Vendre, oui, mais à QUI? p. 37
Sur les 14 000 à 20 000 intentions de cession exprimées en 2010, seules 12 315 se sont concrétisées, selon une étude de BPCE L'Observatoire publiée le 9 décembre 2011 . Un décalage qui s'explique par un manque d'anticipation, ainsi que par le caractère anxiogène de l'opération, la difficulté à identifier les bons interlocuteurs... Mais peut-être aussi parce qu'il est délicat de trouver le bon repreneur. Une chose est sûre, des candidats, il en existe. Et ils peuvent prendre plusieurs formes: un parent, des salariés, un manager de votre entreprise, un concurrent, un porteur de projets, un fond d'investissement... N'hésitez pas à explorer toutes les pistes pour retenir celle qui vous convient le mieux.
Vendre à un tiers pour une plus-value maximale
Céder son entreprise à un tiers (concurrent, fonds d'investissement, etc.) est une solution fréquemment utilisée. Elle augure de belles perspectives de plus-values, mais encore faut-il trouver le bon repreneur. Pour ce faire, de nombreux experts peuvent vous aider.
Dans votre recherche du repreneur idéal, vous n'êtes pas seul. « Le bon réflexe: s'entourer de conseils, lance Christian Baudouin, p-dg de la SA Michel Creuzot, cabinet d'experts-comptables et de commissaires aux comptes, membre du réseau France Défi. Le premier d'entre eux, c'est l'expert-comptable qui connaît votre activité. » Mis à part vos partenaires privilégiés, faites appel à des spécialistes de la cession. Vous pouvez vous appuyer sur les établissements bancaires qui disposent souvent de départements fusion-acquisition et sur des cabinets spécialisés. Ceux-ci peuvent vous accompagner dans vos démarches et vous mettre en relation avec de potentiels acquéreurs. « Lorsque j'ai décidé de céder l'entreprise que j'avais créée en 1975, j'ai confié la vente à un cabinet, explique Yves Haudiquet, ex-dirigeant de l'imprimerie Créaset-Point 44, qui assume aujourd'hui des responsabilités au sein de l'association CRA (Cédants et repreneurs d'affaires). Mais je me suis rapidement tourné vers le CRA, car je trouvais que le cabinet ne me proposait pas des profils adaptés. » Cette association nationale à but non lucratif constitue un bon levier quand on envisage de céder son entreprise. Elle a pour objet de favoriser la cession et la transmission de PME-PMI d'une valorisation comprise entre 300 000 euros et 5 millions d'euros, avec un effectif de cinq à 100 salariés. Pour bénéficier de ses services, il suffit d'y adhérer (lire l'encadré p. 40).
Une multitude d'acteurs
Le réseau Apere, dont les conseillers sont d'anciens managers et dirigeants expérimentés, vous aide, quant à lui, à réaliser le diagnostic, le dossier de présentation, la recherche et la sélection d'un repreneur, ainsi que l'étude de l'offre, l'assistance et le conseil à la vente. Il vous assiste tout au long de la négociation, moyennant une adhésion annuelle de 1 794 euros TTC.
Autre réseau, francilien cette fois, Passer le relais. Sur le site www.passerlerelais.fr, vous pouvez diffuser votre offre de cession gratuitement. Pour obtenir une évaluation de votre entreprise, l'association peut intervenir, mais attention, elle facture l'audit 750 euros HT, par jour. Selon la taille et les actifs de la société, l'opération peut être complexe, Passer le relais établit donc un devis préalable. Vous pouvez aussi télécharger sur site de l'Agence pour la création d'entreprises, www.apce.com, un kit cédant-repreneur qui vous guidera dans votre projet de transmission. Alliées de taille, toutes les chambres consulaires disposent d'antennes dédiées à la préparation de la transmission d'entreprises. Par exemple, la chambre de commerce et d'industrie de Paris (CCIP) a mis en place un dispositif réservé aux métiers d'art, du luxe et du patrimoine. Il s'appuie sur un accompagnement en deux temps. Un conseiller spécialisé de la CCIP vous informe sur la transmission de votre entreprise et/ou la recherche de partenaires, puis réalise un diagnostic et une estimation de la valeur de votre structure en vue de rédiger un dossier de présentation. Il recherche ensuite des repreneurs qualifiés. Ce volet - optionnel est facturé 600 euros HT.
