L'ENGAGEMENT : clé de la réussite des entreprises performantes
Rien ne sert de chercher à améliorer la qualité de vie au travail sans en prendre en compte ses conditions réelles. Le modèle associatif peut être une source d'inspiration pour renouer avec l'engagement des salariés. Par Nathalie STEINBERG, fondatrice de SYNARGIES*
Rien ne sert de chercher à améliorer la qualité de vie dans le travail sans en prendre en compte ses conditions réelles. Le modèle associatif, une source d'inspiration pour renouer avec l'engagement des salariés? QU'EST-CE QUE L'ENGAGEMENT ? L'engagement est un terme juridique désignant le fait de convenir de participer à une œuvre ou à une entreprise en contrepartie d'un paiement ou d'un salaire. L’engagement est soutenu par des valeurs de respect, d’éthique personnelle et de travail au même titre qu’il est entretenu par la volonté naturelle d’une personne d’exprimer ses motivations intrinsèques : l’utilisation de ses compétences, l’envie de se dépasser, de s’ouvrir à des choses nouvelles et d’apprendre. Or pour maintenir l’engagement, les conditions doivent être réunies autour du salarié et par le salarié. Notons que la motivation existe naturellement. La question est donc de savoir ce qui limite ou réduit l’engagement chez un collaborateur, pourquoi certaines entreprises font ce constat plus que d’autres ? UN CONSTAT INQUIETANT ? Les entreprises appartenant à l’économie financiarisée adoptent un management combinant contrôle/indicateurs de performance/reporting et font régulièrement ceconstat attristant d’un taux d’engagement pouvant descendre sous la barre des 30%. De plus en plus d’entreprises de la PME aux très grands groupes entrent dans cette économie favorisant au départ les nécessités ou volontés de croissance rapide. Mais rapidement, l’entreprise productrice est détournée vers l’entreprise rémunératrice. Autrement dit, ce business model donne pour mission essentielle à l’entreprise celle de rémunérer ses actionnaires. Serait-ce l’un des aspects de cette baisse du niveau d’engagement ? Cette vocation majoritairement financière de l’entreprise transformant l’homme en machine à cash interchangeable serait-elle une des raisons de cette baisse de l’engagement ? La volonté du gouvernement de réduire les risques psycho-sociaux puis d’améliorer la qualité de vie au travail n’est-elle pas un indicateur que quelque chose ne tourne plus rond ? Si l’intention fait tout à fait sens aux vues du lien avéré entre performance et conditions de travail, elle ne fait que palier aux symptômes plus qu’aux causes qui déclenchent ces maux. Je constate souvent ce mal-être au travers de la relation entre les RH et la direction dont les préoccupations tendent à s’opposer. Alors est-il envisageable de les concilier ? Peut-on imaginer que la qualité de cette relation entre la DRH et le dirigeant ait aussi un impact sur l’engagement ? QUEL EST LE PROFIL DES ENTREPRISES OU L'ENGAGEMENT EST FAIBLE ? Il s’agit des entreprises financiarisées. Dans ces entreprises, le contrôle au sens financier est culturel et pèse sur le travail comme sur les coûts de structure décentrant le collaborateur manager de sa mission première et alourdissant les organisations de fonctions de contrôle « inutiles » à la production de biens et services et surtout aux clients, qui rappelons-le, font vivre les entreprises ! Cette répartition du travail produit de la « non performance » qui accroît la méfiance des actionnaires qui veulent encore plus de contrôle. Les salariés n’étant plus en confiance se démotivent et ne voient plus leur utilité. Ils passent plus de temps à rédiger des rapports qu'à réaliser leur métier. Trop de contrôle tue la confiance des salariés en leur hiérarchie et leur entreprise. A titre d’illustration, les managers d'aujourd'hui consacrent parfois jusqu'à 70% de leur temps à établir des rapports d'activités plutôt qu'être aux côtés de leurs équipes pour les mener vers la réalisation de leurs missions. Un autre ingrédient au sein de ces entreprises, quel que soit leurs modèles économiques d’appartenance, réside dans le déficit de vision. Les équipes ne comprenant pas où va l'entreprise, n'ont plus la notion du sens qu'apporte leur travail et se désengagent à l’instar du désengagement de leur