Logiciels libres: qualité, variété, compétitivité
Les applications open source, dont le code de programmation est en accès libre, disposent de nombreux atouts, capables de séduire les entreprises de toutes tailles. au-delà de leur prix, ces solutions métiers sont flexibles et peuvent s'adapter facilement aux problématiques d'une PME.
Je m'abonneC'est un secteur qui aura mis près de vingt ans à s'affirmer. Les logiciels libres, ou «open source», ont été longtemps l'apanage des technophiles et des professionnels de l'informatique. Mais, avec l'arrivée des navigateurs internet tels que Firefox, développé par la fondation Mozilla, et Chrome, déployé par Google, ils ont récemment gagné en visibilité et en crédibilité. Sans parler de la suite bureautique Open Office. Elle intègre, notamment, un traitement de texte et un tableur qui font de l'ombre à ceux édités par Microsoft. A tel point que le géant de l'informatique a finalement décidé de lancer une version gratuite de sa prochaine suite bureautique. Si les logiciels libres séduisent de plus en plus le grand public, les entreprises se laissent, elles aussi, tenter par cette solution pour le moins alléchante économiquement. Malgré une part de marché encore très faible (1,4%, selon la Fédération Syntec), la pénétration des solutions open source sur le marché professionnel est en constante croissance.
Libres, mais pas gratuits.
Contrairement aux logiciels propriétaires, la plupart des applications open source sont gratuites, du moins en ce qui concerne leur installation: nul besoin d'acheter de licence d exploitation pour avoir le droit de les utiliser. Toutefois, les applications open source les plus sophistiquées tendent à devenir payantes, mais leur prix reste modique. «Un argument qui séduit de nombreuses PME pour qui les logiciels les plus complexes, tels que les progiciels de gestion intégrés (ERP), les outils de gestion de la relation client (CRM) ou les solutions décisionnelles, sont souvent inaccessibles», explique Coralie Girardet, directrice commerciale France d'Audaxis, une société spécialisée dans l'intégration de progiciels libres. Si le coût des licences est quasiment nul, il vous faudra tout de même prévoir un budget pour l'intégration de l'outil et la formation des utilisateurs. Des coûts incompressibles, souligne l'experte pour qui «la plupart des échecs sont dus à des lacunes en matière déformation. Malgré tout, une application open source coûtera de 20 à 30% moins cher qu'un logiciel propriétaire», résume-t-elle. De leur côté, les éditeurs de logiciels propriétaires, conscients que l'achat des licences constitue un frein à l'adoption de leurs solutions par les petites structures, ont multiplié les offres alléchantes. Tout d'abord, en développant la location de logiciels sur Internet (ou SaaS, pour «Software as a Service», ancien nom de l'ASP). Les PME peuvent ainsi opter pour un mode de financement plus «digeste», même si, sur le long terme, il peut se révéler au moins aussi onéreux. Et si cela ne suffit pas, certaines firmes informatiques proposent des prêts à taux zéro pour les entreprises souhaitant s'équiper de leurs applications métier.
Des solutions flexibles.
Dès lors, les logiciels libres gardent-ils leur attrait? Une question sans fondement pour François Colombier, dirigeant d'Azolia, spécialiste de l'intégration de logiciels libres: «Le premier avantage des solutions open source reste leur flexibilité. Les entreprises peuvent personnaliser sans difficulté le logiciel en fonction de leurs besoins.» L'application peut donc évoluer au fil du temps. Par exemple, une PME pourra commencer par installer des modules de gestion de la paie et des factures puis, par la suite, mettre en place une solution CRM. Ce qui n'est pas toujours le cas pour des logiciels propriétaires.
Autre argument jouant en faveur des logiciels libres: leur relative jeunesse. De fait, les principales applications ont été développées dans les années 2000. Elles intègrent donc tous les standards de programmation, «ce qui facilite leur intégration», défend Coralie Girardet (Audaxis). Par ailleurs, selon François Colombier (Azolia), «la migration des données est facilitée sur les logiciels libres». En clair, une entreprise qui souhaite changer de logiciel métier «pourra le faire avec plus de facilité sur une solution open source», poursuit l'expert. Enfin, les logiciels libres évoluent régulièrement grâce aux communautés de développeurs: vous êtes donc assuré de la continuité de votre produit et n'êtes pas dépendant de la pérennité ni de la stratégie d'un éditeur. Un argument à méditer, sur un marché atomisé et concurrentiel, qui peut voir certains «petits» acteurs disparaître du jour au lendemain. L'entreprise cliente se retrouve alors avec une application qui n'évoluera plus.
Jugez de la maturité du logiciel.