Zoom sur la location-gérance
Ainsi accompagné, vous mettez toutes les chances de votre côté pour préparer votre entreprise à la cession et trouver votre repreneur dans les meilleures conditions. Mais sachez que la vente à un tiers peut prendre plusieurs formes et notamment la location-gérance. Cette solution permet au chef d'entreprise de s'assurer un revenu régulier, tout en conservant la propriété de l'activité. Le locataire-gérant dispose du droit d'exploiter l'activité, à ses risques et périls, en contrepartie du paiement d'une redevance. Cette formule lui permet de tester l'activité et de ne pas investir lourdement dans un premier temps. Le contrat de location-gérance peut être assorti d'une promesse de vente. Attention, cette solution peut présenter des inconvénients majeurs. Pendant un délai de six mois, à compter de la date de publication du contrat de location-gérance, le bailleur est solidairement responsable des dettes d'exploitation contractées par le locataire-gérant, mais aussi, pendant toute la durée du contrat, des impôts dus à titre de l'exploitation de l'entreprise. Par ailleurs, si la vente n'est pas conclue, vous pouvez vous retrouver avec une entreprise dépréciée si le locataire-gérant ne l'a pas bien gérée. Enfin, la transmission d'une société qui serait exploitée en location-gérance ne peut bénéficier de l'exonération partielle des droits de mutation et n'est plus éligible au régime d'exonération des plus-values des petites entreprises... Veillez à border le contrat avec des experts, sous peine de voir votre opération susceptible de subir une requalification fiscale, voire une annulation pour abus de droit.
Focus sur la cession à titre onéreux
Le plus simple reste la vente à titre onéreux d'un fonds de commerce, d'un contrat de bail, de parts de société... Dans le cas d'une entreprise individuelle, seuls les éléments d'actif peuvent faire l'objet d'une transaction. Dans le cas d'une cession de parts sociales, avant d'envisager la transmission à un tiers, assurez-vous que l'opération n'est pas limitée par une clause de préemption en faveur des autres associés. Si tel est le cas, le cédant doit obtenir leur renoncement avant de pouvoir transmettre ses titres à un tiers. Par ailleurs, le repreneur doit être agréé par les autres actionnaires. Dans le cas d'une cession d'actions, le principe est que ces dernières sont librement négociables, liberté qui peut être cependant limitée par une clause incluse dans votre éventuel pacte d'actionnaires. Lors de la vente de parts sociales ou d'actions, le cédant est soumis à la taxation des plus-values et il est redevable de droits d'enregistrement.
Enfin, il existe des montages juridico-financiers permettant la transmission. C'est le cas du LBO (Leveraged buy-out), qui désigne l'acquisition d'une entreprise en recourant à l'effet de levier. Le montage de l'opération repose sur la création d'une holding d'acquisition, qui s'endette pour ensuite acquérir les titres de l'entreprise reprise et en prendre le contrôle. « L'opération n'est envisageable que si la rentabilité de la cible est suffisante et que les revenus distribués par cette dernière financent le remboursement de la dette contractée par la holding», précise Michel Ferrand, avocat spécialiste des opérations de fusion-acquisition pour le cabinet FLP Avocats. Le LBO peut prendre plusieurs formes selon la situation de l'acquéreur. Dans l'OBO (Owner buy-out), c'est le dirigeant propriétaire cédant qui s'associe à des investisseurs financiers. La valorisation doit à la fois satisfaire le cédant qui, selon Michel Ferrand, « optimisera l'imposition des plus-values, mais devra éviter l'écueil de l'amendement Charasse », et ne pas hypothéquer l'avenir de la holding qui va s'endetter pour financer l'achat. Il ne faut pas négliger la mise en concurrence des fonds d'investissement. Dans le même esprit, il existe le MBI (Management buy-in): l'acquisition se fait alors par une holding détenue par un dirigeant extérieur, associé à des capital-investisseurs, voire à des salariés.
Pour quelle plus-value?
