Un réseau pour ne plus être seul
Si l'importance des réseaux est une évidence dans les grandes entreprises, les PME estiment souvent ne pas s'y retrouver, faute d'interlocuteur à leur échelle. Pourtant, les réseaux plus modestes et ciblés se multiplient. Qu'avez-vous à y gagner?
Je m'abonneIl n'est pas nécessaire de jouer au golf pour réussir! Car si les réseaux font partie intégrante de la capacité d'ouverture de l'entreprise, le dirigeant de PME peut aujourd'hui trouver, dans sa région et à son niveau, chaussure à son pied. Face aux clubs de prestige tels les très parisiens Racing Club de France ou Tir au Pigeon, à des cercles d'initiés comme les loges maçonniques ou les associations d'anciens des grandes écoles, les structures de plus petite taille, plus ciblées, se multiplient. A destination, notamment, des patrons de petites et moyennes entreprises. Et ils font leurs preuves puisque, selon un sondage réalisé en début d'année par le site d'information Place des Réseaux, près de huit dirigeants de PME sur dix appartiennent à un ou plusieurs réseaux, tous types confondus, et un quart d'entre eux participe à au moins deux réseaux. Pour Alain Bosetti, président de Place des Réseaux et spécialiste du «réseautage» entre PME, si «le travail en réseau est une évidence pour les grandes entreprises, il ne l'est pas au niveau des PME, et encore moins des TPE, dont les dirigeants ont tendance à faire cavalier seul. Or, poursuit l'expert, les «petits» entrepreneurs, bien plus que les managers de grands groupes, doivent affronter des moments de solitude.» Leur seul confident, alors, est éventuellement leur conjoint. C'est dans ce genre de situation que l'échange avec leurs pairs peut s'avérer un atout décisif.
Selon le porte-parole de Place des Réseaux, «en réalité, tel Monsieur Jourdain, les dirigeants de PME font du réseautage sans le savoir. Ils grenouillent dans les milieux patronaux et multiplient les contacts informels. Mais la prise de conscience de leur importance et le développement consécutif de clubs et d'associations sont assez récents.» On peut dire qu'aujourd'hui, le réseau s'est démocratisé. Et les chefs d'entreprise ont beaucoup à y gagner.
PRATIQUE
Quelques liens utiles sur Internet
Pour un annuaire des réseaux, Place des réseaux (www.placedesreseaux.com) est un site utile et nourri des conseils de son fondateur, Alain Bosetti. Le site du ministère des PME (www.pme.gouv.fr/essentiel/reseaux/index-d.htm) recense également les différentes possibilités de réseaux. Et pour nouer des contacts sur Internet, Viadeo (www.viadeo.com), Linkedin (www.linkedin.com), Xing (www.xing.com) ou 6nergies (www.6nergies.net) sont des exemples probants sur la Toile des plate-formes de mise en relation professionnelle et rassemblent chacun plusieurs millions d'inscrits. Le hic: les limites sont assez floues et on ne sait pas toujours si l'internaute vient y chercher un employeur potentiel ou une rencontre amoureuse.
