Le compte PME Innovation est-il avantageux pour les entrepreneurs ?
Michel Sapin a présenté, vendredi 18 novembre 2016, le nouveau "Compte PME Innovation", découlant du projet de "Compte entrepreneur-investisseur". Si ce dernier avait reçu le soutien des Business Angels, la version présentée déçoit bon nombre d'entrepreneurs.
Je m'abonneL'objectif de départ était louable: repousser l'imposition d'un entrepreneur sur la plus-value réalisée à la revente de son entreprise en l'encourageant à réinvestir dans des jeunes entreprises et ainsi, faciliter leur financement. Mais comme souvent, l'idée de départ a été dénaturée et compliquée à outrance. En l'état actuel, le dispositif "Compte PME Innovation" rate sa cible et pourrait ne pas rencontrer le succès espéré.
Conditions inadaptées
Depuis l'annonce du "compte entrepreneur investisseur", Bercy a intégré au dispositif des conditions d'accès et d'application inadaptées à l'enjeu affiché au départ qui risquent de limiter le recours au dispositif "compte PME innovation".
Notamment, la création de seuils de détention du capital pour prétendre au dispositif. Fixés à 10% pour les salariés et dirigeants d'entreprise, et à 25% pour les actionnaires, ces seuils ne correspondent pas à la réalité de l'entreprise. Les Business Angels investissent rarement au-delà de 25% dans les entreprises.
Autre condition, les investisseurs devront obligatoirement s'investir humainement et occuper un poste clé dans l'entreprise. Si le monitorat (un entrepreneur expérimenté guidant des jeunes PME) est une bonne intention, cela risque là aussi de limiter le recours au dispositif. Un Business Angel n'est pas un chef d'entreprise, mais un gestionnaire d'argent. On peut s'attendre à ce que ces investisseurs contournent cette obligation légale, en n'étant pas présents dans leurs fonctions. Il s'agit donc d'une source de complexité juridique supplémentaire inutile car peu en adéquation avec le terrain.
Certes, le "compte PME innovation" profitera aux entrepreneurs ayant réussi une première fois et prêts à s'investir dans une deuxième entreprise. Cette mesure sera également bénéfique pour les jeunes PME qui verront une hausse des investissements et qui gagneront à être accompagnées d'un entrepreneur à succès. Mais le public est restreint. Le gouvernement a perdu de vue le bénéficiaire originel du dispositif: le business angel. Ce dernier est écarté, et en définitive, il se détournera du dispositif.
Simplifier le dispositif
Le compte PME Innovation est une mesure pertinente, mais trop contraignante. Pour gagner en efficacité, Bercy devrait revenir au texte initial plus ouvert. Par exemple, il faudrait revenir sur les seuils, soit en les abaissant, ou mieux en les supprimant. Le compte PME Innovation toucherait ainsi un public plus large. De même, il conviendrait de revenir sur l'obligation d'occupation d'un poste clé : en l'état, cette contrainte légale est contreproductive.
Espérons que débat à l'assemblée nationale, qui fixera le cadre légal du "compte PME innovation", tienne compte des appels des entrepreneurs à simplifier le dispositif.
Yannick Souchet est expert-comptable associé au Cabinet GMBA Baker Tilly