Ces techniques augurent, pour le cédant, une plus-value intéressante. Mais présentent l'inconvénient de n'offrir aucune garantie sur la préservation des emplois. « Si le cédant a tout sacrifié au développement de son entreprise en y réinvestissant ses profits et qu'il n'a pas constitué un patrimoine satisfaisant, il souhaitera maximiser le prix de cession, accroissant ainsi les besoins de rentabilité de l'acquéreur», explique Michel Ferrand (FLP Avocats). Pour le cédant, le compromis est difficile à trouver entre la valorisation de dizaines d'années de travail, le souhait de pérenniser l'activité qu'il a créée et les emplois qu'il a su générer. La plupart des protocoles de vente prévoient un temps d'accompagnement pour assurer la transition. « C'est un temps particulier qui ne doit pas durer trop longtemps», souligne Yves Haudiquet (CRA). Une transition qui permet de s'approprier l'entreprise et de faire le lien entre le repreneur et les salariés.
LE TEMOIGNAGE DE Bruno Colin et Jean-Marc Denoual, ex-dirigeants de JMB Fournitures Informatiques
«Nous avons trouvé un repreneur qui partage nos valeurs grâce au CRA»
Le 16 janvier 2012, Bruno Colin et son associé Jean-Marc Denoual cèdent l'entreprise JMB Fournitures Informatiques, qu'ils avaient fondée ensemble en 1992, à Philippe Delaruelle. Les deux hommes sont parvenus à créer 1 5 emplois et à réaliser un chiffre d'affaires de 5,6 millions d'euros sur le dernier exercice. «Mais nous avons jugé qu'il était temps pour nous de passer la main, explique Bruno Colin. Le métier change et nous ne nous sentions plus de faire évoluer l'entreprise dans le bon sens. » Après en avoir parlé avec leur expert-comptable, ils confient leur projet de cession à la filiale fusion-acquisition de la Banque Populaire. «Parallèlement, nous avons rencontré le CRA.
C'est grâce à cette association que nous avons trouvé le repreneur», précise-t-il. En effet, le référent en charge de leur dossier au CRA leur a présenté plusieurs candidats, jusqu'à ce que l'affaire soit conclue. Leur critère de choix? «Nous cherchions un repreneur qui partageait les mêmes valeurs humaines que nous. Je vis à Brest et je ne voulais pas avoir à changer de trottoir en croisant mes anciens salariés», relate Bruno Colin.
JMB Fournitures Informatiques
- Activité
Vente de consommables et matériels informatiques
- Ville
Brest (Finistère)
- Forme juridique
SARL
- Année de cession
2012
- Effectif
15 salariés
- CA 2011
5,6 MEuros
Michel Ferrand, avocat, cabinet FLP Avocats
«Le LBO n'est envisageable que si la rentabilité de la cible est suffisante pour financer le remboursement de la dette contractée par la holding. »
SUR LE WEB
Déposez votre annonce sur une bourse d'opportunités
Si certains experts peuvent vous amener des contacts de repreneurs sur un plateau, une autre possibilité est de publier une petite annonce sur un site web dédié. Ces plateformes proposent, par ailleurs, des propositions de reprises. En voici une petite sélection:
- www.cessionpme.com: à partir de 80 euros HT le dépôt d'annonce, 30 euros HT pour obtenir le contact de repreneurs ayant publié une annonce.
- www.cra.asso.fr: petites annonces et accès aux repreneurs réservés aux adhérents du CRA (1 200 euros HT pour 18 mois).
- www.fusacq.com (ou www.chefdentreprise.com, rubrique services): ne traite pas les commerces de proximité et les restaurants, petite annonce de cession gratuite, accès aux coordonnées de la bourse de repreneurs (250 euros HT par an).
- www.passerlerelais.fr (réseau francilien): diffusion gratuite de votre offre de cession.
CE QU'IL FAUT RETENIR
- Les experts en cession sont nombreux (banques, réseaux et cabinets spécialisés...). Ils peuvent vous aider à évaluer le prix de vente, à rédiger un cahier de présentation et à vous présenter des repreneurs potentiels.
