Franchise : les concepts à suivre
Avec des réseaux aux positionnements plus proches et plus responsables qui suivent - anticipent - les comportements des consommateurs, la franchise confirme son modèle et se renouvelle. Quelques percées font place à l'humain, à l'engagement et aux valeurs.
Je m'abonneSi le nom de Stéphane Plaza est sur toutes les bouches lorsqu'il est question de franchise, c'est que l'agent immobilier a bluffé le secteur en construisant son réseau, fondé en 2014, à vitesse grand V (490 agences) ! "L'enseigne surfe sur la notoriété du personnage et a su dépoussiérer la relation avec l'agent immobilier", observe Philippe Vincent, président du cabinet conseil en stratégie Retail and Retail.
Dans une autre activité, qui regroupe pourtant un certain nombre de franchises bien installées, l'aide à domicile pour senior, Petits-Fils, a su jouer des coudes et s'imposer. La société enregistre un chiffre d'affaires de 57,7millions d'euros en 2019 contre 36,7millions en 2018, soit une croissance de + 57 %. Le réseau compte à date 115 agences, 51 ayant été créées en 2019, dont 47 en franchise. En 2020, 30 nouvelles agences devraient ouvrir, 200 d'ici cinq ans. L'enseigne a été récemment rachetée par Korian, un groupe de maisons de retraite qui investit pour accélérer son développement. Dans le commerce organisé, il y a les franchises qui cartonnent, les valeurs sûres, les concepts qui montent et... ceux à éviter.
Globalement le marché de la franchise suit les tendances de la consommation. Ainsi en ce début de décennie, trois secteurs semblent particulièrement porteurs : l'alimentaire, les enseignes liées au développement durable et au respect de l'environnement et les activités de services à la personne et aux entreprises.
Concept et lieux de vie.
"Une tendance forte est la récente hybridation de la distribution et de la restauration rapide. Les points de vente proposant d'acheter son repas à emporter ou à consommer sur place séduisent une clientèle urbaine, mais on les retrouve aussi dans des villes moyennes, voire en zone rurale, constate Xavier Hua, directeur général de l'Institut du Commerce. Le Petit Casino accueille par exemple une zone marché plus moderne qu'une simple épicerie de village. Les commerces qui combinent épicerie et café ou restaurant recréent du lien social." Et se positionnent comme des espaces de vie !
L'évolution des comportements guide le secteur alimentaire. Les enseignes proposant du prêt-à-manger se développent... "Les jeunes urbains déjeunent à l'extérieur ou se font livrer, le risque étant de voir les cuisines dis-paraître des appartements", prévient Xavier Hua. L'organisation de la première édition du Salon français de la Franchise Halal (SFH) au mois de février prouve l'intérêt que suscite ce positionnement. "Avec environ 6 millions de personnes, la consommation halal représente une cible importante et quelques belles enseignes se sont déjà distinguées, O'Tacos en tête", indique Jean-Paul Zeitline, fondateur associé de Progressium, conseil en développement de réseaux. Modèle du genre, O'Tacos, lancé en franchise en 2015, compte aujourd'hui 225 restaurants dans toute la France et emploie 4 500 collaborateurs. Une croissance exceptionnelle.
La chaîne Pizza Time(r), réseau halal de pizza basé en Île-de-France - 44 restaurants en France et un à Dakar au Sénégal - marche dans son sillage et souhaite étendre son territoire. Son objectif ? Ouvrir 20 points de vente cette année - cinq sont déjà signés - et atteindre les 100 d'ici trois ans. Dans un communiqué, le directeur du salon SFH, Maxence Moutoussamy, confirme : "La franchise connaît une croissance à deux chiffres en France dans le halal depuis quelques années. En l'espace de trois ans, le territoire a vu le développement de 500 restaurants (Pepper Grill, Pizza Time, ChickenStreet, G La Dalle, Brother's Crêpes) sous franchise halal. Les enseignes internationales à vouloir pénétrer le marché sont d'ailleurs de plus en plus nombreuses."
Consommation responsable.
