L'enquête auprès des franchisés : nécessaire... mais pas suffisante
La consultation des franchisés d'un réseau est l'un des rares moyens permettant à des candidats à la franchise d'apprécier la qualité de ce réseau. Cependant pour de multiples raisons, les témoignages des franchisés doivent être considérés avec beaucoup de prudence.
Dans ce réseau de plus de 100 unités, les franchisés n’ont pas le droit de répondre sincèrement aux candidats à la franchise s’ils sont déçus par leurs propres résultats
Ainsi, Monsieur B., franchisé sur Paris, nous a récemment confié avoir fait l’objet (au même titre que d’autres franchisés de son réseau) de menaces et de pressions de la part de son franchiseur. En effet, le franchiseur reprochait à Monsieur B. d’avoir répondu à un candidat qui l’interrogeait dans le cadre de son étude préliminaire, qu’il était déçu par ses résultats et qu’il n’aurait pas rejoint le réseau s’il avait su ce qu’il sait aujourd’hui. Le franchiseur a signifié à Monsieur B. qu’il pouvait porter plainte pour dénigrement en cas de récidive. Par la suite, le franchiseur a adressé à Monsieur B., ainsi qu’à l’ensemble des franchisés du réseau, un courriel avec les articles de loi et la jurisprudence concernant le dénigrement et la diffamation au sein d’un réseau.
Dans un autre réseau de plus de 150 unités, les franchisés étaient financièrement incités à encourager les candidats à rejoindre le réseau
Autre réseau, autre technique. Pour inciter les franchisés à parler positivement de son réseau, le franchiseur offrait aux franchisés contactés par un candidat, de partager la somme de 1000€ ... à condition que ce candidat rejoigne le réseau. D’un point de vue pratique, les franchisés interrogés devaient se faire connaître auprès de la tête de réseau afin de prétendre à tout ou partie des 1000 euros. Ainsi, si quatre franchisés déclaraient avoir été contactés par un candidat qui rejoignait le réseau, chacun d’eux recevait 250 €.
Aux Etats-Unis, le pouvoir fédéral met en garde les candidats à la franchise contre « les faux franchisés » mis en place par certains franchiseurs
Ci-dessous, nous reproduisons la traduction d’une partie du texte que l’on peut trouver sur le site internet de la Federal Trade Commission (agence indépendante du gouvernement des Etats-Unis jouant le rôle de la répression des fraudes et du ministère du commerce en France) :
« Pour connaître le comportement passé d’un franchiseur ou d’un vendeur d’opportunités d’affaires et savoir ce qu’ils ont fait, le meilleur moyen est encore de contacter au moins 100 personnes qui ont acheté le concept avant vous. C’est pourquoi la Loi de la Franchise exige que les entreprises fournissent aux candidats une liste des noms, adresses et numéros de téléphone d’au moins 100 personnes qui ont acheté le concept et qui sont géographiquement proches de chez vous.
Posez-leur des questions au sujet de leurs expériences.
Interrogez-les pour vérifier qu’ils ont effectivement acheté le concept et assurez-vous qu’ils ne sont pas payés pour fournir un avis favorable.
Un responsable de tête de réseau peu scrupuleux peut mettre en place des « hommes de paille » qui n’auront d’autres buts que de vous fournir des témoignages d’estime par téléphone. N’hésitez pas à rencontrer ces personnes sur leur lieu de travail. »
Les solutions : les documents comptables des entreprises franchisées et l’avis des anciens franchisés
Le fait est que les franchisés d’un réseau ne sont souvent pas libres de leurs paroles. Soit parce qu’ils ont peur des réactions du franchiseur si celui-ci apprend qu’ils n’ont pas donné une image positive du réseau, soit parce que le franchiseur a déjà eu l’occasion de leur rappeler son interprétation très personnelle de « leur obligation de loyauté ». En effet, de plus en plus de franchiseurs s’appuient sur cette obligation, pour menacer les franchisés de poursuite en cas de communication d’opinions négatives.
Une solution est de ne prendre en considération l’opinion d’un franchisé que si vous êtes en mesure de vous procurer les comptes sociaux de ce franchisé. Vous pourrez ainsi vérifier la cohérence entre le discours du franchisé et ses résultats financiers.
Une autre solution est d’interroger les anciens franchisés du réseau. Ces derniers n’étant plus liés au franchiseur, parlent avec beaucoup plus de liberté et de sincérité.
Depuis plus de 15 ans déjà, la réglementation américaine a reconnu la difficulté des futurs franchisés à s’informer auprès des seuls franchisés d’un réseau. Elle a partiellement résolu le problème en obligeant les franchiseurs à fournir la liste et les coordonnées des franchisés ayant quitté le réseau au cours des trois dernières années dans la section 20 du document d’information précontractuelle (appelé Franchise Disclosure Document).
Aujourd’hui, il n’en va malheureusement pas de même en France.