partageant ses réflexions ou une vidéo de collaborateurs témoignant sans script ni mise en scène ont bien plus d'impact qu'un contenu trop lisse et formaté. Les messages authentiques génèrent jusqu'à 10 fois plus d'engagement que des communications trop artificielles ou trop « corporate ».
Dans ce nouvel âge de l'IA, communicants et journalistes ont un rôle clé à jouer : préserver l'intégrité de l'information et garantir des contenus sincères et pertinents. Un défi d'autant plus crucial à l'heure où Meta (Facebook, Instagram, WhatsApp) met fin à son programme de fact-checking aux États-Unis, adoptant une politique plus laxiste sur la vérification des contenus.
Un vertige nécessaire
Alors, serons-nous capables d'intégrer l'IA sans perdre notre âme ? Jean-Paul Sartre écrivait : « L'homme est condamné à être libre. » Autrement dit, il nous appartient de choisir comment nous utilisons ces outils.
L'IA est une avancée majeure, mais la véritable révolution ne réside pas dans ses capacités, aussi impressionnantes soient-elles, mais dans ce que nous déciderons d'en faire.
Si elle peut optimiser nos efforts, elle ne doit pas nous priver de l'essence même de notre métier : créer du lien humain, émouvoir et captiver. L'avenir de la communication se jouera dans un équilibre subtil entre intelligence artificielle et humaine.
À nous de faire en sorte que cette révolution technologique ne devienne pas une simple standardisation des émotions, mais une opportunité de renforcer notre créativité et notre singularité.
N'en déplaise à Sam Altman !
Cyril Carretero est Directeur Marketing et Communication de HN Services depuis décembre 2023. Avec plus de 20 ans d'expérience dans les ESN, il pilote la notoriété et l'attractivité de l'entreprise.
Diplômé de NEOMA Business School, il a occupé des postes clés en marketing et communication chez Steria, SCC, Gfi Informatique et Umanis, avant de rejoindre HN Services.
Lire aussi : L' innovation va-t-elle trop loin ?