Pourtant, l'univers de l'open source n'est pas sans défaut. Et les logiciels libres ne répondent pas à toutes les problématiques, loin s'en faut. Certaines solutions propriétaires, développées pour un secteur industriel précis, peuvent en effet s'avérer plus faciles à mettre en oeuvre qu'un logiciel open source qui nécessitera de nombreuses adaptations. Pour ne pas être déçu, jugez toujours un logiciel sur sa maturité avant de regarder son prix. Par ailleurs, la multiplicité des produits présents sur le marché de l'open source constitue un autre frein. Rien que sur le secteur des ERP, il existe quatre applications adaptées aux TPE et PME (voir notre encadré ci-dessus). Dès lors, comment choisir la solution adéquate? N'hésitez pas à demander conseil aux intégrateurs certifiés. Ils vous aiguilleront en fonction de la taille de votre entreprise et de vos attentes. Si vous souhaitez défricher le terrain, et si l'anglais ne vous effraie pas, vous pouvez également surfer sur des sites internet spécialisés (http://freshmeat.net, http://sourceforge.net, ou http:// open-source.smile.fr) ou participer à des salons. Cette démarche vous permettra de vous assurer que la communauté gravitant autour d'une solution est active et encline à la faire évoluer. «Le dynamisme des développeurs est un bon indicateur pour estimer la pérennité d'un logiciel libre. Regarder le nombre de téléchargements et la date de création de la solution ne suffit pas», souligne Coralie Girardet (Audaxis). Enfin, ne vous privez pas des références clients du logiciel. En effet, si les administrations publiques privilégient depuis longtemps les solutions libres, certaines grandes entreprises ont aussi franchi le pas. C'est un bon signe sur la viabilité d'un progiciel libre.
Témoignage
J'ai économisé 100 000 euros sur mon ERP
Patrick Testanière, p-dg de Pierre de Loye
Faire des économies. C'est la première raison qui a poussé Patrick Testanière à se tourner vers un logiciel libre. En 2005, en effet, la PMI a besoin d'une nouvelle solution pour gérer le suivi de sa production et de ses commandes, sa comptabilité, ainsi que sa relation client (CRM). Le dirigeant ouvre alors un appel d'offres et compare les applications des principaux éditeurs de logiciels de gestion intégrés (ERP). Mais il déchante très vite: «Aucune d'entre elles n'était parfaitement adaptée aux problématiques de mon entreprise», confie-t-il.
Des développements complémentaires, et coûteux, sont obligatoires. Sans compter le prix des licences, qui représentent un investissement initial de l'ordre de 100 000 euros pour 20 postes de travail. Le chef d'entreprise décide alors de se pencher sur le marché des logiciels libres et y trouve son bonheur: un ERP baptisé Compiere, qui réunit les fonctionnalités les plus importantes d'un logiciel de gestion, ainsi qu'une brique CRM. «Grâce à l'économie réalisée sur les licences, j'ai pu investir dans la formation de mes salariés», affirme Patrick Testanière. au total, le projet coûte 60000 euros à la PMi, intégration et formation comprises. Si l'argument financier a été décisif, d'autres motivations ont poussé l'entrepreneur à prendre cette décision. Tout d'abord, Compiere fonctionne parfaitement sous le système d'exploitation Linux, qu'affectionne Patrick Testanière. Mais surtout, le chef d'entreprise craignait de travailler avec un éditeur qui pourrait un jour disparaître, et, du coup, de devoir utiliser un outil figé: «En 2005, les fusions-acquisitions étaient monnaie courante dans le secteur. Avec un logiciel libre, on est à l'abri de ce genre de risque.»
PIERRE DE LOYE >> Repères
- Activité: Filature
- Ville: Sérignan-du-Comtat (Vaucluse)
- Forme juridique: SA
- Dirigeant: Patrick Testanière, 49 ans
- Année de création: 1770
- Effectif: 80 salariés
- Chiffres d'affaires 2008: 4,3 MEuros
Agenda
> Un salon dédié à l'open source
Solutions Linux/Open source , le salon dédié aux logiciels «libres», vient de fêter ses dix années d'existence. Il s'est tenu du 31 mars au 2 avril derniers, à Paris Expo (Porte de Versailles).
L'évènement a réuni 220 acteurs de l'open source.
La prochaine édition du salon se tiendra les 30, 31 mars et 1er avril 2010, au même endroit.
Nec plus ultra
Optez pour des applications reconnues
L'offre d'applications open source est une vraie jungle. Les projets fourmillent et nombre d'entre eux sont en réalité des «clones» de logiciels ouverts existants. Voici une liste - non exhaustive - d'applications connues et reconnues.
- Progiciels de gestion intégrés (ERP): Compiere, TinyERP, ERP5 et Neogia.
- Gestion de la relation client (CRM): SugarCRM, TinyCRM.
- Solutions décisionnelles: JasperSoft, Pentaho.
- Suite bureautique: OpenOffice.
- E-commerce: Magento, OSCommerce.
- Gestion électronique des documents (GED): alfresco, Nuxeo, eXo Plateform.