Pour rejoindre un réseau, il faut d'abord sélectionner celui qui sera le plus pertinent par rapport à votre activité. Il en existe une multitude, dédale dans lequel il est difficile de se retrouver. Parmi les principaux réseaux, la Confédération générale des PME (CGPME) revendique une influence auprès de 1,5 million de petites et moyennes entreprises. Vient ensuite son concurrent direct et historique, le Mouvement des entrepreneurs de France (Medef), qui fédère 700 000 sociétés de toutes tailles sur l'ensemble du territoire. Pour le reste, et en simplifiant, on peut identifier les groupements nationaux (comme le Centre des jeunes dirigeants ou la Fédération des dirigeants commerciaux de France), les réseaux à rayonnement international (comme la Jeune chambre économique française ou Femmes chefs d'entreprises mondiales), les réseaux de développement à l'expert, mis en place notamment par les chambres de commerce et d'industrie (CCI), les réseaux spécialisés dans un secteur, et enfin ceux s'adressant à une seule catégorie de dirigeants: les créateurs, les femmes, les propriétaires de leur entreprise... Autres acteurs locaux de poids: les clubs d'entreprises. Proches des institutionnels, organisateurs de manifestations pour promouvoir l'entrepreneuriat, ils défendent activement les intérêts des PME et TPE. Rattachés à un territoire donné, ils se créent généralement en partenariat avec des agences de développement économique locales, des CCI, les municipalités ou communautés d'agglomérations ou de communes. Leur objectif: dynamiser l'emploi et le développement économique de leur bassin d'activité. Ainsi, le Club du pays de Rance, en Bretagne, a participé à la création d'une Maison de l'emploi pour son département des Côtes-d'Armor. Enfin, il existe des réseaux de réseaux, comme le Grand Maillage, basé à Orléans, qui réunit plus de 700 professionnels, cadres, cadres dirigeants et chefs d'entreprise du Loiret et de la région Centre. Avec pour but de favoriser l'échange entre les membres des associations à vocation économique du département, sans obligatoirement promouvoir les relations d'affaires.
A SAVOIR
Le réseau, un investissement
En plus du temps et de l'énergie que vous consacrerez à votre réseau, il faut en général vous acquitter d'une cotisation, qui peut varier d'une vingtaine d'euros, pour les soirées Networking par exemple, à plusieurs milliers d'euros par an pour l'Association Progrès du management (APM).
Certains clubs ou associations proposent une adhésion au prorata du chiffre d'affaires (comme la FEEF) ou de l'effectif (comme la CGPME). Elle oscille entre 200 euros par an pour un indépendant et 1000 euros pour une entreprise d'une centaine de salariés. Sans compter, les dîners ou sorties, à la charge des participants. Sachez qu'il est possible d'affecter, dans votre budget formation, votre cotisation ou le prix de certaines activités pour lesquelles vous obtenez une convention de stage. Service public oblige, il n'y a pas de coût d'adhésion aux CCI et CRCI. Par contre, l'accès aux fichiers de données ou la participation à des salons et à des déplacements internationaux sont, eux, payants.
L'intégration, passage obligé. Car - paradoxe du réseau - sa vocation affichée n'est pas de faire du business, mais d'abord de rompre la solitude propre au métier de dirigeant et d'encourager le partage d'expériences. Une fois votre club ou association choisi, il reste donc un travail d'intégration, comme dans n'importe quelle communauté d'individus. «Sans être angélique, plaide Alain Bosetti (Place des Réseaux), c'est un moyen de mutualiser les expériences, basé sur l'idée que ce que l'on donne finira par nous rapporter plus tard.» Amitiés professionnelles ou intérêts bien compris, le degré d'investissement est variable selon le profil du réseau et la personnalité du dirigeant. Mais l'essentiel est de garder en tête qu'une démarche lourdement intéressée ne sera pas payante. Et que l'intégration passe, en revanche, dans une attitude d'écoute et d'échange. Depuis «Que fais-tu pour la retraite?» à «J'ai des informations qui pourraient t'aider dans la recherche de locaux». «Au fond, analyse Alain Bosetti, un patron de PME est conseillé par son avocat, son expert comptable, son banquier... Bref, des prestataires qu'il rémunère. Mais il manque cruellement de conseils professionnels désintéressés.» Créé en 2001, le Club d'intelligence économique de l'Ouest réunit près de 50 membres, qui représentent des PME et des groupements d'entreprises du Grand Ouest (Basse-Normandie, Haute-Normandie, Bretagne, Pays de la Loire, Centre), opérant dans différents secteurs d'activités (plasturgie, santé, environnement...). Selon Frédéric Chardin, son président, il s'agit surtout de «rassembler de l'information, par tous les canaux possibles, officiels et informels, et de la faire remonter aux entrepreneurs». Les adhérents planchent pendant un an sur un thème; leurs recherches sont publiées en fin d'année sous forme de plaquette. Celle de l'an dernier portait sur la protection du patrimoine informel de l'entreprise. Une façon d'aborder des sujets ardus et techniques qui permettront aux dirigeants d'être plus compétitifs.
