UN MBA pour parfaire son «bagage» de dirigeant
Les bénéfices apportés par les MBA (master of business administration) sont multiples. Dispensés par des écoles de commerce renommées, ils peuvent être suivis en alternance. Un véritable plus pour faire grandir son entreprise.
Je m'abonne
CATHERINE GOUTTE, directeur du développement et responsable des partenaires grandes écoles chez Cegos
Un master permet aux autodidactes de compléter les connaissances acquises sur le terrain.
Benoît Sancerni est impatient. Comme chaque dernier mercredi du mois, le directeur général de Preci3D Timeca, une entreprise d'usinage de précision de 65 salariés, se rend à Paris pour quatre jours. Il rejoint l'ESCP Europe pour y suivre son Executive MBA, une formation débutée en juin 2009. « Je souhaite, d'une part, apporter de nouvelles cordes à mon arc et, d'autre part, valider la stratégie de développement de mon entreprise sur le long terme », explique-t-il. Comme lui, de nombreux chefs d'entreprise poussent les portes des écoles de commerce et des universités pour suivre des formations de haut vol. Selon Catherine Goutte, directeur du développement et responsable des partenariats grandes écoles chez Cegos, les MBA sont parfaitement adaptés aux dirigeants de petites entreprises. « Ce sont souvent des autodidactes ou des personnes issues d'une formation technique. Un master en business administration leur permet de consolider leurs pratiques terrain et de prendre du recul sur l'opérationnel! », affirme l'experte.
Savoir trouver du temps
Les entre preneurs seraient donc des cibles privilégiées pour les grandes écoles et les universités? En partie seulement. A la tête de petites structures, ils sont à la fois au four et au moulin et jonglent avec un agenda de ministre. Dès lors, s'engager sur une formation de longue haleine peut être problématique. D'autant plus que les Executive MBA destinés, entre autres, aux cadres dirigeants, durent entre 18 et 24 mois. Une période longue, pendant laquelle les chefs d'entreprise doivent être présents environ huit jours par mois (samedi, voire dimanche inclus) à l'école, pour y suivre des cours théoriques: ressources humaines, marketing, comptabilité... « Nos étudiants doivent être conscients que la formation est astreignante et demande une implication sur le long terme », prévient Alan Jenkins, directeur académique en charge de l'Executive MBA de l'Essec. Le professeur se souvient d'un dirigeant ayant quitté la formation au bout de six mois, « ne pouvant plus conjuguer cours et gestion quotidienne de l'entreprise ». Pour mettre toutes les chances de son côté, certaines situations doivent être évitées. Il est notamment déconseillé de s'inscrire à un MBA si son entreprise est en pleine croissance. « Car, pendant cette période, il n'y a aucun temps mort pour le dirigeant », souligne Phil Eyre, responsable du MBA de Grenoble Ecole de management (GEM). Dans un autre registre, la sphère familiale doit aussi être consultée. Les conjoints et enfants sont, la plupart du temps, habitués aux journées à rallonge d'un chef d'entreprise. Pour autant, être absent un week-end sur deux pendant près de deux ans peut être une source de tensions. « Une problématique qui ne doit pas être sous-estimée par l'étudiant-entrepreneur », souligne Olivier Masclef, directeur de la formation continue au sein du groupe ESC Dijon Bourgogne et responsable de l'Executive MBA.
Autre impératif sur lequel les enseignants attirent l'attention des candidats: il faut savoir déléguer si l'on souhaite se dégager du temps. Benoît Sancerni (Preci3D Timeca) a bien intégré cette donnée: « J'ai délégué certains pouvoirs décisionnels à mes collaborateurs, ce qui me permet de m'appuyer sur eux. Toutefois, même quand je m'absente, je reste en contact avec l'entreprise grâce à mon smartphone », explique-t-il.
ALAN JENKINS, directeur académique en charge de l'Executive MBA de l'Essec
Nos étudiants doivent être conscients que la formation est astreignante et demande une implication sur le long terme.
TEMOIGNAGE
Le MBA m'a permis de prendre de la hauteur
JEAN-DANIEL TRESSOL, dirigeant de MAC
« J'ai décidé de faire un MBA avant de reprendre les rênes de l'entreprise familiale », explique Jean-Daniel Tressol, dirigeant de MAC, qui regroupe trois Carrefour Market du Sud-Est de la France. Il intègre ainsi l'Executive MBA d'HEC en 2008 « pour apprendre à piloter une entreprise à 360° ». Il y suit des cours en management, marketing, finance, ressources humaines et comptabilité. Surtout, il se crée un réseau: « J'ai rencontré des cadres dirigeants de tous les secteurs d'activité. Nos échanges étaient une véritable mine d'or. Nous restons en contact et nous n'hésitons pas à nous entraider. » Le dirigeant a aussi accès au carnet d'adresses de l'école: « Un plus non négligeable », avoue-t-il. Avec le recul, il estime que cette formation lui a permis de « gagner en bien-être et de prendre de la hauteur face aux problèmes. Le processus de prise de décision est plus rapide. Je définis mieux les priorités. » Il pense aussi avoir « conforté son capital confiance » et ne regrette pas un instant la « charge de travail colossale » durant ces 18 mois. Son conseil: « Avant de se lancer dans un MBA, il faut en parler à sa famille. C'est une décision qui influence fortement la vie sociale. » Le secret de la réussite? « Rogner sur ses loisirs et ses heures de sommeil, déléguer à ses salariés et savoir gérer ses priorités », conclut-il.
