Leadership : et si vous vous inspiriez des méthodes des All Blacks ?
Dans son ouvrage "Les secrets des All Blacks, 15 leçons de leadership", l'auteur James Kerr a méthodiquement décortiqué ce qui, dans la stratégie de ces joueurs de rugby d'exception, a fait d'eux des machines à remporter des matchs. De quoi vous inspirer dans votre management.
Je m'abonneQue vous soyez amateur de ballon ovale ou non, le nom des "All Blacks" résonne comme celui d'une équipe de légende, dans le monde entier. Les Néo-Zélandais, qui ont ravi trois fois le titre de champion du monde (en 1987, 2011 et 2015), affichent un taux de victoires indécent de 86%. Leur rituel pré-match, le haka, une danse ancrée dans la culture maori, est emblématique de l'esprit de transmission porté par ce collectif pour des générations de joueurs. Leur succès repose-t-il sur des méthodes applicables en entreprise ? Oui, selon l'ouvrage "Les secrets des All Black, 15 leçons de leadership" de James Kerr.
Leçon n°1 : Affûter le caractère de ses équipes
Chez les All Blacks et chez les maoris, l'humilité fait partie de la culture, rappelle James Kerr. "Le terme maori lui-même signifie "ordinaire" ou "naturel" afin de distinguer les hommes qui sont sur Terre des dieux du ciel", écrit-il.
Ainsi, l'auteur raconte que les plus anciens joueurs n'hésitent pas à passer le balai eux-mêmes dans leur vestiaire. "Car personne ne prend soin des All Blacks, Les All Blacks prennent soin d'eux-mêmes", écrit-il. La discipline personnelle et le rappel régulier des fondamentaux est une prérogative majeure dans l'entraînement de l'équipe.
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Le sentiment d'appartenance au collectif a également son importance. Le maillot noir à la fougère dorée sur le coeur - le taonga (trésor) - en est le symbole. C'est d'ailleurs une des rares équipes mondiales à conserver le même équipement, qu'ils jouent à domicile ou à l'extérieur. "En enfilant leur maillot, les joueurs entrent dans leur personnage. Ils deviennent les All Blacks", explique James Kerr.
En outre, les All Blacks sont insérés dans une culture du questionnement. Leurs dirigeants ont utilisé entre 2004 et 2011, période de crise pour l'équipe, une méthode pour revitaliser la culture des All Blacks. Ils se sont littéralement "posé des questions" et ont posé des questions aux joueurs pour savoir comment ils allaient pouvoir s'améliorer respectivement. Ils les ont incité à partager leurs opinions sur le collectif. "Une culture qui se pose et se repose des questions fondamentales élague les croyances inutiles et favorise la clarté de l'exécution", en retiendra l'auteur.
Leçon n°2 : S'adapter aux environnements changeants
Pour faire face à toutes les éventualités, l'équipe doit être capable de s'adapter à son environnement. Cela consiste à créer un environnement stimulant pour les joueurs et "leur donner envie d'y être", détaille James Kerr. Graham Henry, ex-entraîneur des Néo-Zélandais, considérait qu'il fallait privilégier le développement personnel des joueurs. Ce qui signifiait faire le tri des éléments néfastes au collectif.
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Il s'agit également d'impliquer les joueurs dans les processus de décision et de toujours chercher à évoluer. L'ouvrage en retiendra : "Une organisation va vers un déclin inéluctable si les leaders ne préparent pas le changement lorsqu'ils sont à l'apogée de la réussite." Ainsi, chez les All Blacks, on ne se repose pas sur ses lauriers. La stratégie gagnante consiste à changer de tactique dès que l'on est en position de force : "Les équipes qui s'épanouissent dans ce monde VICA (volatile, incertain, complexe et ambigüe en français) sont celles qui réagissent rapidement et de façon décisive pour saisir l'avantage concurrentiel sans craindre d'effectuer des réajustements en cours de route. Soit vous vous adaptez, soit vous perdez."