«Le réseau me sert surtout à collecter de l'information
ERIC RENARD, dirigeant de la Phocéenne de cosmétique et membre de la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF)
C'est parce qu'en 2001, il participe à un concours organisé par la Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF) qu'Eric Renard s'engage dans ce réseau. Il en est aujourd'hui l'un des porte parole. Pour lui, cette responsabilité est d'abord le moyen d'avoir accès à des informations cruciales pour un fournisseur de la grande distribution, point commun de tous les adhérents à la FEEF.
«Le réseau a un rôle de veille, explique-t-il. Il nous tient au fait des évolutions juridiques, des stratégies de nos clients... Le monde de la grande distribution est assez opaque. Nous accédons à des informations que nous n'aurions pas autrement.» S'il reconnaît avoir fait gagner son entreprise en visibilité, il relativise le côté business du réseau: «Ce n'est pas cela qui vous fera référencer dans une grande enseigne. Ce n'est pas le rôle d'un réseau. Il n'est pas là pour faire notre métier.»
LA PHOCEENNE DE COSMETIQUES
- Repères
- ACTIVITE: Fabrication de parfums et de produits pour la toilette
- VILLE: Aix-en-Provence (Bouches-du-Rhône)
- FORME JURIDIQUE: SA
- DIRIGEANT: Eric Renard, 41 ans
- EFFECTIF: 20 salariés
- DATE DE CREATION: 1996
- CA 2006: 8 millions d'euros
- RESULTAT NET 2006: NC
La solidarité en étendard. Cette mutualisation d'informations peut sembler dérisoire pour celui qui viendrait seulement faire du business. Pourtant, un réseau peut être déterminant dans le lancement de l'entreprise ou, plus encore, la reprise d'activité. «Ce soutien est indispensable, explique Eric Chaveau, qui anime la branche PACA du réseau Entreprendre. D'abord parce que la reprise ne s'improvise pas. Ensuite, parce qu'en changeant d'activité, après toute une carrière dans une industrie donnée, vous perdez tous vos liens professionnels.» Le réseau, dont il est par ailleurs porte-parole au niveau national, s'engage en effet, avec de réels moyens, auprès des jeunes entrepreneurs. Au-delà des prêts d'honneur accordés par les associations, il conseille, oriente et accompagne les porteurs de projets, avec l'assurance d'un appui opérationnel pendant trois ans. «Sans ce suivi, admet Eric Chaveau, il est plus difficile de se lancer. Si vous pouvez obtenir un test produit dans une grande surface ou un rendez-vous avec un banquier, cela facilite les choses. Et au final, une entreprise qui réussit profite à tous.» Un discours de plus en plus répandu et qui témoigne de la forte solidarité des réseaux. Carine Abrassart, présidente de la Jeune Chambre économique française, le reconnaît pour son propre compte: «Je sais que, dans cinq ou six ans, j'aurai envie de monter mon entreprise. Et je sais aussi que je pourrai alors compter sur la Jeune Chambre. Un réseau ne booste pas seulement les carrières mais aussi les envies, les idées, les méthodes...»
