UNE SCI pour mettre vos IMMEUBLES en LIEU SUR
Si vous vous décidez à acquérir les murs de votre siège social, la formule la plus classique consiste à le faire en société civile immobilière. Le point sur cet outil juridique et financier, particulièrement prisé par les entrepreneurs.
Je m'abonneVous vous apprêtez à acheter un local professionnel et vos conseillers vous poussent «tout naturellement» à créer une société civile immobilière (SCI)? Certes, la création de ce type de structure offre de réels avantages. Le principe consiste à faire acheter un local professionnel par une SCI qui le louera à votre entreprise. Or, le loyer versé est une charge déductible du compte de résultat de la société d'exploitation et peut couvrir, au moins partiellement, un emprunt de la SCI pour financer l'acquisition. Pour votre société, la formule est doublement intéressante: d'abord parce qu'elle connaît son bailleur et qu'elle ne risque pas de se faire expulser à la fin du bail commercial, mais aussi parce qu'elle n'ampute pas inutilement sa capacité d'emprunt. «La SCI facilite aussi la future cession de l'entreprise, en délestant le prix de la vente de la valeur de l'immobilier», ajoute Maître Pierre Appremont, associé du cabinet d'avocats Lefèvre Pelletier & associés. Enfin et surtout, la SCI vous permet de vous constituer un patrimoine immobilier préservé des aléas de la vie de votre entreprise. «En cas d'ouverture d'une procédure collective à l'encontre de la société d'exploitation, les immeubles professionnels acquis par la SCI peuvent être préservés», renchérit l'avocat.
PIERRE APPREMONT, avocat associé au sein du cabinet Lefèvre Pelletier & Associés
La SCI facilite la future cession de votre entreprise, en délestant le prix de vente de la valeur de l'immobilier.
Cette «assurance anti-faillite» doit toutefois être assortie de quelques règles de prudence. «La protection ne sera effective que si vous jouez le jeu d'un formalisme irréprochable et que vous distinguez scrupuleusement les comptes des deux sociétés», prévient Jean-Yves Bryon, conseiller en stratégie patrimoniale et fondateur du cabinet Essor Patrimoine. Les tribunaux peuvent notamment étendre la procédure collective à la SCI s'ils estiment que cette dernière est fictive ou qu'il y a une confusion de patrimoine entre les deux sociétés. Gare aux transferts d'actifs entre les deux entités sans contrepartie: loyers surévalués, enrichissement de la SCI au détriment de la structure d'exploitation, aménagements des locaux financés par la société d'exploitation restant acquis à la SCI sans indemnités, etc. Une fois ces précautions prises, la SCI est une excellente formule pour isoler votre patrimoine immobilier de votre activité professionnelle, surtout si vous souhaitez transmettre de manière dissociée le patrimoine d'exploitation à des associés ou des collaborateurs, et le patrimoine immobilier à votre famille. «En cas de transmission de l'entreprise à l'un de vos enfants, la SCI permet aussi de ne pas léser vos autres descendants en leur léguant le patrimoine immobilier», poursuit Jean-Yves Bryon (Essor Patrimoine).
JEAN-YVES BRYON, fondateur du cabinet Essor Patrimoine
En cas de transmission de l'entreprise à l'un de vos enfants, la SCI permet de ne pas léser les autres.
Impôt sur les sociétés ou sur le revenu? Contrairement aux idées reçues, la SCI n'est pas non plus la solution idéale. «Elle ne procure pas d'avantages fiscaux particuliers», relève Jean-Yves Bryon (Essor Patrimoine). Le régime fiscal normal des sociétés civiles immobilières est l'impôt sur le revenu (IR). Chaque associé est soumis à cette forme d'imposition (dans la catégorie des revenus fonciers) sur la quote-part des bénéfices qui lui revient, en fonction de sa participation dans le capital de la SCI, ou de la répartition des résultats prévue par les statuts. Votre SCI peut toutefois opter pour l'impôt sur les sociétés (IS), mais cette option est alors irrévocable. L'intérêt de ce choix? D'abord le taux de l'impôt lui-même, puisque l'IS au taux normal n'est que de 33,33% (contre 40% pour la tranche supérieure à 67,5 kEuros annuels pour l'IR). Ensuite, le montant des charges déductibles au niveau de la société est plus élevé que pour les SCI soumises à l'impôt sur le revenu. Il est ainsi possible de déduire tous les frais d'acquisition d'un immeuble (frais de notaire, commission d'agence...), ainsi que les frais d'apport d'un immeuble à la société. Surtout, une SCI soumise à l'impôt sur les sociétés peut déduire les amortissements sur ses actifs immobiliers. Les travaux de construction ou d'agrandissement peuvent aussi être amortis, ce qui est impossible en matière de revenus fonciers. Mais le régime de l'impôt sur les sociétés présente aussi plusieurs inconvénients. Si la SCI vend les locaux, vous devrez payer des plus-values professionnelles, dont les règles sont moins favorables que celles qui sont applicables aux plus-values des particuliers (taxation globale de 27% et exonération au-delà de 15 ans de détention).
Démembrer l'immeuble. Le choix est cornélien. «Soit vous optez pour le régime foncier, auquel cas vous supportez une fiscalité dissuasive les premières années pour pouvoir revendre le bien sans fiscalité sur la plus-value de cession plus tard. Soit vous préférez la fiscalité allégée de l'IS, mais votre immeuble devient pour ainsi dire invendable à cause des taxes», résume Maître Pierre Appremont (Lefèvre Pelletier & Associés). Ce dernier propose tout de même une solution hybride: démembrer l'immeuble ou les titres de la SCI, qui en sera propriétaire, en séparant l'usufruit de la nue-propriété. «L'usufruitier est alors la société d'exploitation et le nu-propriétaire la personne physique du dirigeant et/ou des membres de sa famille, explique l'avocat d'affaires. Cette décomposition est cohérente sur le plan économique, puisque lors de l'achat de l'immeuble, l'acquéreur doit souvent apporter une garantie personnelle pour le financement. Ce qui justifie une contrepartie.»
Sur le plan fiscal, l'usufruitier est soumis à l'impôt sur les sociétés pour les loyers qu'il touche. Les frais d'acquisition ainsi que les amortissements ouvrent alors droit à déduction. Le nu-propriétaire est, quant à lui, exonéré d'impôt sur le revenu sur la plus-value en cas de revente au-delà de 15 ans de propriété. Attention cependant, ce montage complexe suppose de solides connaissances juridiques et fiscales. Précaution élémentaire, mieux vaut avoir recours à un expert pour fixer le montant du loyer. Car si le fisc considère que le loyer est trop élevé, l'excédent sera réintégré au titre des «actes anormaux de gestion».
A SAVOIR
SCI et impôt sur la fortune
Vos parts de SCI sont considérées comme professionnelles et donc non imposées à l'impôt de solidarité sur la fortune (ISF) si les murs sont nécessaires à l'activité de votre société et si les parts que vous y détenez sont professionnelles. Autrement dit, il faut que vous déteniez au moins 25% du capital et des droits de vote et que vos fonctions de dirigeant vous procurent plus de la moitié de vos revenus. Reste une exception toutefois: si vous détenez dans la société immobilière plus de parts (en pourcentage) que vous n'en possédez dans votre société commerciale. Par exemple, si vous possédez 50% des parts de la SCI et seulement 40% des parts de votre entreprise, la différence, soit 10% de la valeur des parts, est soumise à l'ISF. Bien entendu, si vous détenez des parts de SCI louant des locaux à une société dans laquelle vous ne possédez aucune participation, vous êtes imposable à l'ISF sur la totalité de vos parts.