Autre tendance forte de la consommation en général et qui marque la franchise : les achats responsables. "Les ménages recherchent des produits et services leur permettant de mieux consommer, avec un impact moindre sur l'environnement, d'où l'émergence de nouveaux réseaux qui capitalisent sur les notions de développement durable et de RSE", explique Rozenn Perrigot, professeur des universités, chargée du master franchise et commerce en réseau à l'IAE de Rennes. Le bio s'est ancré dans la distribution et devient un territoire plus difficile à conquérir.
Les grandes enseignes (les franchises Naturalia, Bio c'est Bon et la coopérative Biocoop) occupent l'espace. "Il reste de la place pour des initiatives régionales", glisse Philippe Vincent. Au niveau des biens de consommation courante, "les consommateurs attendent moins de packagings ou des packagings plus durables, biodégradables", note Xavier Hua. D'où les bons résultats enregistrés par les concepts qui misent sur le vrac.
Un nouveau venu, "Nous anti-gaspi", développe un réseau d'épiceries qui commercialisent des produits écartés des circuits traditionnels. Il projette de s'ouvrir à la franchise. Enfin le pouvoir d'achat impacte les choix des consommateurs. Dans la décoration de la maison par exemple, des concepts à bas prix arrivent de l'étranger. L'enseigne danoise Søstrene Grene (décoration, travaux manuels, cuisine) tisse sa toile. Muy Moucho, l'enseigne espagnole de bazar et décoration se développe à un rythme soutenu dans les grandes villes et dans les villes moyennes. "Tout est prêt pour accueillir les premiers franchisés en 2020", a annoncé récemment le directeur général d'Hema à nos confrères du magazine Capital.
Les services en croissance.
Dans le secteur des services, les enseignes issues du bâtiment ont le vent en poupe. "Le monde des cuisinistes est toujours dynamique et quelques enseignes procèdent à des renouvellements de concept intéressants", remarque Philippe Vincent. Ixina (155 magasins en France) propose ainsi une nouvelle expérience à ses clients finaux avec une architecture intérieure qui fait la part belle aux espaces de co-création et surprend par la projection d'une quinzaine de réalisations, par exemple.
Les franchises qui font appel à un savoir-faire artisanal se portent bien. "Sur des marchés restés longtemps artisanaux, dès qu'un franchiseur structure une offre avec des outils digitaux, une centrale d'achats et un soutien, il répond à une demande", assure Jean-Paul Zeitline. Et ça marche, car les débouchés sont considérables. On a vu les réseaux se multiplier dans le secteur de la menuiserie (Répar'stores a dépassé le cap des 200 agences). Valeur sûre, Attila, le spécialiste de la réparation et de l'entretien des toitures, ouvre une douzaine d'agences chaque année. Il se félicite d'avoir signé quinze renouvellements de contrats, prouvant de nouveau l'adhésion des franchisés à son modèle.
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Deux nouvelles agences intégrées situées à Valenciennes et Orléans Nord ont été mises en place en 2019, et huit nouvelles agences fondées par de récents multifranchisés le seront dès le mois d'avril 2020. Des implantations qui resserrent le maillage régional.
L'eldorado du B to B
"Le service aux entreprises pourrait se développer compte tenu du potentiel d'offres à proposer", affirme Rozenn Perrigot. Elle estime que la France, dans ce domaine, est loin derrière les pays anglo-saxons. Le secteur semble encore peu exploré, mais "de belles réussites apparaissent comme celle du réseau TAB, The Alternative Board, qui se déploie en France", avance Jean-Paul Zeitline.
Présent en France depuis deux ans, le réseau d'accompagnement des dirigeants d'entreprise existe depuis trente ans aux États-Unis et s'est d'abord implanté dans les pays anglophones, puis en Europe. Il recrute des ex-cadres supérieurs et des consultants à la recherche d'un nouveau challenge en home office. "Le concept permet à nos clients chefs d'entreprise d'atteindre leurs objectifs professionnels et personnels tout en préservant leur équilibre entre vie privée et vie professionnelle. Face aux enjeux actuels, nous les aidons à se transformer et à transformer leur business", précise Marc Périé, président de TAB France. Le réseau compte trois franchisés et projette d'en recruter 120 en dix ans. Un programme qui, sans cacher ses ambitions, veut faire sens. Engagement, proximité, développement durable, la franchise passe en mode RSE.
