L'IA mythe ou réalité ?
Dans la quête d'un processus automatisé et standardisé, d'autant plus crucial pour les entreprises mondiales, la promesse d'une intelligence artificielle qui se chargerait de toute la basse besogne, sans commettre d'erreur, tout en étant capable de faire des recommandations pertinentes laisse rêveur.
Après avoir insisté sur la facilité d'utilisation d'un point de vue ergonomique, les clients se rendent compte que la technologie peut aussi simplifier l'utilisation et donc améliorer le taux d'adoption qui reste une préoccupation importante des directions achats, indique Sébastien Dumas de SynerTrade. Or, si on est encore loin d'une intelligence artificielle forte proche de l'intelligence humaine, le machine learning a considérablement progressé permettant déjà des applications métiers très diverses.
"La technologie RPA (Robotic process automation) est sans doute ce que nous maîtrisons le mieux à ce jour. Elle est utilisée en complément d'utilisation des suites achats Cloud SaaS pour optimiser les tâches à faibles valeurs ajoutées sur l'ensemble du périmètre S2P. L'enjeu aujourd'hui se situe au niveau de l'aide à la prise de décision des cadres exécutifs", indique Erika Perrotin, senior manager chez BearingPoint. C'est une des grandes attentes de l'IA. Pouvoir obtenir des analyses prédictives pour prendre rapidement des décisions stratégiques rapides et pertinentes. Et à terme, pourquoi est-ce que le système ne nous alerterait pas et ne nous proposerait pas de lui-même des stratégies et plans d'actions à chaque changement interne ou du marché. C'est ça, l'IA de demain ! "
Les initiatives sont nombreuses dans ce sens. Le développement d'outils auto-apprenants capables d'extrapoler devrait s'accélérer dans les deux prochaines années.
Au lieu de chercher à copier l'intelligence humaine, les chercheurs approfondissent différents chantiers prometteurs à l'instar de la reconnaissance du langage naturel, de la recherche d'images ou du machine learning avec des applications métier possibles. Confidentiel aujourd'hui, les effets des applications de l'intelligence artificielle va changer rapidement nos vies. "Le machine learning qui apprend a besoin d'énormément de cas" de données , détaille Patrick Chabannes, qui mise sur une montée en puissance des robots ou RPA et des objets connectés. "Mais ce qui arrive pour 2019 au sein des SI Achat et chez Jaggaer en particulier, c'est l'essor des agents conversationnels ou chatbots", précise-t-il.
Autrement dit, des outils capables de faire des prédictions a priori et non plus a posteriori, et d'apporter une véritable aide à la décision. "Liés intrinsèquement à la qualité de données disponibles, les recommandations et les prédictions deviendront plus pertinentes avec le temps", souligne encore Patrick Chabannes.
La structuration des données au sein des entreprises est donc bien la clé d'accès à l'IA, mais reste un chantier titanesque que les entreprises peinent à faire avancer. "On voit un intérêt croissant tous secteurs d'activité confondus concernant les outils de RPA et les chatbots" indique Sébastien Dumas de SynerTrade. "Notre prochain gros chantier sera d'ailleurs de proposer un chatbot proactif capable de faire des recommandations en push. Mais si les données des entreprises ne sont pas structurées et qualifiées, celles-ci ne pourront pas passer de nouvelle étape technologique."
Sans un travail sur la donnée en amont, l'intelligence artificielle ne pourra produire de résultats pertinents."Jusqu'ici la plupart des entreprises avaient focalisé leurs efforts sur la structuration et la digitalisation des processus, reléguant parfois la qualité des données au second plan. Ce n'est plus le cas aujourd'hui", estime Bertrand Gabriel, fondateur d'Acxias.
Les directions achats ont pris conscience de l'importance de leur patrimoine de données et de la nécessité d'investir du temps et des ressources pour que ce patrimoine soit optimisé afin de pouvoir être mieux exploité.
