Unis pour décrocher de gros marchés
Par manque de moyens financiers et techniques ou de crédibilité, il est a priori difficile, pour une PME, de capter de gros marchés. il existe pourtant une solution: le regroupement. Voici quatre exemples de groupements de petites entreprises qui ont su se faire une place dans la cour des grands.
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CAS 1 - A seize, ils gagnent des marchés nationaux
En associant des professionnels de la climatisation implantés dans chaque région française, Arinna couvre l'ensemble du territoire et bénéficie d'économies d'échelle.
Du Pareil au Même, King Jouet, Photo Station, Yves Rocher... La liste des clients d'Arinna impressionne, après seulement quatre ans d'existence. Pourtant, il ne s'agit pas d'une multinationale, ni même d'une grande entreprise. Derrière la raison sociale Arinna, se cachent seize PME de climatisation, réparties un peu partout dans le pays, indépendantes et employant en moyenne une vingtaine de salariés. Seize PME qui ont monté cette SA à capital variable, dotée d'un budget de fonctionnement de 250 000 euros par an, qui comprend la rémunération de ses trois salariés (un responsable commercial, une assistante commerciale et un assistant technique), ainsi qu'une pléiade d'opérations marketing, commerciales ou de communication (phoning, salons professionnels, brochures commerciales...).
Arinna a vu le jour en 2004 sous l'impulsion de cinq dirigeants. «Nous sommes partis d'un constat simple: les grands comptes accordent des marchés nationaux et souhaitent s'entretenir avec une seule personne, relate Herland Barrières, gérant de la SARL toulousaine Laclim et actuel président d'Arinna. Pour maintenir, voire développer, notre chiffre d'affaires, il fallait nous regrouper.»
A onze, ils montent donc une SA dont chacun est actionnaire à parts égales. Son caractère évolutif permet à d'autres sociétés d'intégrer la SA au fil du temps. Les actionnaires travaillent pour leur propre bénéfice tout en conservant leur structure, leur autonomie et leur identité. «Nous pouvons désormais déployer une force de frappe nationale en quelques semaines», se réjouit Herland Barrières. Autre atout d'Arinna: son professionnalisme. «Nous nous nourrissons des expériences des uns et des autres, ce qui nous permet de trouver des solutions à d'éventuels problèmes dans un délai très court, notamment pour des installations techniques délicates dans un espace réduit», souligne le président du groupement.
Restait à définir un mode opératoire pour répondre aux offres. C'est là qu'intervient Jean-Paul Sausset, le responsable commercial engagé en 2004 par Arinna. Chargé de prospecter les grands comptes, il est leur interlocuteur unique. Quand un client potentiel est intéressé, les associés concernés reçoivent un message requérant une intervention et un audit des sites situés dans leur zone de couverture. Une réponse remonte sous quinzaine et permettra d'établir un devis.
Réactivité et flexibilité. «Nous proposons un tarif unique pour l'ensemble du pays. Cette homogénéité plaît beaucoup à nos clients, assure Jean-Paul Sausset. Les prix sont ceux du marché. Nous ne sommes pas des «cost killers», nous ne jouons pas la carte des prix bas mais celle du service de qualité, en l'occurrence le dépannage rapide.» Les interventions ont, en effet, généralement lieu le mois suivant le devis. Les dates sont fixées directement par les PME pour coller au mieux à la disponibilité des sites. Ce procédé, qui allie réactivité et flexibilité, a permis à Arinna de conquérir de gros clients.
Exemple révélateur: en mars 2007, la société Climavie, l'une des associées d'Arinna, apprend qu'elle va cesser de travailler avec un client, le point de vente montpelliérain d'une grande enseigne nationale de prêt-à-porter masculin. La chaîne désire, en effet, dès l'année suivante, faire appel à un prestataire d'envergure nationale afin de rationaliser ses coûts. Aussitôt, le dirigeant de Climavie appelle Jean-Paul Sausset, qui contacte lui-même le siège de ladite société. «Ils étaient contents de leur collaboration avec la PME de l'Hérault. Je leur ai assuré qu'Arinna pourrait faire aussi bien sur l'ensemble de la France.» La SA est alors mise en concurrence avec de grands acteurs nationaux et internationaux du secteur, puis remporte finalement l'appel d'offres. Dès janvier 2008, les 40 magasins de la marque reçoivent la visite des techniciens. L'enseigne, séduite par les propositions d'Arinna, lui confie même l'installation de la climatisation dans les dix nouvelles boutiques qu'elle ouvrira cette année.
Remises sur volume. Aujourd'hui, Arinna a le vent en poupe. Le groupement, qui pèse 5 à 15% du chiffre d'affaires de ses 16 adhérents, travaille avec 35 enseignes, soit un millier de sites, et connaît une croissance annuelle de 25 à 30%. Chez Laclim, par exemple, le volume d'affaires a crû de 30% entre 2004 et 2007. Une progression qu'Herland Barrières attribue non seulement au business apporté par le groupement, mais aussi aux remises sur volume que lui accordent ses fournisseurs, remises dont il peut faire profiter ses clients et qui lui donnent donc un argument de poids.

De onze adhérents, ils sont passés à seize, et Arinna devrait accueillir, dans les mois à venir, trois ou quatre «petits nouveaux» afin de parfaire sa répartition géographique. Les candidats doivent répondre aux critères suivants: au moins 1 million d'euros de chiffre d'affaires, une structure stable et un service de qualité. En résumé, il faut ressembler aux associés et leur accorder sa confiance. Car, comme le président de la SA le souligne, les membres signent des contrats qui ont pu être apportés par d'autres. Des règles de «non-agression» étant en vigueur, il est interdit pour un associé de s'aventurer en dehors de sa zone géographique de marché, même à titre personnel. «C'est un état d'esprit qui suppose que l'on ne rechigne pas à mettre son ego de côté, à se plier à des procédures administratives et techniques communes», prévient Herland Barrières. Pas toujours évident pour des chefs d'entreprise qui ont, pour beaucoup, entre 15 et 25 ans d'ancienneté dans le secteur. Mais, pour l'instant, aucun n'a quitté le navire.

YVES BLOUIN, responsable droit des affaires à la Fédération des industries mécaniques (FIM)
L'OEIL DU CONSULTANT
Dans un groupement, il faut définir des règles strictes de fonctionnement
«Le besoin de se regrouper naît généralement des contraintes du marché. Les PME souhaitent proposer une offre complémentaire, acheter en commun ou prospecter ensemble», analyse Yves Blouin. Avant de se lancer, il est crucial de se poser les bonnes questions. L'expert recommande d'établir une check-list détaillée, qui permet de passer en revue les principaux points à régler. «En premier lieu, il faut savoir quel sera le rôle du groupement, son périmètre et ses compétences.» Arinna n'a pas négligé cette étape. Les fondateurs se sont rencontrés à quatre ou cinq reprises afin de définir les contours
