[Tribune] Le mécanisme du Cice ressemble trop à une subvention pour séduire les dirigeants
Au lieu de de se traduire immédiatement par un allègement de charges sur les salaires, le mécanisme du crédit d'impôt pour la compétitivité et l'emploi (Cice) est perçu par les dirigeants de TPE et de PME comme une perte de temps et un processus administratif de trop.
Le Crédit d'Impôt pour la Compétitivité et l'Emploi (Cice), qui doit permettre de réduire les charges des entreprises, représente bien entendu un atout déterminant pour aider les sociétés à restaurer leurs marges et à être plus attractives sur les marchés internationaux. Il faut en saluer la mise en place par le Gouvernement, qui a pris conscience de l'importance du paramètre compétitivité dans les performances de notre économie.
Néanmoins, au lieu de se traduire immédiatement par un allègement de charges sur les salaires, le mécanisme mis en place, consistant à calculer le montant du crédit à venir pour en obtenir l'avance auprès de la Banque publique d'investissement (bpifrance), ne peut que donner aux chefs d'entreprises le sentiment qu'ils doivent se transformer en chasseurs de prime pour aller chercher des subventions.
Un fardeau de plus
Quelques milliers d'entreprises seulement se sont livrées à l'exercice, et les pouvoirs publics semblent surpris que ce mécanisme n'ait pas suscité plus d'engouement. Pourtant, hormis celles qui ont donné mandat à leur expert comptable d'intervenir auprès de la bpifrance ou les entreprises d'une taille suffisante qui disposent en interne d'une direction financière, il est parfaitement illusoire d'imaginer que les dirigeants des centaines de milliers d'entreprises de moins de dix salariés vont pianoter sur leur ordinateur pour remplir des formulaires de demande de financement du Cice. Leur travail consiste à diriger leurs équipes, à conduire des projets, à chercher de nouveaux marchés, et tout ce qui est administratif n'est qu'un fardeau dont ils se passeraient volontiers.
À l'heure où le Gouvernement veut décliner concrètement l'éventail de son "choc de simplification", avoir placé les chefs d'entreprises devant cette nouvelle catégorie d'OVNI administratif qu'est "l'avance sur crédit d'allègement de charges à venir" est particulièrement paradoxale.
Il y a de surcroît quelque chose d'humiliant à se retrouver en posture d'entreprendre des démarches pour obtenir ce qui apparaît comme une sorte de subvention, alors que l'allègement des charges ne répond qu'à l'impérieuse nécessité d'aligner le coût du travail en France sur la moyenne de nos concurrentspour cesser de pénaliser nos entreprises. Mais en aucun cas, les entrepreneurs ne sont pour autant enclins à aller courir les guichets pour demander des subventions de-ci de-là! Il n'y a aucune inclination des chefs d'entreprises à quémander pour obtenir des avantages. Ce n'est ni dans leur mentalité, ni dans les urgences de leurs agendas surchargés, de rentrer dans une logique plaintive pour réclamer un peu d'oxygène à une administration dédiée. Lorsqu'elles en sont là, c'est la mort dans l'âme et il est souvent trop tard.
Accompagner et soutenir des projets innovants
Il faut d'ailleurs que la bpifrance prenne garde à ne pas ternir son image en jouant ce rôle d'administration dédiée à "l'avance sur recettes" d'allègements de charges. En effet, ce que l'on peut attendre de cette institution, c'est d'être tournée vers l'analyse de projets innovants qui pouvaient paraître trop risqués à des banques privées ou d'accompagner des projets qui s'inscrivent dans le long terme, ce que les banquiers sont de plus en plus réticents à faire. Mais c'est là une mission d'audace pour accompagner l'esprit d'entreprise et de conquête, qui est aux antipodes du rôle de guichet administratif que la bpifrance est appelée à jouer pour activer le Cice.
Il est urgent que le Cice se métamorphose en allègement de charges pur et simple, que l'État cesse de vouloir donner l'illusion qu'il finance les entreprises, alors qu'il ne ferait que cesser de les ponctionner à l'excès, et que la bpifrance puisse pleinement jouer un rôle banquier pour accompagner les projets des entreprises, ce qui suppose de prendre des risques à leurs côtés et en aucun cas de distribuer des subventions, dont la très grande majorité des entrepreneurs ne sont nullement demandeurs.
Léonidas Kalogeropoulos dirige le Cabinet de lobbying Médiation & Arguments qui défend la liberté d'entreprendre, l'innovation, le pluralisme et la concurrence dans les domaines de l'audiovisuel, des télécoms, du sport, d'Internet, de l'énergie, de la presse... Il est le fondateur du site Liberté d'entreprendre, qui milite pour l'inscription de liberté d'entreprendre dans la Constitution française et pour l'ajout de l'esprit d'entreprise dans la devise nationale. Il est Vice-Président du mouvement patronal Ethic.