Leçon n°3 : Investir ses équipes d'une mission
Pour investir les joueurs dans le collectif, il faut leur proposer une mission qui fasse sens. Les leaders doivent ainsi saisir leur chance de trouver ce qui peut faire naître la motivation dans un groupe. Ils créent "un sentiment d'intégration, de connexité et d'unité - un état d'esprit collectif et pleinement collaboratif".
La motivation exceptionnelle des All Blacks provient du sens personnel qu'ils accordent à leur rôle. L'entraîneur Graham Henry dira d'eux : "Nous avons de la chance, car notre immense histoire est capable de motiver l'équipe actuelle". Pour perpétuer cela, les dirigeants en charge de l'équipe sont responsables de l'enrichissement de leur héritage. Donc, dans la continuité, du symbole qu'ils représentent pour la Nouvelle-Zélande et dans le monde. Les anciens joueurs ont également la responsabilité de la transmission de cet héritage vers les nouveaux arrivants.
Leçon n° 4 : Transmettre des responsabilités
James Kerr rapporte que chez les All Blacks, la notion de transmission des responsabilités est importante : "Les leaders créent des leaders". Il faut donc transférer des responsabilités, favoriser l'appropriation et le sens du devoir entre les joueurs au sein d'une même formation et d'une génération de joueurs à l'autre.
L'équipe, sous la gouverne de Graham Henry, a ainsi adopté une stratégie de "double leadership", soit le remplacement du système de prise de décision unilatéral par une implication des joueurs, désormais en charge de leur propre environnement. Lorsque la structure de commandement centralisé ne fonctionne plus, on rend l'intégralité des maillons de la chaîne autonomes et productifs en leur transférant une petite part de responsabilité chacun. Tous les éléments deviennent des micro-leaders à leur tour.
Leçon n°5 : Créer un environnement propice à l'apprentissage
Pour favoriser le développement des compétences des joueurs, il leur faut un milieu favorable à l'acquisition de nouvelles connaissances. Entretenir leur curiosité, leur donner envie de s'améliorer en permanence... "En trouvant les 100 choses dont ils peuvent améliorer l'exécution de 1%, les leaders créent un avantage graduel et cumulatif et les organisations voient une amélioration de leurs performances et de leurs résultats", rappelle l'auteur.
Afin d'améliorer ces performances, les entraîneurs des All Blacks vont puiser leurs inspirations du côté des autres grandes équipes qu'ils rencontrent, à l'instar de Mike Cron, entraîneur en charge de la mêlée : "Mon contrat néo-zélandais m'autorise à me rendre partout dans le monde pour améliorer mes compétences", a t-il déclaré au Samoa Times. "Pour trouver des idées, j'ai visité des camps d'entraînement de sumo et de judo au Japon, les Knicks, les Yankees et les Giants à New York, le centre d'entraînement de la National Football League en Floride".
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L'ouverture d'esprit est primordiale ainsi que la curiosité envers les schémas de réussite qui existent en dehors de l'équipe en elle-même.
Leçon n°6 : Soigner sa sélection
La sélection est importante chez les All Blacks. Afin que l'équipe oeuvre dans un but commun, il faut que les joueurs soient engagés les uns envers les autres. L'équipe devient une famille, un tout pour lequel l'ego est volontiers mis de côté. La notion de confiance est donc très importante.
La sélection a un rôle a jouer dans le leadership. Elle fixe donc des standards élevés dans les recrutements : "Les grands leaders protègent sans pitié leur personnel, encourageant la connexion, la collaboration et l'appropriation collective, tout en favorisant un solide environnement de confiance, le respect et la famille", indique James Kerr.
Leçon n°7 : Viser haut
"Viser le nuage le plus élevé", c'est le leitmotiv des All Blacks qui, juste avant la Coupe du monde de rugby en 2011, s'étaient donné pour objectif de devenir la meilleure équipe de toute l'histoire. "Les leaders stimulants ont recours à des objectifs ambitieux et irréalistes pour hausser le jeu et la puissance d'un récit et inciter à "donner vie à leur monde avec leur chant", affirme l'auteur.