Au sein des organisations les plus en avance sur le sujet, des projets d'automatisation des processus voient le jour, mais une certaine frilosité persiste concernant la mise en place d'agents conversationnels. "Nous en sommes à la digitalisation 4.0, c'est-à-dire la phase d'automatisation des processus internes, d'intégration de tous les acteurs de la chaîne de valeur, jusqu'à la création de nouveaux produits surfant sur l'économie des plateformes et la data" indique un responsable de la conception et du déploiement des process et des sujets de digitalisation au sein d'un grand compte du secteur des transports.
"À titre d'exemples, actuellement nous déployons un premier RPA (Robotic Process Automation) en pilote, interfacé avec l'ERP. Concernant les chatbots, nous avons listé beaucoup de "use cases" , mais nous craignons tous une mise en oeuvre beaucoup plus longue et complexe qu'on nous le vend." D'autant plus qu'il n'est pas toujours évident de calculer les bénéfices tangibles et le ROI associé. "Le RPA est la partie la plus mature sur laquelle nous travaillons depuis deux ans. Les agents conversationnels étant une technologie encore trop immature, nous n'avons pas encore dédié de budget à ce type de développement. Cela dit nous avons tout de même fait des scripts pour nous y préparer", explique Pascal Fouquier digital procurement chez Nokia.
Si les projets touchant au RPA (Robotic Process Automation) sont validés, ceux qui ont trait aux chatbots sont donc mis en stand-by, ce qui n'empêche pas les organisations qui en ont les ressources d'explorer et de monter en connaissance sur ces nouvelles technologies.
On assiste à une explosion des capacités techniques des solutions avec des machines capables d'extraire des informations dans des e-mails entrants, d'en analyser la pertinence et d'alimenter des applicatifs, ou encore capables de scroller internet pour trouver des informations fournisseur pour prévenir les risques de fraude ou de non-conformité. "Dans les mois à venir, les technologies d'intelligence artificielle permettront de franchir un nouveau pas important : par exemple, l'interaction homme-machine ne se fera plus seulement par le clavier, mais aussi par la voix, et des mécanismes d'enchaînement d'action seront automatiquement proposés ou directement mis en oeuvre par les applicatifs", juge Bertrand Gabriel d'Acxias.
L'expérience utilisateur de ces solutions en sera radicalement modifiée. Ainsi, outre le développement technique et ergonomique, le challenge pour les éditeurs sera donc d'apporter conseil et accompagnement dans la conduite du changement.
Les PME à la peine sur les solutions e-Achats
Pour les PME qui disposent d'une fonction achat à part entière, la transformation digitale n'est pas une priorité. Ou plutôt elle l'est concernant le service commercial, mais pas pour la fonction achats. "La difficulté des PME est que l'opérationnel et le stratégique sont la responsabilité des mêmes personnes. Du coup le stratégique en pâtit. Le problème n'est pas de savoir quoi faire, mais quand et comment ", estime un responsable achat de PME. Ainsi, si la plupart des grands comptes travaillent leur transformation digitale depuis une décennie, et si les ETI ont plutôt bien pris le virage, bon nombre de PME se débattent encore dans une phase transitoire inconfortable, entre la moulinette Excel et un ERP vieillissant. On est loin du PtoP. "Aujourd'hui, on perd beaucoup trop de temps à faire de l'approvisionnement et du rapprochement factures alors qu'on pourrait se concentrer sur le supplier management et la gestion des risques ", relève Rodolphe Devevey, directeur des achats d'une PME dans le secteur du médical. Une solution standard d'un gros éditeur reste inaccessible en raison du ticket d'entrée trop élevé pour les PME. De petits éditeurs , comme le toulousain Baiya ou le lyonnais BME, ont dédié leur offre aux ETI et aux PME , mais il s'agit bien souvent de solutions spécifiques ne couvrant pas tout le spectre achat.