De façon générale, les réseaux sont le lieu d'un échange plus désintéressé qu'on ne pourrait croire. «Ceux qui ne viennent que pour faire du business sont vite repérés et ont du mal à s'intégrer, observe Thomas Chaudron, du Centre des jeunes dirigeants (CJD), voire ne s'intègrent du tout.» Car pour entrer dans un réseau, il faut montrer patte blanche. C'est pour s'épargner l'intrusion des pique-assiettes que la plupart des réseaux fonctionnent sur le principe de la cooptation. D'emblée, le postulant est prévenu de la philosophie de ses pairs. Les deux demi-journées de formation du CJD, intitulées «Valeurs et expériences», permettent ainsi aux futurs membres de vérifier qu'ils ne se sont pas trompé d'adresse. Le CJD, qui revendique une approche «antibusiness», affirme vouloir«mettre l'économie au service de l'homme, et pas le contraire». «Nous partageons des valeurs et des convictions auxquelles nous tenons, insiste son président. Nos membres doivent être désintéressés et bienveillants.» Un comble pour un réseau? Pas vraiment: «Il ne s'agit pas seulement de faire du «réseautage», explique Thomas Chaudron. Un réseau, c'est toujours plus que cela. J'ai déjà rencontré des dirigeants qui ne voulaient plus en entendre parler parce que leur expérience se limitait à enchaîner des dîners avec des gens qui cherchaient toujours à leur vendre quelque chose: à la longue, ce n'est pas tenable! A ce stade, on parle de relations commerciales ou de clubs de services mais pas de réseaux professionnels.»
La proximité avant tout. L'ancrage dans votre bassin d'activité et la proximité géographique sont d'autres facteurs-clés de réussite. Première étape, si vous voulez vous familiariser avec les réseaux de votre région: contactez les chambres consulaires, chambres de commerce et d'industrie (CCI) et chambres régionales de commerce et d'industrie (CRCI), auprès desquelles les entreprises sont inscrites d'office, dès leur création. Leurs sites Internet vous aideront à prendre vos repères. Ils regorgent d'informations et de services fort utiles: revue de presse quotidienne, agenda de salons et d'événements, ou veilles réglementaires et sectorielles, en matière d'environnement ou d'actualité économique.
En outre, les CCI s'investissent dans différents types de promotion des entreprises et de mise en relation, en particulier à l'international. Par exemple, la CCI de Reims et d'Epernay, en Champagne-Ardenne, organise chaque année, en partenariat avec la CCI de Libourne, en Gironde, un voyage au Japon destiné aux producteurs de vins et de spiritueux. Dans la même veine, la CCI de Reims a mis en place Viteff, une biennale internationale des techniques champenoises effervescentes, en d'autres termes une vitrine pour les quelque 2 600 entreprises productrices de Champagne de la région. Le site Internet de l'événement dispose également d'une mise à jour des actualités du secteur, une sorte de veille économique gratuite et accessible à tous. En revanche, la CCI propose un accès, payant, à son fichier d'entreprises: il en coûte ainsi 1600 euros pour connaître les coordonnées des 12 000 entreprises qu'elle a répertoriées sur la région.
«Il ne faut pas rester isolé
FREDERIC TAMBUTET, dirigeant de l'institut Symbial et membre du Club d'intelligence économique de l'Ouest
Avant de s'installer en Normandie, Frédéric Tambutet résidait en région parisienne. Signant une part croissante de contrats en Normandie, il décide d'y implanter son entreprise, un institut d'études marketing. Peu de temps après son arrivée, en décembre 2004, il se dirige vers le Club d'intelligence économique de l'Ouest, basé à Caen, dans le Calvados. «Au départ, raconte le dirigeant, c'était plus une façon d'aller vers les autres, le besoin de ne pas rester isolé tout simplement. Il s'agissait plus de faire connaissance autour d'une bonne table que de signer des contrats.» L'aspect business n'est venu que plus tard, en particulier souligne-t-il, afin de pouvoir approcher le tissu économique local. «J'ai appris beaucoup sur la région, la façon de faire, les cercles influents. Bref, le réseau m'a permis de trouver mes repères.»