Pour éviter de reproduire l'échec, les joueurs en noir ont une méthode imparable. Ils sont incités à revivre le ressenti amer expérimenté lors de défaites pour mieux s'en éloigner. On leur suggère de formuler des espérances élevées pour être incités à se surpasser.
Leçon n°8 : Miser sur une formation intensive
Chez les All Blacks, on s'entraîne pour gagner. Cet entraînement est intensif et régulier comme tout entraînement sportif de haut niveau. Certaines études scientifiques font en outre mention de l'importance de la vitesse et de l'intensité à inculquer un apprentissage, qui donnerait de meilleurs résultats.
Or, en entreprise, l'auteur de l'ouvrage remarque que la formation professionnelle est trop souvent déroutée de son efficacité par son format : "En entreprise, la formation est souvent perçue comme une option non contraignante et se limite à une journée occasionnelle. Pourtant, pour être efficace, une formation se doit d'être intense, régulière et répétée. Pour donner des résultats de premier ordre, elle doit occuper une place centrale dans la culture", indique t-il.
Pour être aussi efficace qu'un All Black, il faudrait accepter des temps de formation très intense et répétés dès que possible.
Leçon n°9 : Supporter la pression
En entreprise, "la pression est un rideau qui tombe sur les capacités", écrit James Kerr. Elle peut avoir des conséquences invalidantes pour l'accomplissement d'un projet. Souvent, les leaders emploient des techniques pour ne pas la subir. "Ils appliquent certaines méthodes, se recentrent sur eux, récitent des mantras (...)" pour garder la maîtrise de la situation. C'est le cas des All Blacks.
Leur ancien entraîneur, Graham Henry, appelle cela "passer du rouge au bleu". C'est-à-dire avoir la capacité de changer d'état émotionnel. Pour cela, il faut identifier les déclencheurs du stress (sons, images, souvenir d'un match perdu...).L'enseignement qui est transmis à ce sujet aux All Blacks relève du domaine de l'analyse comportementale et cognitive. A l'instar de la Madeleine de Proust, qui véhicule des souvenirs agréables, les All Blacks doivent trouver leur zone de confort en auto-générant les sons ou les images positives qui vont leur permettre de reprendre pied.
Il faut à la fois bien se connaître et être capable de mobiliser ses ressources personnelles pour reprendre le contrôle de soi.
Leçon n°10 : Rester authentique
Toujours dans le but d'apprendre à se connaître, les All Blacks doivent intégrer les valeurs les plus profondes qui les habitent et le genre de vie qui leur convient pour être capables de s'identifier en tant que leaders par la suite. Ils sont appelés à une certaine lucidité, envers leurs réussites comme leurs échecs.
L'auteur résume ainsi cet état d'esprit : "Si nos valeurs, nos pensées, nos paroles et nos actes sont en adéquation alors nous sommes ce que nous disons." C'est grâce à la formulation de ces références personnelles qu'ils peuvent s'incarner pleinement en tant que pièce du puzzle dans l'équipe.
Leçon n°11 : Choisir le bon sacrifice
Être un athlète de haut niveau comme le sont les rugbymen est un sacrifice de vie en soi. C'est un dépassement de soi, qui comporte des efforts et des sacrifices "que chacun consent et qui sont nécessaires pour réaliser quelque chose d'extraordinaire", souligne l'auteur.
Faire partie intégrante du collectif des All Blacks n'est pas qu'un travail, c'est une vocation et il faut s'assurer que les sacrifices consentis en vaillent la peine. Les joueurs sont incités à identifier et à démêler les bons sacrifices des mauvais. Un mauvais sacrifice ne sera pas porteur de sens et risque de nuire tandis qu'un bon sacrifice est gratifiant pour ce qu'il apporte à la personne. Ceci évite le gaspillage d'énergie et permet aux joueurs de garder le bon cap.