- La location-gérance permet de conserver la propriété de l'activité tout en percevant des revenus réguliers. La vente à titre onéreux d'un fonds de commerce, d'un contrat de bail, de parts sociales ou d'actions est une autre option, tout comme les montages financiers de type LBO (Leveraged buy-out).
Lexique
LBO (Leveraged buy-out)
Ce terme désigne les opérations de rachat de sociétés avec effet de levier (LMBO, Bimbo, OBO...). Le financement est assuré par l'endettement d'une holding créée à cet effet.
LMBO et LMBI
(Leverage management buy-out et Leveraged management buy-in)
Rachat d'une entreprise par ses cadres dirigeants (LMBO) ou par des cadres extérieurs à la société (LMBI).
Bimbo (Buy-in management buy-out)
Rachat d'une société par ses cadres dirigeants associés à des repreneurs extérieurs.
OBO (Owner buy-out)
Opération d'un chef entreprise se vendant à lui-même des titres de sa société via un LBO.
Vente aux salariés: pérennité de l'activité sans sacrifice financier
Pourquoi ne pas passer le flambeau à vos collaborateurs, eux qui connaissent l'entreprise, ses process, son marché, ses clients, la respectent et souhaitent vivre une nouvelle aventure professionnelle? Transmission à l'équipe dirigeante ou aux salariés réunis en coopérative, saisissez la meilleure opportunité!
Environ un tiers des PME transmises le sont, d'une façon ou d'une autre, aux salariés, selon les chiffres publiés par Oséo. « La transmission aux salariés est une piste à considérer, car ils connaissent l'entreprise et assureront une certaine continuité dans sa gestion. Les équipes sont souvent motivées et, ce qui est flatteur pour le cédant, c'est cet esprit de filiation naturelle », détaille Michel Ferrand, avocat spécialiste des opérations de fusion-acquisition pour le cabinet FLP Avocats . Pour autant, transmettre l'entreprise à ses collaborateurs implique un certain état d'esprit. « Les salariés connaissent l'état de santé global de l'entreprise, la qualité des outils de production, les forces et les faiblesses de la structure. Cela peut parfois rendre les négociations un peu plus compliquées », précise Christian Baudouin, p-dg de la SA Michel Creuzot, cabinet d'experts-comptables et de commissaires aux comptes, membre du réseau France Défi. L'une des difficultés de ce type de transmission, c'est la définition du prix de vente. Contrairement aux idées reçues, cette démarche n'implique pas une cession au rabais. « La vente d'une entreprise aux salariés réunis en Scop (société coopérative et participative, NDLR) obéit à la loi du marché, assure François Frénéat, directeur de l'Union des Scop de l'Ouest. Le prix n'est jamais bradé! Pour autant, le cédant ne doit pas être dans une optique de plus-value maximale comme ce serait le cas avec une vente à un fonds d'investissement, par exemple. » Dans tous les cas, il est impératif que le dialogue puisse s'instaurer dans de bonnes conditions. « Céder l'entreprise que l'on a créée à ses salariés n'est pas si facile d'un point de vue psychologique, explique Yves Haudiquet, qui a vendu l'imprimerie Créaset-Point 44 en 2010 et assume aujourd'hui des responsabilités au sein de l'association CRA (Cédants et repreneurs d'affaires). Il faut accepter de lâcher prise et de laisser ceux qui exécutaient vos décisions prendre une part toujours plus importante dans la stratégie de la société. » Si cette voie vous tente, il existe plusieurs façons de céder son entreprise à ses collaborateurs: via une opération de LBO (Leveraged buy-out, voir lexique p. 40) comme le LMBO (Leveraged management buy-out), le LMBI (Leveraged management buy-in), l'OBO (Owner buy-out), le MBO (Management buy-out), ou encore le Bimbo (Buy-in management buy-out), c'est-à-dire le rachat par un dirigeant repreneur en association avec le dirigeant propriétaire vendeur et/ou des cadres de l'entreprise. Autre option: la constitution d'une Scop ou, de façon plus classique, la location-gérance ou la cession à titre onéreux (lire Solution 1 p. 38)