SYMBIAL - Repères
- ACTIVITE: Institut d'études marketing
- VILLE: Bayeux (Calvados)
- FORME JURIDIQUE: SAS
- DIRIGEANT: Frédéric Tambutet, 48 ans
- EFFECTIF: 10 salariés
- DATE DE CREATION: 1991
- CA 2006: 322000 euros
- RESULTAT NET 2006: NC
Travaillant de concert avec les chambres consulaires, le réseau Plato peut aussi se révéler utile. Né en 1989 en Belgique, Plato est dédié à l'échange d'expériences et à l'auto-formation entre dirigeants de PME. Avec une originalité: l'animation est réalisée par des parrains cadres de grandes entreprises. Le programme est aujourd'hui présent en Irlande, aux Pays-Bas, en Allemagne, en Suède, en Espagne, en Slovénie, en Pologne, au Canada et en France. Dans l'Hexagone, le concept a été introduit par Gaz de France, en 1998, et fonctionne aujourd'hui dans une vingtaine de villes, surtout dans le Nord et l'Ouest. Il devrait s'étendre en Bourgogne et en région Paca en 2008. Mais, en dehors de leur dynamisme dans le domaine de l'expert, les CCI, CRCI et leurs dérivés constituent surtout un premier contact avec le monde des réseaux et leurs adhérents n'y restent qu'environ deux ou trois ans, avant de se diriger vers d'autres clubs ou associations, plus indépendants des pouvoirs publics.
«Mettre en valeur le dynamisme local est une façon de rompre avec la condescendance à l'égard des PME», juge Hugues-Arnaud Mayer, président du Medef Auvergne et porte-parole de l'ensemble des réseaux territoriaux. Autrefois peu présent auprès des entreprises de taille modeste, et moins bien structuré au niveau local que ses concurrents, le syndicat patronal s'y intéresse désormais de près et entend concurrencer directement la CGPME. Avec 148 Medef territoriaux et 85 fédérations et branches professionnelles, le Medef affiche son ambition de promotion de l'entrepreneuriat et du dialogue social. Outre les nombreux outils pratiques (guides, intervenants, formations...) qu'il met à la disposition de ses adhérents, le syndicat patronal revendique une action de lobbying intense sur des points sensibles pour les PME, comme la fiscalité de la transmission d'entreprise, la baisse de l'impôt sur les sociétés, l'amélioration du contrôle fiscal, la prorogation du régime dérogatoire sur la durée du travail dans les entreprises de vingt salariés au plus...Entre autres. Du côté de la CGPME, l'action est plus hétérogène et la mobilisation varie selon les régions. Certaines antennes peuvent se transformer en véritables groupes de défense d'intérêts. La CGPME de Maine-et-Loire, s'est ainsi illustrée dans une fraude fiscale, allant jusqu'à obtenir en justice le remboursement du trop-perçu sur la taxe professionnelle unique adoptée, en 2002, par la municipalité d'Angers. «Chaque territoire a ses problématiques propres, rappelle Zohra Gallard, sa présidente. L'avantage d'un réseau régional réside dans sa capacité à les prendre en compte et à s'organiser pour peser dans un jeu économico-politique où les entreprises ne peuvent pas s'imposer seules.»
«Les réseaux peuvent changer les pratiques
ERIC CHAUVEAU, dirigeant de Pébéo et membre du Réseau Entreprendre
Fondateur de la branche Provence-Alpes-Côte d'Azur du réseau Entreprendre, Eric Chauveau affirme s'être engagé pour «changer les choses». «J'entendais dire que la Côte d'Azur était parfaite pour les vacances, pas pour les affaires.» Une image désastreuse du tissu économique local, où les réseaux sont comparés à des mafias et les politiques sont accusés de sombres magouilles: autant d'idées reçues auxquelles Eric Chauveau décide de tordre le cou. Et force est de constater que, sept ans plus tard, le dirigeant a gagné son pari: «Non seulement cette image a changé mais les pratiques ont aussi évolué. Nous comptons aujourd'hui 170 adhérents dans la région, qui partagent les mêmes valeurs et veulent promouvoir une idée solidaire du monde de l'entreprise.»
