L'open innovation, quand création rime avec collaboration
Théorisée au début des années 2000, l'Open innovation n'est plus l'apanage des grands groupes. Les PME se l'approprient et créent, elles aussi, de façon collaborative, en intégrant des partenaires extérieurs à l'entreprise. Les atouts de la démarche : des process accélérés et des produits ou services en adéquation avec la demande... sous réserve toutefois de bien se protéger en amont.
Je m'abonneEn mai 2013, Omendo, spécialiste de la formation et de l'ingénierie pédagogique, lance sa plateforme d'apprentissage en images destinée aux entreprises artisanales. Si l'outil en soi est déjà innovant, sa démarche de création l'est encore plus. En effet, pour le concevoir, l'entreprise de 22 salariés s'est associée à six partenaires : une société de développement informatique, deux laboratoires de recherche publique, deux artisans et un organisme de formation. Et a ainsi rejoint les quelque 23 % de PME et ETI françaises (1) à s'être engagées dans l'Open innovation.
Encore peu compréhensible pour 80 % des PME (1) , ce concept consiste à ne pas faire de son bureau R&D le seul acteur de l'innovation. Au contraire, les autres départements de l'entreprise, tout autant que les clients, les sous-traitants, les laboratoires de recherche, les grandes écoles, voire le grand public, deviennent ainsi des partenaires à part entière pour concevoir des produits, services ou procédures internes inédits ou pour améliorer l'existant. "En s'ouvrant à un regard extérieur, le chef d'entreprise oriente, tout de suite, sa recherche d'idées vers un objectif très opérationnel", souligne Virginie Corvellec, dirigeante de Mandarine Codi, cabinet d'accompagnement de TPE et PME dans leurs projets d'innovation.
Des innovations adaptées au marché
En sollicitant ses partenaires sur leurs besoins, leurs envies ou leurs manques, l'entreprise s'assure des débouchés commerciaux de son innovation. "L'objectif est d'accélérer la mise sur le marché des produits développés ainsi que la durée d'acceptation de ces derniers par les consommateurs", ajoute Jean Renard, directeur Europe du sud de Mindjet, éditeur de logiciels d'innovation participative. Et l'argument est de taille dans un marché où le time to market est toujours plus serré et la vie des produits de plus en plus courte. "Face à ce besoin incessant de nouveaux produits, l'Open innovation permet également aux PME de porter des projets ambitieux pour lesquels elles ne disposent pas des ressources humaines et financières suffisantes", estime Virginie Corvellec.
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Mais pour être couronnée de succès, encore faut-il que l'opération soit bien définie en amont. Une fois l'objectif déterminé - brevet, licence, dessin, etc. - et les partenaires identifiés, l'entreprise doit déployer les outils nécessaires à l'échange et à la collecte d'idées : jeux-concours, plateforme collaborative, réunions ou encore brainstorming. Il ne lui reste alors plus qu'à délimiter les modalités de la conduite de projet. Du calendrier au chiffrage en passant par les aspects juridiques de propriété intellectuelle et industrielle, rien ne doit être laissé au hasard. "Il faut construire un cadre contractuel pour éviter tout risque d'enlisement ou de conflit au sein du partenariat, alerte Marc Levieils, directeur du cabinet de conseil en propriété intellectuelle Regimbeau. Les ressources humaines, technologiques et temporelles, ainsi que les résultats à atteindre, sont à clarifier a priori."
Il conseille donc à chaque organisme de dresser l'inventaire des marques, brevets et savoir-faire possédés. Ces informations serviront de base aux accords de confidentialité les plus à même de protéger les partenaires du projet. "L'idée, insiste Marc Levieils, est d'assurer à chacun un retour sur investissement."
(1) Étude réalisée par Manutan et le cabinet Bluenove en mai 2014.
Témoignage
"Les produits sont plus adaptés aux demandes et aux usages"
Paul Malignac, directeur général d'Espace Loggia Expansion
Depuis décembre 2013, Espace Loggia, concepteur et fabricant de mobilier "gain de place", édite des meubles en open source et propose aux internautes de télécharger leurs plans gratuitement sur son site internet. Six produits sont déjà disponibles - table, banc, chaise, miroir, tabouret, mange debout - et la liste devrait continuer à s'allonger. "Nous misons sur le potentiel créatif de la communauté, détaille Paul Malignac, le directeur général. La finalité de l'open source est d'améliorer notre offre, de la rendre plus adaptée aux demandes et aux usages."
Les internautes font part de leurs préconisations par e-mail et une plateforme en ligne sera bientôt mise en place pour faciliter ces échanges. Positionné sur des meubles haut de gamme, Espace Loggia ne craint pas la concurrence, car sa valeur ajoutée ne réside pas dans le plan, mais dans sa capacité à le mettre en oeuvre. La PME mise sur ses atouts traditionnels : la personnalisation, le service, la rapidité de fabrication, la garantie ou encore la qualité des matériaux. En cette rentrée, elle consolide sa démarche et propose aux étudiants de l'École nationale supérieure de création industrielle (ENSCI) un projet de création de meuble spécifiquement pour l'open source. Elle sera également, pour les quatre prochains mois, incubée par le Numa. Son objectif : "Donner un coup de boost au projet, indique Paul Malignac. Et réfléchir à son articulation avec l'activité traditionnelle de l'entreprise et, notamment, son insertion dans les processus industriels."
Repères
Espace Loggia Expansion
Activité : Fabrication et distribution de meubles "gain de place"
Ville : Paris (VIIe)
Forme juridique : SAS
Dirigeants : Paul, Laurence et Philippe Malignac (38, 72 et 70 ans)
Année de reprise : 1992
Effectif 2013 : 41 salariés et 3 apprentis
CA 2013 : 6,9 M€