dirigeant qui ne respecte pas son contrat : donner un sens, diriger et investir en prenant des risques mesurés. Je constate souvent que ces entreprises se lancent à corps perdu dans des projets de bien-être au travail occultant les conditions réelles de travail au sens où nous les avons décrites plus haut. Ces entreprises ont malheureusement oublié que l’être humain est naturellement motivé et que la santé et le travail ont toujours été liés. Ce paysage montre à quel point la peur et sa jumelle la défiance, ont relégué les qualités de courage et de confiance dans les bas-fonds de l’utopie managériale. Ce ne sont clairement plus les qualités premières des nombreux actionnaires et dirigeants dont les préoccupations de retours sur investissements rapides priment sur la vision à long terme et la confiance dans les hommes. Dans ces entreprises, on ne dirige plus, on contrôle. Si la confiance n’exclut pas le contrôle, le contrôle doit il exclure la confiance ? LE MODELE ASSOCIATIF SOURCE D'INSPIRATION ? Même si le monde associatif trouve que le vivier des personnes bénévoles diminue de façon inquiétante, de nombreuses personnes y évoluent des années et des années avec efficacité et plaisir. Le monde associatif est un vivier riche de personnes engagées. Non seulement elles s'impliquent plus qu'en entreprises mais parfois… elles ne perçoivent pas de rémunération pour le travail qu'elles fournissent. L'étude de ces organisations permet de comprendre ce qui est générateur d’engagement. Lorsque l'on observe ces organisations et que l'on interroge les bénévoles ou les salariés, des réponses identiques fusent : -Sur le plan du modèle économique : un moteur en soi : le principe même de réinjecter les bénéfices dans l’entreprise pour en financer son développement oblige à regarder vers le futur et les marchés adressés plus que dans le rétroviseur pour savoir comment rémunérer l’investisseur. Ce fonctionnement est déjà en soi porteur de sens et permet d’avancer. - le travail s’inscrit dans un projet collectif et partagé qui respecte le besoin humain de lien : les collaborateurs connaissent et ont pu s’approprier la vision, les croyances et les valeurs sur lesquels s'appuie le projet. Ils constatent qu’ils contribuent à quelque chose qui est plus "grand" et savent comment faire. - Le système d’élection par ses paires est générateur de reconnaissance pour ce qu'ils font. Cette reconnaissance est très concrète et s’appuie sur ce que les personnes éligibles montrent d’elles-mêmes. Leurs connaissances, compétences et valeurs reconnues par l’association sont à la base de leur action. Ils se sentent utiles. - Ces organisations leur font confiance, valorisent l’initiative et le volontariat, facteur d’implication répondant au besoin humain de challenges réalistes. Les collaborateurs sont ainsi amenés à faire d'autres choses que ce qu'ils savent faire usuellement. Par exemple, l'un se retrouve à organiser un événement, l'autre à gérer une comptabilité… Ils construisent ainsi de nouvelles compétences. Ils sont amenés à rencontrer de nouvelles personnes ou situations, enrichissant leur quotidien, nourrissant leur curiosité et le besoin humain de lien. Ces éléments motivent et créent chez les collaborateurs de la satisfaction et de la confiance en leurs capacités. - Le fait de travailler en équipe avec des personnes de milieu très différents (les "politiques", les fonctionnaires municipaux, les bénévoles de tous horizons…) les conduit nécessairement, pour que l'organisation fonctionne, à s’écouter les uns et les autres et s’accepter tels qu'ils sont. Au travers du projet commun, chacun trouve sa place et progresse dans sa communication relationnelle à l'autre. RENOUER AVEC UN NIVEAU D'ENGAGEMENT ? OUI C'EST POSSIBLE ! Inutile de mettre en place des systèmes sophistiqués pour développer l'engagement lorsque le constat est fait que la structure de l'entreprise s'appuie sur de telles injonctions contradictoires. Inutile aussi de mesurer le niveau de désengagement des collaborateurs. Le mesurer ne servirait qu'à l'intensifier. Il est de toute évidence nécessaire de repenser les conditions de travail afin de libérer de nouveau la motivation des collaborateurs. Pour que cela fonctionne réellement, ce point devra se voir