Leçon n°12 : Entretenir un langage du collectif
Le storytelling est une donnée importante chez les All Blacks. La narration de la genèse de leur histoire est une pierre angulaire de leur leadership. À ce propos, James Kerr explique : "Cette pensée organisatrice maîtresse aide les individus à comprendre ce qu'ils incarnent et pourquoi."
Pour entretenir leur histoire, ils ont inventé leur propre langage. De nombreux "préceptes" et codes des All Blacks proviennent de la culture maori. Ils ont un système de valeurs, compréhensible pour tous, anciens comme nouveaux arrivants. Ces us et coutumes sont transmis des anciens aux nouveaux arrivants. Grâce à ce système de pensée déjà bâti, fluide, les nouvelles recrues sont plus vite intégrées et peuvent épouser cet esprit de "corps" qui anime le collectif, plus rapidement.
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Leçon n°13 : Mettre en place des rituels
Les rituels sont très importants pour les All Blacks. "Le haka est l'un des phénomènes parmi les plus excitants dans l'univers du sport", rappelle l'écrivain. Ce rituel a plusieurs intérêts parallèles à son but initial. Il est apprécié du public, fédérateur autour de l'équipe. Il crée un "marketing" naturel en entretenant la mythologie des All Blacks. Il intimide l'adversaire qui est ainsi poussé dans ses retranchements par la puissance de cette union inter-joueurs constatée sur le terrain.
Mais si l'équipe accomplit le haka, c'est avant tout pour une raison bien plus pragmatique et modeste. Cette danse sert à rappeler l'objectif fondamental du match. Il permet de prendre un temps pour se connecter à l'essence de la culture du collectif et celui des joueurs. On convoque les ancêtres et on leur demande leur aide dans la bataille. C'est un défi envers les concurrents et envers les joueurs eux-mêmes.
C'est l'incarnation d'un système de croyances. Pour les leaders, en entreprise, créer un équivalent au haka peut les aider à insuffler un sens personnel et un sentiment d'appartenance à l'équipe qui focalise l'attention sur l'objectif à atteindre. "Les leaders avisés cherchent des façons de ritualiser leur entreprise, de trouver des procédés vivants et profonds à même de donner vie à leur éthique", décrit l'auteur.
Leçon n°14 : Honorer ceux qui nous ont précédé
Encore un symbole d'humilité pour l'équipe des Néo-Zélandais. La transmission est une affaire sérieuse et, pour bien transmettre, il faut être à la hauteur du modèle que l'on incarne. Littéralement : "Être un bon ancêtre". La carrière d'un joueur des All Blacks est empreinte de spiritualité et de respect des traditions. Le joueur est tenu de respecter cet héritage jusqu'à son départ et de se montrer digne de l'honneur qui lui a été fait, celui d'avoir pu porter le maillot de l'équipe.
En entreprise, cela revient à soigner la transmission des savoirs des collaborateurs et cadres qui s'en vont vers les nouveaux arrivants, leurs remplaçants et à s'assurer que la culture de l'entreprise ne s'efface pas avec les départs.
Leçon n°15 : Entretenir l'héritage
L'héritage des All Blacks est ce qui forge leur identité tout au long de leur carrière. Cet héritage est pluriel. Il est à la fois celui des joueurs qui les ont précédé et la touche qu'ils ont apportée. Lorsque les joueurs intègrent l'équipe néo-zélandaise, ils reçoivent en cadeau un livret noir relié en cuir. Sur les premières pages figurent les maillots des équipes légendaires précédentes. Suivies des pages relatant l'histoire des All Blacks, le code d'éthique, les valeurs, le code d'honneur et le caractère de l'équipe. Les autres pages sont vides pour laisser la place aux arrivants de renseigner leurs propres exploits. Ce qui implique qu'il faille en commettre pour être pleinement intégré à l'histoire du club.
Un bon leadership sur le long terme consiste, en entreprise, à inciter les collaborateurs à avoir ces deux grilles de lecture. Ils doivent se sentir à la fois maillons de la chaîne et individus à part entière qui ont su apporter une chose unique et qui leur appartient.