Licencier un salarié "'protégé"
Elus du personnel, représentants syndicaux... Réputés «ultraprotégés», ces salariés ne le sont, en réalité, pas tout à fait. Zoom sur une procédure très rigide.
Je m'abonne1 QU'EST-CE QU'UN SALARIE «PROTEGE»?
Dans une entreprise, certains salariés bénéficient de règles spécifiques en matière de licenciement. Ces règles protectrices concernent non seulement les représentants élus du personnel et les représentants syndicaux en fonction, mais aussi, notamment, les salariés ayant demandé la mise en place des élections au comité d'entreprise ou des délégués du personnel, les candidats à la fonction de représentant du personnel, les salariés dont la candidature est imminente, les anciens représentants du personnel, les anciens représentants syndicaux, les conseillers prud'homaux, les conseillers chargés d'assister les salariés lors des entretiens préalables, et les membres du CHSCT (comité d'hygiène, de sécurité et des conditions de travail). La durée de la protection accordée aux salariés qui ne sont pas ou plus en fonction varie entre six et douze mois. Pour chacune de ces catégories de salariés, le début et la fin de la période de protection font l'objet d'une jurisprudence subtile. En outre, la notion de fraude conduit à invalider des licenciements prononcés immédiatement après l'échéance de la période de protection. La Cour de cassation juge, par ailleurs, que le licenciement doit reposer sur des motifs différents de ceux invoqués dans une demande d'autorisation de licenciement refusée par l'inspecteur du travail.
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A SAVOIR
Des sanctions pénales en cas de délit d'entrave
Le non-respect de la procédure de licenciement des salariés dits «protégés» peut être pénalement sanctionné au titre du délit d'entrave, puni d'un an au plus d'emprisonnement et/ou d'une amende de 3 750 euros. En outre, le licenciement étant considéré comme nul et de nul effet, le salarié licencié peut demander à être réintégré dans l'entreprise, éventuellement dans un emploi équivalente celui qu'il occupait précédemment. A ce titre, il peut obtenir le paiement des salaires non versés entre la date de son licenciement et la date de sa réintégration, mais sans cumuler ce paiement avec les indemnités qu'il aurait perçues . au titre de la rupture de son contrat i de travail. S'il n'entend pas demander sa réintégration, il peut obtenir une indemnité spécifique correspondant, en principe, aux salaires bruts qui auraient dû lui être versés entre la date du licenciement nul et la fin de la période de protection dont il bénéficiait. Cette indemnité se cumule alors avec ses indemnités de rupture et une indemnité qui ne peut être inférieure à six mois de salaire.
Jean-Marie Léger est avocat associé chez Avens Lehman & Associés, cabinet spécialisé en droit des affaires. 67, boulevard Haussmann 75008 Paris www.avens.fr
2 AVANT TOUTE CHOSE, CONSULTEZ LE COMITE D'ENTREPRISE
Le comité d'entreprise (CE), s'il existe, doit être consulté sur le projet de licenciement, excepté pour les délégués syndicaux. Lorsque le salarié concerné est titulaire de plusieurs mandats, une seule consultation est nécessaire. S'il n'existe pas de comité d'entreprise, l'inspecteur du travail peut être directement saisi d'une demande d'autorisation. Toutefois, dans les entreprises où la mise en place d'un comité d'entreprise est obligatoire, l'inexistence de celui-ci doit résulter d'un procès-verbal de carence. A défaut, l'absence de consultation du comité d'entreprise, du fait d'un manquement de l'employeur à ses obligations à l'égard de la représentation du personnel, rend la procédure irrégulière. Sachez, en outre, que le salarié, qui devra disposer d'un temps de réflexion suffisant, sera convoqué à la réunion du comité d'entreprise. Après audition de l'intéressé, le comité rendra un avis sur le projet de licenciement. Si le salarié est également membre du CE, il est conseillé de le laisser voter. En revanche, l'employeur ne peut participer au vote. L'avis du comité d'entreprise ne lie ni l'employeur ni l'inspecteur du travail.
3 DEMANDEZ L'AUTORISATION DE L'INSPECTION DU TRAVAIL
Dans les quinze jours suivant la réunion du comité d'entreprise, l'employeur doit adresser à l'inspecteur du travail territorialement compétent une demande d'autorisation de licenciement, à laquelle doivent être joints le procès-verbal de la réunion du CE et tout document de nature à appuyer sa demande. L'inspecteur du travail procède alors à une enquête contradictoire, au cours de laquelle il auditionne le salarié et l'employeur. Il lui appartient de vérifier que la procédure applicable a bien été respectée et que le motif est réel. Il doit, en principe, rendre sa décision dans les quinze jours à compter de la date de réception de la demande d'autorisation, mais peut toutefois prolonger ce délai. Attention: si l'inspecteur du travail n'a pas répondu au bout de deux mois, ce silence équivaut à une décision de rejet faisant courir les délais de recours.
4 VOS RECOURS EN CAS DE REFUS DE L'INSPECTION DU TRAVAIL
L'inspection du travail s'est opposée à votre projet de licenciement? Vous disposez de deux mois, à compter de la notification de ce refus, pour contester la décision devant le ministre du Travail (recours administratif) ou le tribunal administratif (recours juridictionnel). En cas d'autorisation contestée par le salarié, soyez prudent: si l'exercice de ces recours ne vous interdit pas de procéder au licenciement, l'annulation ultérieure de la décision de l'inspecteur du travail entraînera la réintégration du collaborateur. A contrario, si l'inspecteur du travail a autorisé le licenciement et que cette autorisation n'a pas été contestée, le juge prud'homal, lié par la décision administrative, n'est plus habilité à apprécier le caractère réel et sérieux de la cause du licenciement.
5 VOUS AVEZ L'AUTORISATION? COMMENT PROCEDER
La procédure spécifique se cumule avec la procédure de droit commun applicable au licenciement individuel ou au licenciement économique, selon le cas. En tout état de cause, le licenciement ne pourra être notifié qu'à l'issue de la procédure spécifique. Dans le cadre d'un licenciement pour motif personnel, le cumul de procédures conduit l'employeur à respecter un modus operandi extrêmement strict. Il s'agit, tout d'abord, de convoquer le salarié à un entretien préalable. Viennent ensuite la consultation du comité d'entreprise et la demande d'autorisation à l'inspecteur du travail. Une fois l'autorisation obtenue, vous pouvez enfin procéder à la notification du licenciement. Attention: s'il s'agit d'un licenciement pour motif économique, le comité d'entreprise devra être spécialement convoqué.