Benoît Thieulin : "Le numérique est un facteur immense de productivité pour les PME"
Emmanuel Macron planche sur le deuxième volet de sa loi, consacré, cette fois, au numérique. Selon vous, quels devraient en être les grandes lignes ?
Il nous faut déverrouiller les blocages, notamment juridiques. Déjà, je l'ai dit, en créant un statut unifié, au niveau européen, des JEI. Et le compléter par un élargissement, sur notre territoire, des dispositifs du crédit impôt recherche (CIR) ou des initiatives telles que celles de la Génération Entrepreneurs Investisseurs (GEI).
D'autre part, les mentalités sur ce que recouvre l'innovation doivent changer. Pendant trop longtemps, ce terme était l'apanage de la R&D et du high-tech. Et pourtant, Blablacar a innové, non pas en concevant de nouvelles voitures, mais avec un type de service et un modèle d'affaires disruptifs. Idem pour les géants du numérique, Facebook et twitter en tête. La loi devra donc proposer de nouveaux critères d'évaluation de l'innovation.
La loi Macron 2 devra aussi s'attaquer aux enjeux de financement. Car les start-ups qui, pour se développer, lèvent des fonds outre-Atlantique sont trop nombreuses. D'autant que là encore, la situation est totalement absurde. Car cet argent est souvent celui épargné par les Européens et investis dans des fonds américains ! Pourquoi une telle incongruité ? Car nous n'avons pas de Nasdaq européen, mais également car il nous manque cruellement d'analystes capables d'opérer de telles levées de fonds. C'est de ce genre de profils et de compétences dont a besoin l'Europe. Et nous devons donner un signal fort en ce sens.
Et enfin, cette loi, portée par un discours fort, devra rassurer sur les orientations stratégiques de nos politiques, et prouver que nous faisons le choix de l'innovation et de la technologie. Certes, c'est mieux qu'il y a dix ans, mais je voudrais qu'on aille encore plus loin. Comme en Israël où les professeurs vont dans les lycées pour les encourager à s'orienter vers les filières technologiques et scientifiques.
Que diriez-vous aux nombreux chefs d'entreprises qui voient dans la transformation numérique non pas un vecteur de croissance, mais plutôt une source d'érosion fiscale et de concurrence déloyale ?
L'érosion fiscale, c'est vrai, mais ce n'est pas né avec le numérique. En tant que dirigeant de PME, je paye 33 % d'impôt sur les sociétés alors que n'importe quelle grande entreprise française est en moyenne autour de 12%. L'optimisation fiscale est un mal européen et même mondial dans les pays développés. Le numérique le fait de manière plus visible et absurde car il capte une grande partie de l'économie contributive des Européens, véritable eldorado du numérique.
"Une PME dispose de moyens marketing équivalents à ceux d'un grand groupe"
Quant aux concurrences déloyales, il ne faut pas que l'arbre cache la forêt. Et certes, quelques géants captent une partie de la valeur, mais cette digitalisation de pans entiers de notre économie constitue surtout un facteur immense de productivité. J'en suis un exemple vivant. J'ai aujourd'hui un système d'information pour gérer ma comptabilité, mes RH, ma communication interne, pour faire une publicité ciblée. Soit des moyens marketing équivalents à ceux d'un grand groupe ! D'autant que les frontières commerciales ont explosé. Un dirigeant de PME peut, en quelques clics, vendre ses produits à Tokyo avec de la publicité ciblée, traduite en Japonais alors qu'il n'en parle pas un mot.
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