Nerf de la guerre
Qu'en est-il de l'accès au financement en France ? La note de Céline Riou montre que les start-upper medtech font face aujourd'hui "à un manque de financement post-amorçage". Ce phénomène a pour conséquence "un véritable déficit de compétitivité, notamment pour l'accès aux marchés internationaux, étape décisive dans le développement de ces entreprises".
La difficulté d'accès au marché français s'ajoute au défi entrepreneurial. Trop long, parfois opaque pour les entrepreneurs de la santé, ce déficit d'accès serait lié au manque de connexion entre différents secteurs de l'administration sanitaire.
Autre raison entravant cet accès au marché, les modèles d'évaluation et de fixation des prix qui prennent trop peu en compte l'apport significatif des nouvelles technologies médicales à leurs utilisateurs, qu'ils soient patients ou bien professionnels de santé. Face à ces spécificités, le conseil principal donné par Marion Cassiau est tout simplement "d'anticiper" dès la création de sa start-up medtech. Selon l'experte, il faut prévoir les développements et les coûts induits par le statut réglementaire du produit, la certification et le plan clinique à mettre en place pour prouver l'efficacité et l'utilité médicale.
Autre conseil prodigué : s'entourer de profils complémentaires, issus du milieu scientifique et médical, mais aussi du business ou du marketing, pour combiner le caractère "deeptech", la compréhension de l'usage médical et sa capacité d'exécution et d'industrialisation. Elle ajoute : "Avant de développer son produit de santé, il faut se demander comment il va s'intégrer dans le parcours du patient et dans la routine des professionnels de santé. Est-ce qu'il répond à un véritable besoin médical ?" Ajouté à cette utilité, les futurs entrepreneurs de la medtech auraient tout intérêt à investir dans un secteur prometteur : l'IA appliquée au médical. Dans une cartographie récente, Bpifrance a identifié depuis 2010 la création de 104 start-up utilisant IA et algorithmes. Parmi elles, 60 % ont moins de trois ans. L'aide au diagnostic et le suivi de traitement dans l'imagerie médicale sont les deux premiers destinataires de ces technologies. Le suivi du parcours hospitalier est aussi promis à un bel avenir.
Reste un enjeu majeur à surmonter : que les autorités ouvrent davantage l'accès aux données de santé à ces start-up. Attractivité pour une mission d'intérêt général et marché dynamique d'un côté, temps long de R&D et contraintes réglementaires de l'autre, la filière medtech sera-t-elle profitable économiquement ? La réponse à cette question n'est pas tranchée. Mais une chose est certaine : si la solution technologique proposée permet une réduction significative des coûts de prise en charge globale d'un patient pour le système de santé, c'est "un bon présage" d'un point de vue business. Qui plus est, si l'entreprise obtient le remboursement de son acte médical auprès de la Haute Autorité de Santé, cela permet à un plus grand nombre d'utiliser son dispositif. "Mais encore une fois, la question centrale est : est-ce que le dispositif médical proposé améliore l'expérience de soin, tant du point de vue du professionnel de santé que de celui du patient ?", insiste la patronne de l'accélérateur medtech de Bpifrance. Un esprit sain pour un entrepreneuriat sain.
Les chiffres de la medtech
28 milliards d'euros : C'est le chiffre d'affaires global généré par la medtech tricolore en 2019.
1300 : C'est le nombre d'entreprises medtech en France.
92% : C'est la part de PME faisant partie de l'écosystème français medtech.
4 exemples de medtech
1-MagIA
Les chances de guérison dépendent aussi du temps de dépistage d'une maladie. C'est la raison de la création de la start-up grenobloise MagIA, qui a conçu une machine mobile pouvant dépister en 15 minutes VIH et hépatite B ou C à partir d'une goutte de sang. Sa commercialisation, prévue à partir de 2021, cible centres de dépistage communautaires et associations d'aide aux toxicomanes, détenus et migrants.
2-Lucine
Créée en 2017, la start-up Lucine entend aider les patients à atténuer leurs douleurs chroniques. L'application diagnostique les pathologies avec la caméra d'un smartphone et propose une "thérapie numérique" via sons, images et lumières, permettant au corps de produire ses anti-douleurs naturels.
3-Incepto
Lancée en 2017, la plateforme clé en main Incepto agrège des applications d'analyse de radios, IRM et scanners et en crée de nouvelles en collaborant avec le corps médical. Le but étant de réduire les erreurs d'interprétation au maximum et d'améliorer la qualité de prise en charge du patient.
4-Carmat
La médecine en rêvait, Carmat l'a fait : l'entreprise française a élaboré le premier coeur artificiel. Lancée en 2008, elle est sur le point d'obtenir la norme CE qui lui permettra de commercialiser son dispositif en Europe. Particularité : la société est cotée en Bourse, soit plus de liquidités pour financer sa R&D.
NEWSLETTER | Abonnez-vous pour recevoir nos meilleurs articles