PEBEO - Repères
- ACTIVITE: Fabrication de couleurs de beaux-arts
- VILLE: Gémenos (Bouches-du-Rhône)
- FORME JURIDIQUE: SA
- DIRIGEANT: Eric Chauveau, 52 ans
- EFFECTIF: 195 salariés
- DATE DE CREATION: 1917
- CA 2006: 37 millions d'euros
- RESULTAT NET 2006: NC
Agir sur les pouvoirs publics. Car un des objectifs du réseau, outre la rencontre humaine et la perspective de faire avancer ses affaires, reste le lobbying. Agir auprès des pouvoirs publics et peser dans les processus de décision locaux: les entreprises sont plus fortes quand elles unissent leurs actions. La Fédération des entreprises et entrepreneurs de France (FEEF) constitue, à cet égard, un bon exemple. Ses membres sont tous des dirigeants propriétaires de leur entreprise. Regroupés dans un lobbying actif auprès des pouvoirs publics, ils sont engagés dans la défense de leurs intérêts face à la grande distribution et promeuvent, chaque année, des exemples de partenariats réussis grâce à un système de prix et de récompenses. L'association Dirigeantes, elle, est réservée aux femmes et assume son corporatisme. A entendre Danièle Rousseau, sa présidente, il est difficile pour les femmes entrepreneurs de sortir de leur isolement: «La mise en réseau doit leur permettre d'avoir les mêmes armes que les hommes. Même si la situation est plus équilibrée qu'il y a quelques années, il reste des combats à mener et une solidarité à défendre.» Concrètement l'association organise des déjeuners mensuels, des journées de formation sur des thèmes spécifiques, comme la prise de parole ou la négociation, et a mis en place un système tremplin pour aider les adhérentes à monter leur entreprise. Marie-Christine Oghiy, présidente de Femmes Chefs d'Entreprise, un réseau réputé à l'échelle internationale, va encore plus loin: «Même si on n'en fait pas état, des contrats ont déjà été signés dans le cadre de nos rencontres. Le réseau est une façon d'entretenir des rapports privilégiés entre femmes chefs d'entreprise et, quand la confiance est établie, le terreau est bon pour faire des affaires.»
Sans être une démarche totalement désintéressée, la création ou l'entrée dans un réseau peut donc s'apparenter à du lobbying. Mais ce lobbying même est porteur d'idéaux ou du moins de valeurs auxquelles adhère l'entreprise. C'est l'idée que promeut Ethic (Entreprises de taille humaine indépendantes et de croissance), un mouvement né en 1975, dans la perspective d'une diffusion des réflexions patronales sur la société. «L'entreprise doit envisager l'éthique non pas comme une vertu, mais comme un intérêt», explique sa présidente Sophie de Menthon. «Intérêt», un mot qu'elle conçoit au sens noble puisqu'il désigne aussi bien «l'intérêt des actionnaires que celui des salariés, des clients, des fournisseurs, en réalité de toutes les parties prenantes de l'entreprise». Organisant chaque mois des petits déjeuners conviant des personnalités de tous bords, le mouvement veut croire que croissance et développement durable, gestion capitalistique et humaine sont conciliables. «Les échanges nourrissent notre réflexion et il en ressort des propositions que nous faisons suivre aux politiques.» Récemment, le mouvement a ainsi adressé au nouveau président de la République, Nicolas Sarkozy, un «petit livre noir» «qui met en garde contre les réformes nuisibles à la liberté d'entreprendre». Pour permettre à ses adhérents de tirer un réel bénéfice du réseau, Ethic les invite à user d'une grande liberté de parole. «Nous convions des dirigeants pour aborder des sujets polémiques, illustre Sophie de Menthon, ou peu traités dans le grand public, comme la question des monopoles. Etre entre nous permet de se laisser prendre au jeu de la discussion, sans langue de bois.»
