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Les licornes chinoises se bâtissent un empire

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Les licornes chinoises se bâtissent un empire

En Chine, le nombre de licornes explose. La clé de la réussite de ces start-up valorisées à plus d'un milliard de dollars ? Un écosystème favorable, de la data à foison et une capacité d'adaptation exponentielle.

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Paris, 7 heures du matin, sur le périphérique. Entre deux embouteillages, Joseph, chauffeur Uber, fulmine: «Mes courses sont en chute libre depuis un mois. Les Chinois sont arrivés sur le marché, on ne peut pas se défendre face à cette concurrence.» Depuis le mois de septembre, la concurrence s'est en effet intensifiée. Taxify, entreprise estonienne de VTC, débarque en France, casse les prix et rafle la mise. Un joli coup permis grâce au soutien d'un allié de poids: Didi Chuxing, un homologue chinois, qui a investi dans le capital de Taxify pour faciliter son déploiement.

Quant à Didi Chuxing, son histoire a de quoi éblouir. Fleuron de l'économie chinoise, elle est née de la fusion, en 2015, entre Didi Dache et Kuaidi Dache, respectivement soutenues par Tencent, géant du gaming, et Alibaba, mastodonte de l'e-commerce. Leur progéniture a bien grandi et pèse aujourd'hui 50 milliards de dollars, juste derrière Uber qui culmine encore à 68 milliards. Didi Chuxing fait partie des licornes chinoises, ces start-up valorisées à plus d'un milliard de dollars. Dans l'empire du Milieu, les licornes sont loin d'être des chimères. Les analyses économiques s'affolent dès que l'on se penche sur leur développement.

D'après une étude Boston Consulting Group présentée en octobre, la Chine détient 29 % des licornes mondiales. Si les États-Unis restent leur terre d'accueil privilégiée, avec 50 % des licornes, l'Empire du Milieu gagne en importance. Même moins nombreuses, les start-up chinoises représentent 41 % de la capitalisation mondiale des licornes, toutes origines confondues, contre 46 % pour les États-Unis. Devenir une licorne prend en moyenne quatre ans en Chine, contre sept ans au pays de l'Oncle Sam.

Si les start-up s'y développent aussi bien, c'est qu'elles bénéficient d'un écosystème favorable, selon David Baverez, investisseur installé à Hong Kong, et auteur de l'essai Paris-Pékin Express, la nouvelle Chine racontée au futur président . «En Chine, il y a les ingrédients qu'il faut pour les licornes: une politique gouvernementale qui s'y prête, une capacité à entreprendre ancrée dans la culture du pays et un effet d'échelle rendu possible grâce à la plus forte concentration démographique au monde», énumère-t-il.

Un peuple hyperconnecté

À grand pays, grandes opportunités, donc. D'un côté, un gouvernement séduit par la manne financière que peut représenter le digital. C'est pourquoi il s'attelle, depuis plusieurs années, à créer un environnement fiscal et réglementaire favorable à l'entrepreneuriat, mais aussi à l'investissement dans le numérique, le développement d'incubateurs autour du cloud, du big data ou d'Internet.

De l'autre côté, des consommateurs chinois qui ont adopté les usages du Web à une vitesse folle. Friands de nouvelles technologies, ils sont devenus l'un des peuples les plus connectés de la planète, faisant de la Chine un pays conduit par l'Internet et la téléphonie mobile. Selon une étude d'eMarketer, d'ici à 2020, 330 millions de Chinois devraient payer avec leur portable. «Nous sommes dans une décennie où Internet et toutes les technologies digitales ont explosé, avec une véritable accélération en Chine. Les Chinois eux-mêmes hallucinent de la rapidité où va leur pays. De plus, le gouvernement est le premier aux manettes pour financer et pour réguler ces innovations», confirme Laure de Carayon, fondatrice de la conférence China Connect.


Aussi, le pays a excellé dans la capacité à tourner une faiblesse en opportunité. Alors qu'il accusait un retard considérable dans les années quatre-vingt-dix en matière de nouvelles technologies, il a pris un virage considérable pour surprendre tout le monde. La Chine a donné naissance aux géants du Web que sont Alibaba, Tencent ou encore Baidu. Et tous soutiennent, à leur tour, de jeunes pousses. «Tandis que Google investit chaque année jusqu'à 15 milliards de dollars en recherche fondamentale, Alibaba dépense 5 milliards en investissement, Tencent 2 milliards... mais l'ensemble est dédié au financement d'applications. Ils sont beaucoup plus dans le réel et dans des business models qui permettent de gagner de l'argent. C'est pourquoi le nombre de licornes en Chine risque de progresser rapidement dans les années à venir», soutient David Baverez.

