Agritech, mobilité, RGPD, blockchain... regard croisé entre France et Silicon Valley
Mobilité
Une différence notable : les États-Unis sont davantage intéressés par les voitures autonomes et la France par les véhicules électriques. Pas forcément une alternative plus écologique, dans la mesure où produire les batteries consomme du CO2, ni plus pratique, vu le très faible nombre de stations de recharge pour l'heure existantes.
"La grande limite du véhicule électrique à hydrogène, ce sont les infrastructures", observe Pascal Mauberger, dirigeant de McPhy, fournisseur de solutions de production et stockage d'hydrogène. Les stations sont en nombre limité et réparties, au niveau mondial, environ à égalité entre le Japon et la Corée, l'Europe (Allemagne, Scandinavie, France...) et la Californie.
Un état qui a d'ailleurs vraiment une longueur d'avance. Le développement des véhicules propres a été boosté par un programme dit ZEV (zero emission vehicle). Par ailleurs, les autorisations ayant été obtenues, les véhicules totalement autonomes (sans aucune intervention humaine) devraient pouvoir y rouler à partir du mois d'avril 2018.
La question du financement apparaît cruciale. "L'argent public va rentrer en ligne de compte", affirme Pascal Mauberger. Et l'expert de pointer, en la matière, les différences entre les pays. La Californie a financé grâce au ZEV une centaine de stations. L'Europe s'appuie sur des subventions européennes et locales. Quant au Japon, il s'inscrit dans une logique de partenariat public/privé.
Début mars 2018, un consortium unissant Air Liquide et des entreprises japonaises s'est ainsi positionné, dans ce pays, pour développer les voitures à hydrogène. L'objectif affirmé au plan national est d'atteindre 900 stations à horizon 2030. Par comparaison, la France dispose actuellement d'une vingtaine de stations. "On attend des annonces pour que ce nombre soit porté à 500 ou 600 vers 2030", ajoute le spécialiste.
Sécurité
Aux États-Unis, c'est la problématique de la "privacy" (vie privée) qui ressort. La France elle, craint les "hackers". Soit "deux sensibilités, entre le fait de se protéger [d'une part], et de se faire attaquer [de l'autre]", analyse Freddy Mini. Une différence de perception -là encore- que les entrepreneurs seraient bien inspirés de prendre en compte pour adapter leur communication à la zone qu'ils visent.
Reste qu'en Europe, le prochain grand défi est celui imposé par le RGPD, dès le 25 mai 2018. A savoir, pour les entreprises, la nécessité de mieux répertorier et gérer les données personnelles qu'elles détiennent (clients, consommateurs, utilisateurs...) pour se mettre en conformité avec de nouveaux standards européens.
"Je crains que cela ne se retourne contre nous, car les Américains pourraient bien transformer cette contrainte en opportunité plus vite que nous", s'interroge Yann Lechelle, dirigeant de Snips, start-up spécialisée dans les assistants vocaux qui se veulent respectueux de la vie privée. Ce qui se dessine, en effet, c'est la question de la souveraineté, au vu de la puissance financière et du poids des GAFAM.
Les experts livrent leur point de vue lors de la matinée consacrée aux tendances de demain chez Bpifrance, jeudi 15 mars 2018 à Paris.
Blockchain
Sur ce sujet, l'analyse de Netvibes a révélé une approche technique des Américains (crypto, bitcoin, blockchain...) et un focus des Français autour de l'argent -et de sa potentielle utilisation criminelle-, notamment du bitcoin.
Le sujet prégnant ? L'ICO (les investissements dans les technologies blockchain se mesurent en partie à travers les levées de fonds par ICO). A l'instar de la messagerie cryptée Telegram (850 millions de dollars levés en prévente, soit environ 690 millions d'euros), ou de Kodak, de nombreuses entreprises se sont retrouvées sur le devant de la scène pour avoir mené une telle opération de levée de fonds en cryptomonnaie. 3,78 milliards de dollars auraient été levés en 2017 par ce biais, selon une étude EY de décembre 2017 portant sur 372 projets.
En la matière, le terrain de jeu est mondial. "On observe un déplacement du centre de gravité car la blockchain est une technologie décentralisée, les serveurs étant répartis dans le monde entier", fait remarquer Ken Timsit, directeur France de Consensys, une société spécialisée dans la blockchain et le développement de solutions décentralisées, choisie par l'UE pour réfléchir dans le cadre d'un observatoire de la blockchain lancé en février 2018.
A cela s'ajoute "l'appétit de l'Asie, tant côté consommateurs que côté investisseurs, pour les technologies du futur". Et si l'Europe parvient à tirer son épingle du jeu, la France, en revanche, ne compte pas ou peu sur cette scène.
Aujourd'hui, "on est entre le 1995 et le 1998 de l'Internet en matière de blockchain", relève Ken Timsit. Un marché qui suscite des craintes. "Les institutions financières sont très frileuses", déclare Freddy Mini. D'où l'idée de définir un cadre.
"Les recommandations que nous ferons à l'UE ? D'abord ne pas mettre la pagaille. Il serait prématuré de vouloir réguler la technologie", explique Ken Timsit. L'expert préconise ensuite de regarder les régulations existantes, comme les lois de sécurité, pour que les entrepreneurs puissent les interpréter et s'y adapter. Viendra, seulement alors, le temps de la régulation.
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