SOPHIE DE MENTHON, présidente d'Ethic
Ces échanges entre dirigeants nourrissent notre réflexion. Il en ressort des propositions que nous faisons suivre aux politiques.
Les nouveaux réseaux. Enfin, autre média permettant d'échanger entre professionnels et sans tabou, Internet vous offre une nouvelle approche du «réseautage». Avec six intermédiaires, un individu serait à même de joindre qui il veut sur la planète... C'est la fameuse théorie du «petit monde» en vertu de laquelle les réseaux sociaux, des jeux aux clubs de cuisine, ont prospéré sur le Web. Les hubs, ou communautés d'intérêts en ligne, sont désormais bien installés sur la Toile. Il en existe près de 5 000 sur Viadéo, un de ces fameux sites destinés à créer des réseaux professionnels, hébergeant des forums de discussions, sur des sujets de toutes sortes. Utiles pour le recrutement, ces sites manquent tout de même sérieusement, aux dires de leurs contradicteurs, d'esprit de corps. Et il reste, par ailleurs, à transformer ces relations virtuelles en relations réelles.
SUR LE NET
Un site pour comprendre les réseaux
Premier site web dédié aux réseaux des TPE et PME, Place des réseaux (www.placedesreseaux.com) a été lancé en juin 2005. Il aide les structures de petite taille en mettant à leur disposition un répertoire exhaustif de groupements et clubs dont les membres sont des dirigeants de petites entreprises ou des indépendants. Depuis le réseau national de livraison à domicile de chocolats aux professionnels des jeux vidéos à Lyon, en passant par le Club des entreprises du bocage bressuirais (dans les Deux-Sèvres), des centaines de réseaux sont identifiés. L'accès aux ressources du site est gratuit
Les rencontres comme les Soirées Networking, des événements qui réunissent leurs adhérents dans le cadre de soirées professionnelles, affichent clairement leurs intentions. On y parle business avant tout. Le programme est en ligne sur leur site web: à raison de deux événements par mois dans des établissements parisiens de renom - le prochain devrait prendre ses quartiers chez Maxim's -, il s'agit en premier lieu de trouver des clients et, éventuellement, de partager des expériences, n est de coutume, ici, de sortir sa carte de visite. «On est là précisément pour parler affaires, le sujet n'est pas tabou, affirme Tony Desbrosses, le fondateur de ces soirées. Il y a même une personne qui aide les gens à prendre contact en début de soirée.»
Reste que, comme dans la vie, le réseau n'est qu'un outil. Il appartient à ses membres d'en profiter pour transformer l'essai. «L'esprit reste celui d'un club, pas d'une foire, prévient Tony Desbrosses. Une personne consciencieuse aura au préalable étudié la liste des invités pour trouver le bon interlocuteur, mais il est inutile d'espérer rentrer dès le premier soir avec un carnet de commandes rempli.» Selon le jeune dirigeant, «ceux qui réussissent sont ceux qui ne vendent rien, qui ne jouent pas les marchands de tapis mais signent les contrats quelques semaines plus tard, en profitant des contacts établis». Significatif de l'évolution des réseaux, Internet en montre aussi clairement une des limites principales: le ratio entre le temps investi et les bénéfices que vous en retirerez. «Il ne faut pas se tromper de cible, avertit Alain Bosetti (Place des Réseaux). Sinon, vous risquez d'en sortir déçu, en ayant eu le sentiment de perdre votre temps.» Avant de jeter votre dévolu sur tel ou tel réseau, essayez d'assister à plusieurs réunions pour être sûr qu'il correspond à vos objectifs. Autant bien choisir: il y a plus de 10 000 réseaux en France à l'heure actuelle!
Retrouvez les sociétés citées dans notre carnet d'adresses, page 90.