Parmi les secteurs où les licornes se sont le plus développées, l'e-commerce et la fintech se placent en tête de liste. Un autre secteur tire également son épingle du jeu: celui de la santé. «Il y a de tels problèmes dans la santé et la sécurité alimentaire, une telle méfiance dans le système de soins chinois, qu'énormément de solutions mobiles voient le jour, autour du conseil notamment. Les potentiels dans ce domaine sont énormes», ajoute Laure de Carayon. Alibaba, toujours lui, a en effet développé un service de pharmacies en ligne. Par ailleurs, des acteurs traditionnels se mettent au numérique, comme Shanghai Pharmaceuticals ou bien l'assureur Ping An, qui a lancé son application de consultations en ligne.

Une démarche inédite en Occident

Ainsi, les usages se multiplient et les données en circulation aussi. Pour nourrir leurs ambitions, les licornes peuvent compter sur une richesse de choix: la data. Non seulement les Chinois sont hyperconnectés, mais ils délivrent leurs données sans aucun scrupule. «Les Chinois sont très orientés "services" : ils partent du principe que si le partage de données leur permet d'obtenir du service, alors pourquoi ne pas accorder l'utilisation de leurs données personnelles, commente Laure de Carayon. La data, c'est ce qui permet de les rendre très forts par rapport aux États-Unis


Objets connectés, connectivité, développement d'applications: avec des données en circulation, c'est tout un champ des possibles qui s'ouvre aux start-up chinoises. De plus, dans un pays marqué par des années de dictature, les problématiques de confidentialité des données utilisateurs n'existent pas. Mais lorsqu'elles lorgnent le Vieux Continent, comment ces start-up comptent-elles transposer leur modèle?

Savoir s'associer

Mobike permet à l’usager de laisser le vélo où bon lui semble

Pour les experts, elles parviendront, tout simplement, à contourner une réglementation souvent en retard sur l'avancée des technologies. Suite à quoi les licornes chinoises s'affirmeront grâce à des avantages compétitifs forts et des services en plus. La géolocalisation est l'un d'entre eux. Mobike, service de location de vélo en milieu urbain, a fait une arrivée fracassante en France. Si son business model a une chance de réussir, c'est parce qu'il facilitera le quotidien des utilisateurs.

Alors que les Vélib' de Decaux obligent les citadins à reposer leur vélo dans des racks, Mobike permet à l'usager de laisser le vélo où bon lui semble, selon le principe du "free-floating". Autre force des licornes chinoises: s'associer là où on ne les attend pas. «Quand ils sont concurrents, les Chinois sont capables de s'aligner pour battre les autres, et notamment les Occidentaux. C'est le cas par exemple des sociétés de VTC Didi Dache et KuaidiDache. Puisqu'elles ont à y gagner toutes les deux, leur association prend du sens. Elle permet de casser toute rivalité, d'éviter de perdre de l'argent et de se faire une place de choix sur un nouveau marché», souligne Laure de Carayon.

Mais, selon elle, la Chine ne vise pas uniquement la France et ses voisins. «Leur priorité, c'est l'Asie du Sud-Est ou le Brésil, vus comme des zones de potentiel pour les investisseurs chinois. Ce sont des pays qui leur ressemblent: grande population, immense géographie, problèmes d'infrastructure et de transports, problème de développement de retail et population jeune scotchée à un mobile. Ils en ont déjà les usages et les comportements», commente la spécialiste.

Alibaba a racheté, en juin dernier, le retailer indonésien Lazada pour activer sa présence dans ce pays. Avec Baidu et Tencent, ils représentent à eux trois une centaine d'acquisitions pour un montant de 16 milliards de dollars. «La première révolution digitale a été dominée par les États-Unis. Dans cette seconde phase, dominée par la robotique et l'IA, on s'aperçoit que le marché adressable aux Chinois peut, dans certains cas, être plus grand que celui outre-­Atlantique», prédit David Baverez. D'autant plus que le taux de pénétration des usages web de la population chinoise n'est encore que de 53 %, contre plus de 80 % en Europe. La marge de progression est donc énorme, les licornes chinoises ne sont près de disparaître.

 
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