Selon vous, la loi Pacte est-elle un levier efficace pour amener les entreprises à développer leur responsabilité sociale et environnementale ?
Le vote de la loi Pacte va dans le sens de l'histoire. C'est une avancée positive et un éveil des consciences dans le monde politique et économique. J'observe que de nombreuses entreprises se saisissent du sujet de la raison d'être, ce qui est très encourageant. Cela montre que, parfois, il faut une loi pour que ça bouge. Ceci dit, il faut désormais passer à l'acte. Et là, il faut faire attention car certaines entreprises ont fait des déclarations en assemblée générale et après il n'y a pas de suite.
À Entreprises et Progrès, nous croyons à une raison d'être transformative, c'est-à-dire celle qui change les pratiques. La loi Pacte induit des risques légaux. Cela veut dire que si les mots ne sont pas en accord avec les actes, les entreprises devront répondre. Notamment à leurs clients.
En définitive, la loi Pacte peut aider à responsabiliser les entreprises mais elle est complémentaire à d'autres outils. Je pense au label B-Corp par exemple. Le plus important est que les sociétés progressent dans ce chemin du bien commun, peu importe le moyen qu'elles utilisent.
Les jeunes sont-ils déterminants dans cette transformation ?
Je pense qu'à terme les jeunes n'iront travailler que dans des sociétés ayant cette conscience et cette démarche. Beaucoup de dirigeants comprennent cet enjeu pour attirer les meilleurs talents. En ce sens, la jeunesse fait bouger les chefs d'entreprise. Il faut que ce mouvement se poursuive. Les universités et écoles ont aussi un rôle à jouer. Elles doivent enseigner autre chose que le libéralisme économique tel que l'a théorisé l'économiste Milton Friedman par exemple. Être conscient, c'est une chose, mais former les jeunes sur l'impact est crucial aussi.
Le green et social washing chez les entreprises est-il révolu ?
Malheureusement cette vague n'est pas terminée... Aujourd'hui, mon sentiment est qu'il y a aussi le "purpose washing". Il faut en parler et dire stop. Sinon, cela reste de l'opportunisme. C'est dommage... Pourquoi ne pas être sincère et authentique tout simplement ? Pour surmonter ces écueils, la tâche est immense. Mais il y a un levier qui, à mon sens, peut maximiser ce mouvement de l'éthique chez les entreprises.
Lorsque les publics financiers (investisseurs, analystes financiers, etc.) basculeront massivement vers l'impact, ça bougera plus fortement. Les chefs d'entreprise, dans l'ensemble, ont compris cet enjeu. Mais si la communauté financière s'y met, les patrons vont être plus nombreux à s'en emparer. BlackRock, le premier gestionnaire d'actifs au monde, s'est lancé dans les fonds indiciels responsables. C'est du jamais vu.
En outre, l'équivalent du Medef aux USA, la Business Roundtable est passée de la notion d'"actionnaire" à "partie prenante". Dans le capitalisme américain financiarisé, c'est une révolution. La semaine dernière, le patron très en vue de Salesforce a écrit une tribune dans le New York Times. Il y dit que la création de valeurs ne peut plus être que financière. Ça pose la question des outils de mesure de l'impact. Aujourd'hui, ils ne sont pas aboutis, il y a du chemin à faire en ce sens. Il faut arriver à modéliser cette mesure. La France peut faire la course en tête de ce capitalisme à l'européenne, plus vertueux.
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