Le MBO: mode d'emploi
Intéressons-nous au cas particulier du MBO. Il s'agit du rachat d'une entreprise par son équipe dirigeante, accompagnée par des investisseurs financiers majoritaires ou minoritaires. Le propriétaire peut ainsi vendre son entreprise à un prix raisonnable. Le MBO peut se faire par l'achat d'actions ou par la reprise de l'actif, dont le passif est déduit. L'achat d'actions implique que tous les autres droits et engagements sont repris. Ainsi, le repreneur accepte le risque de s'exposer à des engagements non connus (impôts non comptabilisés, engagements de garanties, plaintes, etc.). Si le risque semble trop élevé, mieux vaut opter pour la transaction sur l'actif. Seule ombre au tableau: les acquéreurs ne disposent pas toujours des moyens financiers. Aussi, pour soutenir cette reprise, le repreneur peut éventuellement se faire aider par le vendeur lui-même (via un crédit-vendeur), s'il est disposé à prêter une partie du prix de la reprise à l'acheteur. Ce montant peut alors être remboursé pendant un délai déterminé, à un taux classique. Mais les repreneurs peuvent aussi envisager de créer une holding qui emprunte une partie du prix à payer et règle ainsi le vendeur. La holding rembourse la dette via des versements de dividendes ou via le cash-flow de l'entreprise. A savoir: grâce à cette holding de rachat, les salariés peuvent bénéficier d'un crédit d'impôt égal au montant de l'impôt sur les sociétés dû par l'entreprise qu'ils rachètent.
La Scop:
un modèle efficace
La Scop, d'un point de vue juridique, est une société coopérative, de forme SA ou SARL, dont les salariés sont les associés majoritaires. Ces derniers détiennent au moins 51 % du capital social et 65 % des droits de vote. Le dirigeant est élu par les autres salariés associés. Le principal atout de la Scop, c'est la possibilité pour le cédant d'y être intégré pour préparer peu à peu la transmission. Ainsi, quand l'heure de la retraite approche, il peut abandonner ou non ses parts dans la Scop. Par ailleurs, dans certains secteurs d'activité ou pour certaines entreprises difficiles à vendre, la transmission aux salariés représente une réelle opportunité, car ils sont les principaux intéressés par la poursuite de l'activité. «En règle générale, c'est le cédant qui est à l'origine du projet de création de la Scop, en informant ses collaborateurs de sa volonté de transmettre, signale François Frénéat (Union des Scop de l'Ouest). Mais pour que le projet soit un succès, il faut d'une part un dialogue de qualité et d'autre part s'assurer que les objectifs patrimoniaux du cédant sont en accord avec le potentiel de l'entreprise. » Des réseaux tels la Confédération générale des Scop peuvent vous accompagner, ainsi que vos salariés, dans cette démarche. Cette association au rayonnement national fédère 1959 Scop. Elle apporte conseil, formation et audit approfondi pour accompagner également le projet des salariés repreneurs. Par ailleurs, le financement de l'opération par les salariés est facilité par certains acteurs comme le Crédit coopératif, banque de 80 % des Scop, et France Active, financeur solidaire.
Enfin, si vos salariés ne sont pas intéressés par la reprise de leur entreprise, pourquoi ne pas recruter un bras droit, dans l'optique qu'il devienne votre futur repreneur? Il s'agit alors de ne pas rater le casting...
François Frénéat, directeur, Union des Scop de l'Ouest
«Dans le cap d'une Scop, même si le prix n'est jamais bradé, le cédant ne doit pas être dans une optique de plus-value maximale.»