MAC - Repères
- ACTIVITE : Franchise dans la distribution alimentaire.
- VILLES : Bandol, Hyères (Var) et Barcelonnette (Alpes-de-Haute-Provence)
- FORME JURIDIQUE : SAS
- DIRIGEANT : Jean-Daniel Tressol, 36 ans
- ANNEE DE CREATION : 1997
- EFFECTIF : 138 salariés (équivalent temps plein)
- CA 2009 CONSOLIDE : 42,3 MEuros
- RESULTAT NET 2009 : 884 kEuros
Etre ouvert d'esprit
La réussite d'un MBA passe également par l'adéquation entre les attentes des étudiants et les apports de la formation. Il faut donc avoir en tête l'objectif du master: apporter une vision globale du fonctionnement des différents services de l'entreprise, pour assimiler leurs problématiques et leurs besoins. « En sortant de l'école, les dirigeants sont de véritables touche-à-tout. Ils disposent d'une palette de compétences qui les aideront dans leurs prises de décisions stratégiques », décrypte Olivier Masclef (ESC Dijon Bourgogne) . Le principe: passer du statut d'homme-orchestre à celui de chef d'orchestre. C'est-à-dire d'une gestion centralisée de l'entreprise (soit le «tout contrôle»), à une gestion décentralisée, qui suppose de déléguer. Sans faire de vous un expert en comptabilité, en finance ou en ressources humaines, vous serez plus réaliste dans la définition des objectifs et dans l'attribution des moyens pour y parvenir. Autant de compétences nécessaires pour faire grandir sa PME.
Parallèlement, le bon déroulement d'un MBA passe par une forte curiosité intellectuelle et une capacité à remettre en cause ses méthodes de management. « La meilleure façon de profiter pleinement de l'enseignement, c'est de se demander, après chaque cours, comment appliquer concrètement ce qu'on vient d'apprendre, affirme Phil Eyre (GEM). Il faut aussi accepter de se tromper. »
Contrairement aux cadres qui n'ont pas toujours les mains libres, un chef d'entreprise peut mettre en oeuvre rapidement les enseignements des professeurs. C'est en tout cas l'avis de Laurent Pélisson, dirigeant et fondateur de Caphornier, une jeune société de conseils en finance basée à Paris. En 2002, il intègre l'Essec MBA alors qu'il est directeur général d'une PME spécialisée dans l'impression: « Je pouvais appliquer dès le lundi ce qu'on m'avait enseigné le samedi, explique-t-il. Une plongée dans le réel qui a été un véritable accélérateur dans mon apprentissage. »
Lancer un nouveau business
Si les MBA sont de bonnes formations pour les dirigeants de PME, ils suscitent aussi des vocations d'entrepreneur. Il n'est pas rare que des cadres décident de se mettre à leur compte après cette formation. D'ailleurs, certains MBA affichent clairement cette ambition: « Notre MBA comporte une spécialisation en entrepreneuriat qui dispense 108 heures d'enseignement dédié à la création d'une société », souligne Phil Eyre (GEM). Matthew Kirk fait partie de ces cols blancs devenus chefs d'entreprise. Cadre supérieur chez Honda en Angleterre pendant 14 ans, il a créé son propre business en avril dernier, quelques mois après la fin de son MBA. Son concept? LesPneusChezVous.fr, un site permettant aux internautes de faire changer les pneus de leur voiture à leur domicile ou sur leur lieu de travail. « J'avais deux rêves: devenir chef d'entreprise et vivre en France, avoue-t-il. Je suis passé à l'acte après mon MBA, car il m'a apporté les outils nécessaires à la création et à la gestion d'une PME. » Aujourd'hui, la jeune pousse ne compte que trois salariés et propose ses services dans les environs d'Annecy. « Pour l'heure, nous testons notre concept et notre business modèle. Si tout fonctionne comme prévu, nous serons présents sur toute la France d'ici cinq ans », affirme le dirigeant.
Les MBA sont un véritable sésame, capable d'ouvrir les portes de la croissance d'une entreprise. Encore faut-il que les dirigeants puissent sortir la tête du guidon et, pour les autodidactes, qu'ils apprennent à évacuer leur complexe d'absence de diplôme.
FOTOLIA / GINA SANDERS / LD
FISCALITE
Formation et crédit d'impôt
Vous souhaitez retourner sur les bancs de l'école? Sachez que les dirigeants de PME ont droit à un crédit d'impôt formation. La loi du 23 août 2006 instaure une exonération égale au nombre d'heures de la formation, multiplié par le taux horaire du Smic. Par exemple, un chef d'entreprise ayant consacré 20 heures à l'amélioration de son anglais pourra défiscaliser 177,20 euros (20 x 8,86 euros). A noter que le crédit d'impôt est plafonné à 40 heures par an (soit 354,40 euros). Une somme qui reste modeste par rapport aux tarifs de la plupart des MBA (entre 15 000 et 50 000 euros). C'est pour cela que certaines écoles proposent des bourses à leurs étudiants. Ainsi, l'ESCP Europe propose de financer les deux tiers de la formation, soit 28 000 euros. Conditions requises: être à la tête d'une entreprise de moins de 250 salariés et avoir un projet de développement à l'international.
OLIVIER MASCLEF, directeur de la formation continue et responsable de l'Executive MBA du groupe ESC Dijon Bourgogne
En sortant de l'école, les dirigeants sont de véritables touche-à-tout.