Témoignage
"Nous prévoyons environ quinze ouvertures par an", David Sutrat, vice-président de Day by Day
Preuve de son succès, en 2019, l'enseigne Day by Day a reçu plus de 1 300 candidatures à la franchise ! "99,5 % des demandes arrivent via notre site internet, nous ne faisons ni publicité, ni salon", assure David Sutrat, vice-président de ce réseau. L'appétence pour le concept d'épicerie en vrac est forte. Avec un chiffre d'affaires sous enseigne de 20 millions d'euros et 59 points de vente (58 franchisés et un shop-in-shop en propre ouvert l'été dernier dans un hypermarché Cora), le réseau se développe à un rythme rapide et maîtrisé. "Nous prévoyons en moyenne quinze ouvertures par an pendant trois ans, ajoute David Sutrat. Le marché du vrac représente 0,75 % de la vente des produits de grande consommation, mais enregistre une progression multipliée par 7,5 en cinq ans."
La filière s'organise, puisque les 25 et 26 mai prochains, le Réseau Vrac ouvrira les portes de la 3e édition du Salon du vrac à Paris. Les consommateurs sont séduits : 47 % des foyers français ont acheté en vrac au cours des douze derniers mois (Kantar, mars 2019). Pour ses implantations, Day by Day cible les villes de 40 000 habitants au moins et vérifie la densité de la population, estimant qu'en dessous de 3 000 à 4 000 habitants au km2, la preuve d'une véritable vie en centre-ville n'est pas apportée.
"Les points de vente (60 m2 de surface de vente et 20 m2 de réserve) occupent des emplacements stratégiques et s'inscrivent dans le parcours de course des consommateurs, à proximité d'une boulangerie ou d'une boucherie", explique David Sutrat. Les futurs franchisés doivent débourser 13 000 € HT de droit d'entrée et investir 85 000 € pour exploiter le concept et bénéficier de l'accompagnement d'un franchiseur qui se félicite d'enregistrer "85% de croissance par an", selon son vice-président.
My retail box (Day by Day)
Épicerie en Vrac
Dreux (Eure-et-Loir)
Didier Onraita, vice-président, 52 ans
SAS / Création en 2013 / 30 salariés
CA 2019 7 M€
Ses enseignes qui disruptent leur secteur
1 Immotruck
Concept d'agence immobilière mobile, Immotruck a été créé par Lionel Burstin, p-dg du Groupe Immoval, en mai 2017. L'enseigne propose tous les services d'une agence classique, mais se déplace vers ses prospects et cible les projets immobiliers ruraux et suburbains. Alors que le concept a été expérimenté dans le Bas-Rhin, le réseau dispose actuellement de sept Immotrucks en circulation et projette d'en ouvrir 20 en 2020 sur le territoire national.
2 Ximiti
Commerce de proximité, Ximiti se déploie sous la forme d'un magasin automatique, connecté et réfrigéré. Le réseau, lancé sous licence de marque, se décline en kiosque autonome ou en local commercial intégré à un point de vente existant. Le réseau fournit une installation clé en main...
3 Point B
Les burgers halal de Point B voudraient rivaliser avec ceux des grands noms de la restauration rapide. Point B se base sur la qualité des produits, la fraîcheur, la rapidité d'exécution, etc. L'objectif du franchiseur est d'atteindre rapidement une trentaine de points de vente, dix devraient ouvrir en mars.
4 Les Bohémiennes
Voyant l'avenir du prêt-à-porter dans le retour aux sources, Anne-Laure Arruabarrena a choisi d'ouvrir son enseigne à Ascain et à Saint-Jean-Pied-de-Port (Pyrénées-Atlantique). Forte du succès des deux pilotes, elle lance son réseau en contrat d'affiliation. Six boutiques devraient ouvrir dans les prochains mois dans le Sud de la France et dans l'Est.