LE TEMOIGNAGE DE Guillaume Grueau, gérant-associé d'ECIE
«En trois mois, nous avons fondé notre Scop»
Lorsqu'en 2006, Gérard Louvel, le fondateur d'ECIE, un bureau d'études techniques spécialisé dans la maîtrise de l'énergie, informe ses salariés de son intention de céder son entreprise. «Personne ne savait ce que pouvait être une Scop, raconte Guillaume Grueau, aujourd'hui gérant de l'entreprise. Nous avons reçu alors la visite d'un représentant de l'Union des Scop de l'Ouest qui nous a expliqué le principe. » Puis le projet est mis en sommeil durant quatre ans, le temps de préparer ECIE, fondée en nom propre, à la transmission. «Gérard Louvel voulait nous transmettre un outil de production performant. A partir du moment où le départ à la retraite du fondateur a été acté, tout est alors allé très vite: en trois mois, nous avons fondé notre Scop, se rappelle le gérant. Les cinq salariés repreneurs ont investi selon leurs moyens, certains ayant réalisé un apport personnel et d'autres ayant eu recours à des emprunts bancaires. »
Ce qui a changé pour les cinq actionnaires? «Au quotidien, pas grand-chose, si ce n'est que nous avons une meilleure visibilité sur la stratégie globale de l'entreprise, qui ne se limite plus à la stratégie commerciale. L'implication de chacun n'est pas plus forte, mais différente!»
ECIE
- Activité
Ingénierie, études techniques
- Ville
Fougères (Ille-et-Vilaine)
- Forme juridique
Scop sous forme de SARL
- Dirigeant
Guillaume Grueau, 31 ans
- Année de reprise
2010
- Effectif
7 salariés
CA 2011
423 keuros
Passer le flambeau à sa famille: la voie du coeur
Même si l'opération reste marginale en France, céder son entreprise à sa famille présente des avantages, notamment fiscaux. Mais ce mode de transmission soulève aussi de nombreuses interrogations.
Seulement 14 % des opérations de cessions d'entreprise annuelles sont des transmissions dans le cadre familial, selon les chiffres publiés le 9 décembre 2011 par BPCE L'Observatoire. Un pourcentage qui grimpe à 22 % lorsque le cédant a passé le cap des 60 ans. Il n'est donc pas fréquent de voir des sociétés prendre une «dimension dynastique», malgré les incitations fiscales (lire l'encadré p. 46) mises en place pour faciliter la transmission à un ou des héritiers.
Avant tout, anticiper!
On ne décide pas de céder son entreprise sur un coup de tête! C'est encore plus vrai dans le cadre d'une cession intra familiale. Pour Christian Baudouin, p-dg de la SA Michel Creuzot, cabinet d'experts-comptables et de commissaires aux comptes, membre du réseau France Défi, « transmettre à sa famille nécessite un important travail de préparation ». Ce spécialiste, qui réalise dans toute la France des formations à la transmission d'entreprise, recommande « de prendre ses dispositions au moins quatre à cinq ans avant d'envisager la cession». Le temps nécessaire pour mettre de l'ordre dans l'activité. « Il faut agir en amont pour optimiser la fiscalité, purger les prescriptions fiscales et ne pas faire de cadeau empoisonné aux repreneurs.» Séparer l'immobilier de l'activité, valider les contrats commerciaux, les baux, purger les actions minoritaires et surtout « céder une entreprise saine qui gagne de l'argent ». Il existe différentes façons de transmettre son entreprise à des membres de sa famille.
Céder à titre gratuit
Dans le cadre de la transmission à titre gratuit, il est possible de prendre des dispositions afin d'organiser une succession pour un montant de droits inférieur à ceux qui seraient dus en cas de cession à titre onéreux. Plus cette donation intervient tôt, plus elle est fiscalement intéressante. Pour autant, cette solution soulève le problème des besoins financiers du cédant au moment où il souhaite transmettre. S'il cède à titre gratuit, il ne touche rien et, même dans le cadre d'une transmission par voie de donation, « il faut savoir que les droits de mutation peuvent être non négligeables, explique Michel Ferrand, avocat spécialiste des opérations de fusion-acquisition pour le cabinet FLP Avocats. Il faut donc pouvoir supporter le coût de l'opération.» L'une des pistes à explorer peut être celle du démembrement, le chef d'entreprise conservant l'usufruit. « Cette solution est intéressante: elle préserve, en effet, des revenus au cédant, qui peut alors conserver les dividendes, ce qui atténue d'autant le coût des droits de mutation », précise le spécialiste. Si vous envisagez de transmettre par voie de donation, des difficultés peuvent intervenir dans le cas où plusieurs enfants doivent se partager l'entreprise: dissensions dans le cadre de la gestion de la société, volonté de certains enfants à être désintéressés de la structure familiale, etc. « L'ensemble des volets de la vie du dirigeant doit être analysé. Toutes les subtilités de sa vie personnelle et professionnelle doivent être comprises par l'expert-comptable et l'avocat pour éviter les dissensions familiales ou le manque de légitimité du repreneur face aux salariés, par exemple », développe Christian Fleuret, fondateur de Finaréa et spécialiste de l'ingénierie financière et patrimoniale.