complété d’autres actes courageux : 1. Remettre les actionnaires et les dirigeants à leur véritable place Un actionnaire qui se positionne en dirigeant, et oriente les décisions, empêche par nature le dirigeant de donner sa vision et d’exercer son pouvoir. Or nous savons que ce qui permet aux systèmes/entreprises quels (lles) qu’ils/elles soient de fonctionner réside notamment dans le fait que le cadre/direction+managers est clair et posé. Chaque élément de ce cadre ayant un impact sur l’autre, lorsqu’un élément n’est pas à sa place, il tord le cadre et crée un dysfonctionnement dont l’impact porte sur l’ensemble du système/l’entreprise. 2. Inspirer la confiance par l'exemplarité Nous baignons dans une culture du " Fais ce que je te dis mais pas ce que je fais". Cela ne permet plus d'asseoir une autorité naturelle efficace. Les personnes ont besoin de dirigeants et de managers cohérents et congruents. Aussi les valeurs restaurées telles que le courage, la confiance et l’exemplarité des dirigeants et managers viendront-elles stimuler et pérenniser les moteurs de l'implication et de l'engagement. 1. Partager la vision de l'entreprise, ses valeurs, ses objectifs Les dirigeants soutenus par leurs managers ont pour mission de donner du sens par la vision et guider leurs équipes par des objectifs réalistes et motivants car liés à la vision. C'est à eux qu'incombe la création d'une équipe où chacun est à sa place et peut déployer sa créativité et ses compétences au service de la performance de l'entreprise. 2. Organiser une gouvernance appréciative et valorisante Les gens aiment s'impliquer quand ils comprennent pourquoi ils le font. La communication entre les dirigeants et leurs équipes est essentielle. Partager et construire cette vision tient aussi de la capacité des dirigeants et managers à aller chercher auprès de leurs collaborateurs les éléments de leurs expériences qui leur ont permis de réussir. Il leur appartient aussi de leur montrer que ce sont précisément ces compétences acquises et connaissances qu’ils pourront mettre à profit pour construire leur futur. C’est le principe du leadership appréciatif® : être à l’écoute des personnes et de leurs réussites. Ce qui permet de capitaliser sur leurs savoir-faire et leurs potentiels talentueux pour les mobiliser sur de nouveaux enjeux qui ont du sens tout en montrant que collectivement ils savent déjà faire. 3. Comprendre l’interactivité de l’engagement L'approche quantique nous apprend entre autre, que le regard de l'observateur influe sur l'objet regardé. Aussi un dirigeant qui estime que son entreprise et ses collaborateurs sont porteurs de succès et riches de compétences, impacte-t’il positivement sur eux et contribue-t ‘il à renchérir leur niveau d'engagement. Ce regard va le pousser naturellement à investir, faire confiance et engendrer ce cercle vertueux chez ses collaborateurs qui en retour s’investiront et lui feront confiance. L’approche quantique nous montre aussi que les décisions ne sont pas le fruit de réflexions rationnelles mais que la sensation du moment initie une émotion qui déclenche la décision. Imaginez ce qu’une sensation de peur perpétuelle de ne pas avoir son retour sur investissement immédiat peut avoir comme impacts sur les décisions ? Un pavé dans la mare ? Non une réalité dont nous devons tenir compte et qui donne raison à la célèbre phrase : « les décisions sont bonnes au moment où elles sont prises ». Cette réalité pousse aussi à travailler sur la confiance en l’avenir, le courage, la confiance en soi et l’estime de soi. L’engagement est donc bien un processus interactif. L'engagement est à la base du contrat avec l’entreprise. Il est donc disponible chez chacun d'entre nous à la signature de tout contrat de travail. Afin d’en maintenir la disponibilité, il s'agit simplement de maintenir le respect de ce contrat à tous les niveaux de l’entreprise, depuis l’actionnaire jusqu'aux opérationnels en passant par le dirigeant et les managers. Et pour le renforcer, il s’agira de travailler sur le cadre, de faire preuve de confiance et le montrer, d’agir avec courage en se tournant vers l’avenir et en n’utilisant les rétroviseurs que pour anticiper les dangers immédiats. Par Nathalie STEINBERG, fondatrice de SYNARGIES