Transmettre à titre onéreux
Si votre objectif est de céder votre entreprise à vos enfants, il est possible de réduire le poids des droits de mutation en créant une holding patrimoniale. En mettant sur pied des dispositifs tels que les LBO (Leverage buy-out, voir le lexique p. 40), il est possible d'optimiser la fiscalité. La société rachetée verse des dividendes à la holding, qui peut rembourser sa dette, majorée des intérêts, à sa banque. En cas de pluralité d'héritiers, il peut être logique d'envisager des soultes pour équilibrer la part de chacun. En vous orientant vers l'OBO (Owner buy-out), la logique est similaire, mais, lors de la constitution de la holding, l'entrepreneur apporte une partie de ses actions sur la base d'une valorisation généralement élevée. Le chef d'entreprise peut ensuite sortir du capital de la holding, en revendant sa participation minoritaire. Vous pourrez alors octroyer la majorité des parts à l'un de vos héritiers en droit de vote, mais pas forcément en capital pour préserver le pouvoir décisionnel dans l'entreprise. Dans tous les cas de figure, « le rôle des conseils est essentiel, indique Christian Fleuret. Vous devez confronter les avis, comparer les montages, car les choix d'aujourd'hui conditionnent l'avenir. Si la question est mal pensée au départ, la holding peut devenir une véritable bombe à retardement... » Au-delà de préparer la transmission de votre entreprise à vos héritiers hors des contraintes liées aux droits de mutation, la holding contribue à réduire le poids de l'impôt sur le revenu, car elle acquiert la société par la voie d'un emprunt. Cependant, Michel Ferrand (FLP Avocats) nuance: « Il faut se méfier des fausses bonnes idées. En créant une holding pure, on peut se heurter à des contraintes juridiques fortes. » La piste de l'OBO est donc rarement conseillée dans le cadre de la transmission à des membres de la famille. « C'est une solution que l'on privilégiera plutôt pour un rachat par un fond d'investissement ou par un groupe de salariés », indique le spécialiste.
ZOOM
Des incitations fiscales à connaître
Le pacte Dutreil a été conçu pour préserver la pérennité des entreprises au moment de leur transmission (héritage ou donation). Ce dispositif assure la protection d'un actif professionnel ou permet sa transmission à moindre frais, grâce à un abattement de 75 % sur la valeur des titres transmis. Cependant, seules les entreprises ayant une activité industrielle, commerciale, artisanale, agricole ou libérale sont concernées. Le pacte repose sur un engagement collectif de conservation des titres de deux ans et doit porter sur au moins 34 % de ces derniers. Suite à ce délai, les héritiers prennent un engagement individuel de conservation de quatre ans. En juillet 201 1, le pacte a été assoupli: il est désormais possible de faire entrer de nouveaux associés dans un pacte existant et de céder des titres pendant la période d'engagement collectif, si le seuil de 20 % reste atteint et que celui qui achète les titres s'associe à l'engagement collectif.
Christian Fleuret, fondateur, Finaréa
« Le rôle des conseils est essentiel. Si la question est mal pensée au départ, la holding peut devenir une véritable bombe à retardement... »
CE QU'IL FAUT RETENIR
- La cession à titre gratuit nécessite de prendre en compte les frais d'actes notariés, mais aussi le paiement des droits de mutation qui baissent en fonction de l'âge du cédant.
- Les plus-values qui étaient exonérées de prélèvements sociaux sont, depuis le 1er janvier 2011, soumises aux prélèvements sociaux à hauteur de 12,3 %.
- Le démembrement et la donation-partage permettent de lisser les coûts liés à la transmission.
Christian Baudouin, p-dg, SA Michel Creuzot
« Transmettre l'entreprise à sa famille nécessite un important travail de préparation. »